EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
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RELATIVEMENT à une demande de prestations par
JOSÉE MARIN
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RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par la prestataire de la décision d'un conseil arbitral rendue à Hull, Québec, le 29 juillet 1998.
DÉCISION
LE JUGE BLAIS
La prestataire en appelle de la décision du conseil arbitral qui a maintenu la décision parce qu'elle n'a pas prouvé qu'elle était disponible pour travailler pendant qu'elle suivait un cours de formation.
La prestataire avait cessé de travailler le 20 décembre 1996 et a déposé une demande de prestations d'assurance-chômage le 7 février 1997.
Lors du dépôt de sa demande, la prestataire a donné une description relativement détaillée de sa disponibilité en fonction des cours qu'elle suit au CEGEP en électro-dynamique, lesquels cours ont débuté en août 1994 et sont pour une durée de trois ans et demi.
La prestataire a également déposé une demande de prestations d'assurance-chômage le 6 novembre 1997, après un autre stage à l'été 1997.
Les deux demandes ont été rejetées par la Commission.
Bien que les informations apparaissant, tant dans son questionnaire sur la disponibilité pour le travail (pièce 4) que sur le document d'information touchant les cours de formation (pièce 7-1), pouvaient être interprétées comme étant des restrictions à sa disponibilité, il apparaît clairement de son interrogatoire sous serment aux pages 6 et 7 des notes sténographiques que la priorité de la prestataire était de se trouver un emploi et qu'elle demeurait disponible pour n'importe quel emploi qui aurait pu lui être offert, pouvant même reporter à plus tard le fait de compléter ses études au CEGEP, si elle pouvait dénicher un emploi entre-temps.
La jurisprudence établit qu'un étudiant à temps plein n'est généralement pas disponible pour travailler, laquelle disponibilité doit être démontrée pour des heures régulières de travail et non pas seulement pour des fins de semaines.
La prestataire a clairement indiqué que, s'il y avait un conflit éventuel entre un travail et son horaire de cours, elle avait la possibilité d'obtenir de l'aide d'autres étudiants et la collaboration de ses professeurs pour pouvoir obtenir des notes de cours et participer à des sessions en dehors des heures préalablement prévues à l'horaire du CEGEP.
La prestataire a clairement démontré qu'elle avait elle-même une grande flexibilité et qu'elle était en mesure de s'assurer que ses collègues autour d'elle étaient en mesure de l'aider si elle devait rencontrer un problème d'horaire.
La prestataire habitait à l'époque la région de Port-Cartier et de Sept-Îles, où le taux de chômage se situe aux environs de 20%.
La prestataire a également fait la démonstration qu'elle avait cherché de l'emploi chez Alouette, Québec Cartier Mining, IOC, lesquelles sont toutes des entreprises qui opèrent sur des quarts de travail et qui ne sont pas limitées à du "neuf à cinq".
L'article 115 de la Loi sur l'assurance-emploi précise les moyens d'appel d'une décision du conseil arbitral.
Je reconnais la présomption établie par la jurisprudence à l'effet qu'une étudiante à temps plein n'est pas disponible pour travailler.
La prestataire peut renverser cette présomption en démontrant qu'elle a été référée pour ce cours de formation par la Commission ou encore en démontrant qu'il y a un historique approprié d'études et de travail simultanés, préalablement à sa demande d'emploi.
Le juge Marceau dans la décision Whiffen (Cour d'appel fédérale, A-1472-92) précise:
En droit jurisprudentiel, la disponibilité veut habituellement dire le désir sincère de travailler, démontré par l'attitude et la conduite, auxquelles viennent s'ajouter des efforts raisonnable pour trouver un emploi, ou la volonté de réintégrer le monde du travail dans des conditions normales sans indûment limiter ses chances d'obtenir un emploi.
Dans la décision Michel Faucher (Cour d'appel fédérale, A-5696) quant à l'appréciation de la preuve, le juge Marceau précise:
Nous sommes, bien sûr, pleinement conscients que la disponibilité d'un prestataire est une question de fait dont la solution normalement repose sur une appréciation de la preuve, domaine privilégié du Conseil arbitral. Mais nous croyons qu'ici les membres du Conseil et, après eux, le juge-arbitre ont apprécié les faits à la lumière d'une notion de disponibilité qui n'est pas conforme à celle définie par la Loi telle qu'interprétée par la jurisprudence. En l'absence de définition précise dans la Loi, il a été maintes fois affirmé par cette Cour que la disponibilité devait se vérifier par l'analyse de trois éléments soit le désir de retourner sur le Marché du travail aussitôt qu'un emploi convenable serait offert, l'expression de ce désir par des efforts pour se trouver cet emploi convenable, et le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le Marché du travail et que les trois éléments devaient être considérés pour arriver à la conclusion. Or, il appert, à la lecture des motifs de décision du Conseil arbitral comme du juge-arbitre, que seul le troisième élément a vraiment joué, éclipsant les deux autres, ce qui a conduit à une conclusion qui parait sans correspondance véritable avec la situation dégagée de l'ensemble des circonstances.
Le conseil arbitral a reconnu par ailleurs que la prestataire avait un historique approprié d'études et de travail simultanés, et même à plusieurs reprises, mais qu'il remontait à plusieurs années auparavant et qu'il ne devait pas être applicable à la période visée.
Le juge Dubé dans le dossier Hutchison (CUB 21322) précise que bien que cet historique approprié d'études et de travail simultanés doit être démontré, il n'y a rien dans la Loi, les règlements ou encore la jurisprudence à l'effet que l'historique approprié d'études et de travail simultanés se situe dans la période de qualification:
On the other hand, the dissident member of the Board held that he could not find anything in the Act, the Regulations or the jurisprudence that would suggest that the history of attending courses and working at the same time must be in the qualifying period. I agree with the dissenting member. The claimant's claim may not be disallowed on that sole ground. Clearly, if she in previous years has been able to cumulate study and work at the same time in Halifax, she can do it again, bearing in mind that the courses are held during the day and that her work in the past has been night-work as waitress, bar tender, etc.
Dans le dossier Robert MacPhee (CUB 22820) le juge MacKay précise:
Un étudiant peut cependant réfuter la présomption de non-disponibilité en prouvant qu'il a par le passé marié travail et études à temps plein. Dans la décision CUB 7261, Girard, le juge-arbitre Walsh laisse entendre qu'un étudiant peut être considéré comme disponible pour travailler pendant ses études s'il prouve qu'il peut occuper un emploi tout en poursuivant ses études à temps plein:
(...)
Le prestataire en l'espèce soutient qu'il a établi son habitude de travailler à temps partiel pendant ses études. C'est ce qu'il a fait pendant ses études secondaires, soit de 1982 à 1984, et pendant sa première année d'université en 1985. De 1986 à 1991, cependant, il a travaillé à temps plein et n'a pas suivi de cours.
Il allègue qu'il faut tenir compte non seulement du dernier emploi du prestataire, mais plutôt de tous ses antécédents professionnels pour établir s'il a l'habitude de travailler à temps partiel pendant ses études. La Commission soutient que l'habitude du prestataire de marier le travail à ses études doit être établie au cours de ses emplois récents.
(...)
Bien qu'il n'y ait qu'une des affaires susmentionnées où l'habitude du prestataire de travailler et d'étudier en même temps datait de cinq ou six ans avant la reprise de ses études, une période de travail à temps plein s'intercalant entre les deux, j'estime que le même principe s'applique aux prestataires qui n'auraient pas marié travail et études pendant leur dernier emploi. Le prestataire en l'espèce a démontré qu'il avait travaillé tout en poursuivant ses études non seulement à l'école secondaire, mais aussi pendant sa première année d'université. Il étudiait ces années-là. Le fait qu'il ait ensuite travaillé à temps plein, sans suivre des cours en même temps, ne devrait pas exclure ses antécédents d'activité professionnelle et d'études concomitantes.
À la lumière des faits qui ont été portés à la connaissance du conseil arbitral, je considère que ce dernier n'a pas donné le poids approprié à la preuve qui lui était présenté par la prestataire, particulièrement sur la flexibilité concernant les cours qu'elle suivait au CEGEP et sa recherche d'emploi.
Le conseil arbitral a fondé sa décision sur une conclusion de faits erronés tirés de façon arbitraire sans tenir compte des éléments qui ont été portés à sa connaissance.
Pour toutes ces raisons, l'appel de la prestataire est accueillie et le dossier est retourné à un conseil arbitral constitué de membres différents pour reconsidération et décision.
(Jurisprudence consultée, Ana Francisca Romero (CUB 33603), Gisèle Coulombe (CUB 35820), Louis Le Duc (Cour d'appel fédérale, A-134-95), Yvonne Endrew (CUB 30595) Lucien Dionne (CUB 38185) Marie Stolniuk (Cour d'appel fédérale, A-686-93), Maureen Silkstone (CUB 32958), Jean Whiffen (Cour d'appel fédérale, A-1472-92), Francine Henry (CUB 13473), Michael Bouchard (CUB 18037), Sarto Landry (CUB 20021)
Pierre Blais
Juge-arbitre
OTTAWA, ONTARIO
Le 17 décembre 1998