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    CUB 40926

    TRADUCTION

    (Bureau de la traduction Canada)

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    DANS L'AFFAIRE d'une demande de prestations présentée par DAVE WORRALL

    - et

    DANS L'AFFAIRE d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par le prestataire à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à London (Ontario) le 12 février 1997

    DÉCISION

    LE JUGE G.L. MURDOCH

    J'ai été saisi de cette affaire à London, en Ontario, le 11 février 1998.

    Le point en litige en vertu de cet appel est la question de savoir si le prestataire a quitté volontairement son emploi chez la Jimmy D's Express Ltd., le 24 novembre 1996, sans justification.

    Le prestataire était un chauffeur de camion qui avait 18 ans d'expérience. Il passait la plupart de son temps à faire les livraisons locales et avait très peu d'expérience du transport longue distance. Dans la pièce 5-1 qui est intitulée « Départ (cessation d'emploi volontaire », le prestataire a répondu à la question 2 - « Pourquoi avez-vous quitté votre emploi le jour suivant? » : « à cause du temps; des accidents - très peu de contact avec la famille. Parti pendant de longues périodes. Confiné dans un camion 24 heures sur 24. Toutes ces conditions ont un effet néfaste sur notre vie à titre de chauffeurs de camion. » En réponse à la question 3 - « Avez-vous pris des mesures pour régler la situation/le problème qui vous a incité à quitter votre emploi? », il a répondu : « Les chauffeurs de camion doivent conduire de longues distances vers des destinations de l'Ouest des États-Unis, surtout en Californie. Il n'y avait pas moyen d'améliorer la situation qui nous a incité à quitter. » À la question 4 - « Avez-vous discuté de la situation/du problème avec votre employeur avant de quitter votre emploi? », il a répondu : « L'employeur n'avait pas de poste à offrir pour les livraisons locales dans notre région, il n'y avait donc pas de raison de discuter. » En réponse à la question 5 - « Quels efforts avez-vous fait pour chercher un autre emploi avant de quitter? », il a affirmé : « La plupart du temps, nous revenions le week-end pour constater que notre prochain chargement était déjà prêt. Même si nous avions quelques heures à nous, l'entreprise n'était pas ouverte pour discuter emploi. »

    L'explication complète du prestataire sur son départ figure à la pièce 8-1. En voici un extrait :

    Des ouragans, des tornades et de forts vents faisaient partie de chaque voyage. Il était difficile de dormir et la fatigue était constante pour entreprendre notre voyage de retour - devant nous un chauffeur s'est fait couper par une automobile et, en appliquant les freins légèrement, la remorque a dérapée frappant le taxi, et le conducteur s'est fait décapiter en étant éjecté par le pare-brise...

    Le prestataire a mis l'accent sur le contenu des pièces 8-1 et 8-2, déclarant en outre qu'il constituait un danger pour les autres automobilistes du fait qu'il conduisait un gros camion-remorque en étant fatigué et stressé.

    Le poids de la preuve incombe au prestataire en vertu de l'article 29 de la Loi qui prévoit à l'alinéa c) que le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas. Les quatorze circonstances applicables sont décrites dans la Loi. Le prestataire invoque le sous-alinéa 29c)(iv) « conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité ».

    À la défense du prestataire, je ne puis faire mieux que de citer en entier sa déclaration dont fait état la pièce 12 :

    (Dans cette déclaration, le pronom personnel « nous » désigne le prestataire et sa femme qui était sa partenaire dans la conduite du camion).

    Nous avons accepté cet emploi parce qu'il constituait une nouvelle aventure et une expérience que nous pourrions partager en tant que couple.

    Le fait que le transport sur de longues distances nous laissait peu de temps à consacrer à notre famille n'est pas le motif pour lequel nous avons quitté notre emploi. En effet, nos enfants sont tous rendus à l'âge adulte et vivent leur propre vie. Les contacts familiaux étaient certes limités, ce qui est normal lorsque les enfants ne vivent plus à la maison, mais c'est loin d'être le motif pour lequel nous avons quitté notre emploi.

    Nous étions extrêmement stressés et fatigués.

    Nous étions incapables de dormir. Nous avions perdu l'appétit. Nous faisions des indigestions à répétition qui entraînaient une perte de concentration.

    Nous avions des maux de tête et des changements d'humeur, problèmes auxquels nous n'étions pas habitués.

    Nous n'étions plus les mêmes personnes et la situation était devenue intolérable.

    Nous étions constamment à bout de nerfs.

    Le stress nous faisait réagir de façon excessive aux moindres contrariétés.

    Le stress altérait notre capacité à exercer avec aisance et assurance les fonctions rattachées à notre emploi.

    L'accident lors duquel un collègue conducteur s'est fait décapiter devant nos yeux nous a fait prendre conscience du danger qui nous guettait sans cesse. Il était évident que nous ne pouvions pas continuer à vivre une telle situation.

    Ma femme a été traumatisée et elle n'a pas pu prendre le volant pendant le reste du voyage de retour.

    J'ai expliqué à Claude qu'il fallait quitter notre emploi à cause du stress et de l'accident.

    Il nous était impossible d'avoir du temps libre pour chercher un autre emploi. Notre voyage se terminait le week-end et déjà un autre chargement nous attendait. Je ne connais pas un seul employeur qui permettrait à un employé de s'absenter pour chercher un autre emploi.

    Serait-il raisonnable de continuer à faire du transport sur de longues distances pour avoir un emploi qui met en danger notre propre vie et celle d'autres personnes sur l'autoroute, du fait que le stress et la fatigue risquent de nous faire faire des erreurs de jugement pouvant entraîner la mort d'un enfant ou de toute autre personne. Est-ce que cela constituerait un motif valable pour quitter notre emploi. Je sais une chose, ce serait « sic » tard pour sauver une vie.

    Je suis persuadé que le ministère des Transports et le gouvernement du Canada ou des États-Unis ne voudraient pas nous voir sillonner les autoroutes [sic] dans de telles conditions.

    Étant incapables d'avoir du temps libre sur semaine pour chercher un autre emploi, et pour la sécurité du public et notre propre sécurité, nous n'avions d'autre solution que de quitter notre emploi. La seule chance que nous avons eu d'obtenir un autre emploi a été à la frontière et nous avons échoué notre examen de conduite, si bien qu'ils ont embauché quelqu'un d'autre.

    Le Conseil arbitral fait référence à un document médical mais, comme le prestataire l'a déclaré devant moi aujourd'hui, il ne savait pas qu'il devait produire un certificat médical et il a jugé qu'il était maintenant trop tard.

    La preuve produite montre clairement que le travail de routier sur longues distances est extrêmement dangereux et épuisant. Sur la route, le prestataire et sa femme mettaient en danger non seulement leur propre vie mais aussi la vie des autres.

    Le Conseil arbitral a jugé que le prestataire n'avait pas exploré toutes les solutions raisonnables avant de quitter son emploi. À mon avis, le prestataire a répliqué à cette affirmation de façon satisfaisante en soulignant qu'il ne pouvait chercher du travail que la fin de semaine alors que les autres employeurs n'étaient pas disponibles et, de toute façon, il a mentionné « qu'un autre chargement nous attendait déjà » (pièce 12).

    Le Conseil arbitral est arrivé à la conclusion suivante :

    Le prestataire n'a pas prouvé qu'il était fondé à quitter son emploi au sens des alinéas 29c) (i) à (xiv).

    À mon avis, le Conseil arbitral a rendu sa décision sans égard aux éléments de preuve portés à sa connaissance. La preuve produite par le prestataire montre très clairement que les conditions de travail constituaient un danger pour sa santé ou sa sécurité et, compte tenu de toutes les circonstances, le prestataire était fondé à quitter son emploi.

    L'appel est accueilli.

    J. L. MURDOCH

    Juge-arbitre

    Peterborough (Ontario)

    Le 23 mars 1998

    2011-01-16