TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande de prestations présentée par
PAUL POTVIN
- et -
d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par le prestataire
à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
Sudbury (Ontario) le 2 octobre 1997.
DÉCISION
LE JUGE-ARBITRE JAMES A. JEROME
Il s'agit d'un appel interjeté par le prestataire à l'encontre d'une décision du conseil arbitral, qui a soutenu que le prestataire n'avait pas droit aux prestations parce qu'il avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.
M. Potvin a effectué une demande de prestations d'assurance-chômage le 14 janvier 1997, et il a alors fait savoir qu'il avait été renvoyé. L'employeur a avisé la Commission que le prestataire avait été surpris alors qu'il était en train de voler des produits de prescription qui se trouvaient dans la boîte à lunch d'un collègue de travail, et que celui-ci avait signalé l'incident. Le prestataire a d'abord nié avoir pris quoi que ce soit, mais il a ensuite avoué à regret qu'il avait commis le vol. L'employeur a de plus soutenu que le prestataire n'avait pas eu la permission d'ouvrir la boîte à lunch.
Le prestataire a expliqué que peu de temps avant que l'incident ne se produise, il avait participé à un programme de traitement de la toxicomanie et avait ainsi suivi un traitement pour l'abus de produits de prescription, qu'une lettre conditionnelle de réembauchage lui avait permis de reprendre son emploi, et qu'il n'était de retour au travail que depuis peu lorsque l'incident s'est produit. La journée de l'incident, le prestataire a souffert d'un mal de tête, et un collègue de travail lui a permis de prendre des comprimés d'Advil dans sa boîte à lunch. Lorsque M. Potvin a ouvert la boîte à lunch, il a aperçu des produits de prescription (Tylenol 3) et a alors oublié tout ce qu'il avait appris dans le cadre de son programme de traitement de la toxicomanie. Il s'est emparé des produits de prescription et les a consommés.
La Commission s'est fondée sur ces renseignements pour établir que le prestataire n'avait pas droit aux prestations parce qu'il avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. M. Potvin a interjeté appel devant un conseil arbitral. La majorité de celui-ci a rejeté son appel pour les raisons suivantes :
Le prestataire et son représentant ont admis que le prestataire avait pris quelques comprimés de Tylenol 3 qui se trouvaient dans la boîte à lunch d'un collègue de travail, ce qui, selon la majorité du conseil arbitral, constitue une infraction.
Par la suite, le prestataire a été renvoyé en raison de cette infraction. Devant ces faits, le conseil arbitral conclut que le prestataire a commis une infraction qui représente une inconduite. Si l'on ne tient pas compte des circonstances, le prestataire n'a pu justifier son geste, et la majorité du conseil arbitral conclut que l'utilisation de drogues au travail constitue une infraction grave.
Le conseil arbitral conclut donc que le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.
Le membre dissident du conseil arbitral aurait accueilli l'appel du prestataire pour les raisons suivantes :
La déclaration qu'il [le prestataire] a faite à la Commission contredit celles faites par l'entreprise et la Commission. L'infraction commise est grave et ne peut être négligée, mais la toxicomanie et l'alcoolisme représentent des maladies et sont reconnus comme tel par les autorités médicales.
En attribuant des prestations de maladie au prestataire (pièce 13), la Commission reconnaît ce fait. L'entreprise l'avait également reconnu antérieurement, et elle aurait dû faire preuve de plus de compassion et aider le prestataire à surmonter sa maladie. Le prestataire avait reconnu avoir commis l'infraction, et nous savons tous qu'il est difficile de guérir de cette maladie. Je considère que le type d'inconduite dont a fait preuve le prestataire ne devrait pas l'empêcher de recevoir des prestations, même si l'entreprise considère son geste comme une infraction qui mérite un renvoi. Je ne pense donc pas que l'infraction constitue une inconduite en vertu de la loi, et je crois que des prestations devraient être versées au prestataire et que l'accueil devrait être accueilli.
Conformément aux articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi, il est possible qu'un prestataire qui perd son emploi en raison de sa propre inconduite ne puisse toucher de prestations. Quoique le terme « inconduite » ne soit pas défini dans la loi, la jurisprudence a établi qu'il devait y avoir un élément mental de conduite intentionnelle ou de conduite insouciante se rapprochant de la préméditation pour conclure qu'il y a bel et bien eu inconduite. La possibilité que la conduite d'un employé qui entraîne la perte de son emploi constitue une « inconduite » dépend grandement des circonstances propres à chaque cas particulier. Il revient à la Commission ou à l'employeur d'établir s'il y a eu inconduite, et il doit être prouvé de façon claire, précise et non équivoque qu'un prestataire a été renvoyé en raison de son inconduite pour que le conseil arbitral en arrive à une telle conclusion. S'il y a un doute quelconque relativement à l'inconduite alléguée, il n'a donc pas été prouvé qu'un prestataire a perdu son emploi pour cette raison.
De plus, le fait qu'un employeur a renvoyé un employé pour ce qu'il croyait être un motif valable ne signifie pas nécessairement qu'il a été établi que l'employé a fait preuve d'inconduite aux fins de la Loi sur l'assurance-emploi. Un renvoi qui fait suite à un motif valable n'est pas forcément synonyme d'un renvoi effectué en raison d'une inconduite.
Je conviens ici de la déclaration du membre dissident du conseil arbitral selon laquelle la toxicomanie dont souffrait le prestataire est grave, et que le conseil arbitral ne peut négliger cet aspect en rendant une décision quant à savoir si le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite ou non. En fait, comme je l'ai indiqué lors de l'audience de cette affaire, le vol d'une quantité si petite de médicaments, même si l'employeur le considère comme un motif valable pour renvoyer le prestataire, est à peine assez grave pour justifier une inadmissibilité aux prestations en raison d'une inconduite.
Pour ces raisons, la décision du conseil arbitral est annulée, et l'appel du prestataire est accueilli.
James A. Jerome
Juge-arbitre
Ottawa (Ontario)
Le 19 novembre 1998