EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
RELATIVEMENT à une demande de prestations par
JEAN-PIERRE PROULX
- et -
RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par le prestataire à l'encontre d'une décision d'un conseil arbitral rendue le 5 février 1997 à Sainte-Foy, Québec.
DÉCISION
LE JUGE ROBERGE:
Le prestataire interjette appel d'une décision du conseil arbitral rendue le 5 février 1997 à Sainte-Foy, Québec, par laquelle il maintenait majoritairement la décision de la Commission et rejetait l'appel du prestataire.
Le 10 décembre 1996, la Commission déterminait que le prestataire n'avait pas droit aux prestations ordinaires d'assurance-chômage à compter du 17 novembre 1996 parce qu'il avait quitté son emploi dans les Forces armées le 2 août 1996, sans motif valable.
Le prestataire n'était pas présent lors de l'audition de sa cause devant le conseil arbitral, mais il avait indiqué dans son avis d'appel qu'il voulait être présent lors de l'audition de sa cause devant un juge-arbitre. Cependant, il a écrit au Bureau du juge arbitre le 28 novembre 1997, qu'il serait en Hollande dans un nouvel emploi à compter de janvier 1998, et cela pour trois ans. Dans cette même missive il indique qu'il sera absent devant le juge-arbitre mais que sa cause pourrait être présentée selon les documents qui sont au dossier.
Dans sa décision majoritaire le conseil arbitral s'exprime comme suit:
«Les faits au dossier démontrent que le prestataire est à l'emploi des Forces Armées depuis 26 ans et que le relevé d'emploi fait mention d'une retraite volontaire pour motiver la cessation de l'emploi.
Le prestataire allègue que suite à un 3ème changement de mutation, sa famille a refusé de le suivre.
Devant ces faits mis en évidence, nous ne pouvons que constater que les fréquentes mutations font partie intégrante des conditions de travail habituelles du prestataire.
En prenant l'initiative de rompre le lien employeur/employé et en ne s'assurant pas d'un autre emploi au préalable, nous sommes d'avis que le prestataire n'a pas agi comme une personne raisonnable l'aurait fait dans des circonstances semblables et que son comportement a entraîné un risque déraisonnable
La justification n'est pas synonyme de raisons personnelles, peu importe si elles sont bonnes et plausibles CUB 10561
Nous référant à la jurisprudence à l'effet que c'était une condition de son contrat de travail de devoir accepter pareille mutation et que son refus équivalait à un départ volontaire.
CONSÉQUEMMENT, le Conseil arbitral, majoritairement, maintient la décision de la Commission et rejette l'appel du prestataire.»
J'ai examiné tout le dossier et j'ai constaté que le prestataire était à l'emploi des Forces armées depuis une période de 26 ans, qu'il était aide-médical et qu'il avait un dossier apparemment sans reproche. Au mois d'août 1996, il a quitté volontairement les Forces armées à la suite de certainces circonstances: il avait été muté d'abord à Borden, ensuite à Ottawa et enfin à Petawawa, tout cela dans l'espace de quelques jours. Sa famille était disposée à le suivre à Borden comme à Ottawa mais elle refusée de le suivre à Petawawa.
Devant ces faits le prestataire a demandé de jouir d'une retraite volontaire et il a, de fait, été transféré de l'armée permanente à la force de réserves. Il a donc pris sa retraite volontairement.
La jurisprudence est constante que le départ volontaire doit se faire pour motifs valables. Le texte de loi emploie le mot «justification». Donc, un départ sans justification n'est pas accepté par la loi ni par la jurisprudence.
Il y a lieu de référer à l'arrêt célèbre de Tanguay de la Cour d'appel fédérale (A-1458-84), qui est encore suivi et dans lequel l'Honorable juge Pratte s'exprime comme suit:
«Ceci étant dit, il semble clair que le conseil a décidé comme il l'a fait parce qu'il était d'opinion que les requérants avaient agi raisonnablement en quittant leur emploi. Cela manifeste une incompréhension totale du mot "justification" dans le paragraphe 41 (1) (maintenant 28 (1). En effet, le mot, dans le contexte où il est employé, n'est pas synonyme de "raison" ou "motif"... Ce paragraphe est une disposition importante d'une loi qui établit un système d'assurance contre le chômage et ses termes doivent être interprétés en ayant égard à l'obligation qui pèse normalement sur tout assuré de ne pas provoquer le risque. Pour être plus précis, je dirais que employé qui a volontairement quitté son emploi et n'en a pas trouvé un autre s'est placé délibérément dans une situation lui permettant de forcer des tiers à lui payer des prestations d'assurance-chômage. Il n'est justifié d'avoir agi ainsi que s'il existait, au moment où il a quitté, des circonstances qui l'excusent d'avoir ainsi pris le risque de faire supporter par d'autres le fardeau de son chômage...»
Cette décision charnière a été suivie depuis cette époque.
Il est clair, dans les circonstances de cette cause, que le prestataire avait sans aucun doute de bonnes raisons personnelles de quitter les Forces armées mais, comme le dit l'Honorable juge Pratte, «raison» ou «motif» n'est pas synonyme de «justification».
Il reste donc que le conseil arbitral avait suffisamment de preuve devant lui pour en arriver à la conclusion qu'il a prise majoritairement. Il est également de jurisprudence constante que le juge-arbitre ne peut pas substituer son opinion propre à celle du conseil arbitral, à moins que cette décision ne soit manifestement déraisonnable.
Dans les circonstances, malgré toute la sympathie que je puisse avoir pour le prestataire, son appel doit malheureusement être rejeté.
"GABRIEL ROBERGE"
JUGE-ARBITRE
Québec, Qc.
Le 20 janvier 1998