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    CUB 43161

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par

    Walter SOUTER and Monta SOUTER

    - et -

    d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par les prestataires à
    l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
    Barrie (Ontario) le 13 février 1998.

    DÉCISION

    LE JUGE-ARBITRE EVANS

    Le présent appel a été interjeté à l'encontre d'une décision du conseil arbitral qui a rejeté l'appel logé contre un agent de l'assurance-emploi qui avait statué que les appelants n'étaient pas admissibles aux prestations d'emploi car ils avaient quitté leurs emplois respectifs chez O'Neil Electric Supply Ltd. sans motif valable. Les appelants ont demandé que l'appel se fasse sans audition verbale.

    Les appelants étaient mari et femme et ont été engagés par l'employeur au titre de « couple résidant » dans une ferme d'élevage pour chevaux dont l'employeur était propriétaire. La ferme était gérée par la fille (Debbie Doyle) et le fils (Michael O'Neil) du propriétaire de la compagnie.

    Les appelants ont passé une entrevue auprès de Mme Doyle qui leur a indiqué qu'ils seraient couverts par l'assurance de l'entreprise pour ce qui est des frais dentaires et médicaux et que leurs salaires et conditions de travail seraient révisés deux mois après le début de leur emploi. Les assurances dentaires et médicales étaient importantes pour les appelants qui sont tous deux dans la soixantaine et accomplissent un travail physique. Ils ont commencé à travailler en mars 1997.

    Les appelants ont quitté leur travail en septembre 1997 sans avoir trouvé d'autres emplois de façon préalable. La cause directe de leur démission était un appel téléphonique de la part de M. O'Neil à Mme Souter. Cet appel se voulait une réponse à la lettre de Mme Souter qu'elle avait écrite pour se plaindre du fait que la compagnie ne les ait pas inscrits au régime d'assurance collectif à temps pour qu'elle puisse avoir droit au remboursement de dépenses dentaires et médicales qu'elle avait dû défrayer en croyant qu'elle était assurée.

    M. O'Neil a visiblement été mis en colère par la lettre car il a menacé de la licencier si jamais elle lui envoyait une autre lettre de même nature. Mme Souter a qualifié cet appel d'« abusif » et a affirmé qu'il l'avait fait pleurer. M. Souter qui avoue avoir été en colère par la façon dont M. O'Neil avait parlé à sa femme a rapidement envoyé leurs démissions au gérant d'exploitation qui leur a indiqué une semaine plus tard que les frais dentaires et médicaux qu'ils avaient subis seraient remboursés.

    La réaction des appelants à l'appel téléphonique devrait être considérée dans le cadre d'une autre plainte formulée par Mme Souter contre son employeur. Contrairement à la promesse faite par Mme Doyle lors de l'embauche des appelants, leur salaire et les conditions de travail n'ont pas été révisés deux mois après le début de leur emploi. Mme Souter a affirmé avoir demandé à plusieurs reprises à Mme Doyle de procéder à la révision, mais que celle-ci n'en a rien fait. Le manquement de l'employeur à honorer une autre partie du contrat de travail ainsi que son refus apparent d'en parler avec Mme Souter, pourraient expliquer la raison pour laquelle les appelants étaient tellement en colère en raison de l'appel téléphonique reçu qu'ils ont décidé de quitter leurs emplois sans faire d'efforts supplémentaires pour résoudre le problème des assurances dentaires et médicales.

    Le conseil arbitral a statué que les appelants avaient volontairement quitté leurs emplois sans motif valable en se fondant sur les éléments suivants. Premièrement, ils n'ont pas pris en considération d'autres possibilités que la démission et n'avaient pas d'autres emplois en vue à cause de la rapidité avec laquelle ils ont pris leur décision. Deuxièmement, ils n'ont pas tenté de résoudre la situation en tentant de parler avec une autre personne de la compagnie que M. O'Neil. Troisièmement, les conditions de travail n'étaient pas intolérables au point qu'elles justifiaient le départ des prestataires avant qu'ils n'aient trouvé du travail ailleurs.

    Dans une lettre jointe à leur avis d'appel interjeté à l'encontre de la décision du conseil arbitral, les appelants affirment que le conseil a fondé sa décision sur une interprétation erronée des faits. Ils ont affirmé que, étant donné le refus de Mme Doyle de discuter avec eux de la révision salariale, ce serait peine perdue de tenter de résoudre le problème de l'assurance médicale et dentaire et que le fait que l'employeur ait violé des conditions du contrat de travail qui leur paraissaient tellement primordiales rendait la situation « intolérable ». Ils ont également ajouté qu'ils estimaient n'avoir aucune difficulté à se trouver d'autres emplois car des agences de placement les avaient souvent approchés pour leur proposer de travailler comme « couple de domestiques ».

    La compétence du juge-arbitre dans le cadre d'un appel interjeté à l'encontre d'une décision du conseil arbitral est assez limitée : les clauses pertinentes à cette affaire se trouvent sous l'alinéa 115 (2) (c) de la Loi sur l'assurance-emploi C.S. 1996, c. 23, ainsi modifié qui indique qu'on peut interjeter appel si :

    le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

    Parmi les raisons invoquées par le conseil pour rendre sa décision, rien ne semble indiquer qu'il ait utilisé des critères inappropriés afin de déterminer si les appelants ont volontairement quitté leur emploi sans motif valable. Il n'est pas de mon ressort de me substituer au conseil arbitral pour déterminer si les faits de cette affaire correspondent aux normes habituelles d'un « motif valable ». Je ne peux accueillir un appel qu'en vertu de l'alinéa 115 (2) (c) si j'estime que le conseil a « fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. »

    L'une des conclusions de fait sur laquelle le conseil a fondé sa décision est qu'avant de quitter leurs emplois, les appelants ont omis de chercher d'autres façons de procéder. Ils n'ont pas, notamment, discuté avec qui que ce soit d'autre que M. O'Neil de leur plainte au sujet du fait qu'ils n'étaient pas protégés par le régime d'assurance collective qui leur avait été promis au moment de leur embauche.

    Cependant, le conseil semble être parvenu à cette conclusion sans égard pour la documentation qui lui avait été fournie et lui indiquait pourquoi les appelants estimaient que de telles démarches étaient inutiles. Le conseil n'a pas fait état des plaintes récurrentes de Mme Souter au sujet du refus apparent de Mme Doyle de procéder à une révision des salaires et des conditions de travail des appelants, chose qui leur avait été promise lors de leur embauche. Bien que le gérant d'exploitation ait proposé de rembourser les appelants pour leurs dépenses médicales et dentaires après leur départ, il était raisonnable de la part des appelants, au moment où ils ont quitté leurs emplois, de croire que le gérant d'exploitation n'avait pas l'autorité nécessaire pour s'occuper de leurs demandes relatives aux assurances, étant donné la réaction colérique de M. O'Neil à la lettre de Mme Souter. Il n'était pas non plus raisonnable de s'attendre à ce que les appelants fassent état de leurs problèmes au père de M. O'Neil qui n'occupait pas un rôle actif dans l'exploitation commerciale de la ferme.

    Le fait que le conseil n'ait pas abordé les preuves importantes qui indiquent que les appelants ont agi de façon raisonnable en omettant de contacter d'autres personnes au sujet du bris de contrat apparent de l'employeur ramène l'affaire dans le cadre de l'alinéa 115 (2) (c). Bien qu'il soit incontestable que les appelants aient omis de chercher d'autres moyens de résoudre leurs problèmes avant de quitter leur emploi, un « autre moyen » représente une solution qui doit être raisonnablement accessible. Des prestataire ne devraient pas êtres exclus des prestations parce qu'ils n'ont pas transmis leurs plaintes à une tierce personne avant de quitter leur emploi, lorsqu'ils avaient des motifs raisonnables de croire que cela ne servirait à rien. À la lumière de l'ensemble des circonstances de cette affaire, il était raisonnable de la part des prestataires de croire qu'il serait inutile de présenter un grief au sujet des prestations dentaires et médicales et de ne pas avoir cherché à recourir à d'autres moyens que le départ.

    Maintenant que j'ai conclu que l'appel interjeté à l'encontre de la décision du conseil arbitral devrait être accueilli, je dois déterminer s'il faut renvoyer l'affaire devant un conseil arbitral pour une nouvelle audience ou si je dois rendre moi-même la décision. Étant donné que les appelants ont quitté leur emploi il y a plus d'un an et que des délais supplémentaires sont à prévoir si je renvoie cette affaire devant un autre conseil arbitral, il semble approprié que je me prononce sur le bien-fondé de cet appel.

    Selon moi, les appelants avaient des motifs valables de quitter leur emploi. Les employeurs n'avaient pas honoré des parties du contrat que les appelants jugeaient importantes, à savoir l'assurance dentaire et médicale promise par Mme Doyle ainsi que la révision de leurs salaires qui devait avoir lieu deux mois après le début de leur travail. En outre, les appelants pensaient, de façon justifiée, qu'il serait inutile de transmettre la plainte relative aux assurances à une tierce personne avant de quitter leur emploi. Il est vrai que les appelants n'avaient pas d'autres possibilités d'emploi au moment où ils ont quitté leurs postes, mais des demandes préalables d'agences de placement au sujet de leurs disponibilités pouvaient les mener à penser qu'il n'auraient pas beaucoup de mal à obtenir d'autres postes à titre de « couple de domestiques ».

    Pour l'ensemble de ces raisons, l'appel interjeté à l'encontre du conseil arbitral est accueilli. De plus, je conclus que les appelants n'ont pas quitté leurs emplois auprès de Earl O'Neil Electric Supply Ltd. sans motif valable, et de ce fait ne sont pas exclus des prestations d'assurance-emploi en vertu du paragraphe 29 (1) de la Loi sur l'assurance-emploi.

    John M. Evans

    Juge-arbitre

    Ottawa (Ontario)

    Le 8 octobre 1998

    2011-01-16