CUB 43356
TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande de prestations présentée par
JAMES GATES
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le prestataire à
l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
Winnipeg (Manitoba) le 30 avril 1998.
DÉCISION
LE JUGE BLAIS
Le prestataire interjette appel à l'encontre de la décision du conseil arbitral rejetant l'appel parce que le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.
En raison de son inconduite, le prestataire a par conséquent été déclaré inadmissible aux prestations d'assurance-chômage.
J'ai examiné la preuve dont disposait le conseil arbitral et les notes de l'employé de la Commission ainsi que celles du prestataire sur ce qui s'est produit le 8 janvier 1998.
J'y apprends que l'employé de la Commission, M. ou Mme B. Morton, a téléphoné à la gérante du personnel et au gérant de Wal-Mart pour obtenir de l'information le 24 mars 1998, puis a rappelé la gérante du personnel le lendemain, soit le 25 mars 1998.
Mme Clara Campbell, gérante du personnel chez Wal-Mart, a mentionné particulièrement :
Toutefois, il n'y a aucune documentation quant aux paroles réelles utilisées par le prestataire et elle ne les a entendues que par ouï-dire.
[TRADUCTION]
Évidemment, il existe peu de preuve de ce qui s'est produit ce jour-là et il y a des contradictions.
D'une part, nous avons ce que le prestataire a dit et écrit, particulièrement une lettre de sept pages signées par lui-même le 17 mars 1998 et, d'autre part, nous n'avons même pas une description de ce qui s'est produit avec l'assistant-gérant de Wal-Mart, qui est le seul témoin de ce qui s'est produit le 8 janvier 1998.
Je constate également que le prestataire n'a pas eu d'antécédents d'inconduite ni de disputes avec d'autres employés ou des superviseurs chez Wal-Mart durant la période de presque deux ans au cours de laquelle il a travaillé pour cet employeur.
Je ne conteste pas l'appréciation subjective de l'employeur quant à l'existence d'une inconduite; néanmoins, je me réfère aux commentaires du juge Marceau dans Eppel (1995), 189 N.R. 191 (C.A.F.) à la page 195 :
Il est possible de lire la décision de ce tribunal dans Canada (Procureur général) c. Jewell (1995), 175 N.R. 350 (CAF) comme soutenant la proposition que l'appréciation subjective de l'employeur quant à l'existence d'une inconduite serait exécutoire pour la Commission et pour le conseil arbitral. Toutefois, je crois qu'une telle interprétation irait au-delà de ce qui était l'essence de la réflexion des membres du conseil à cette occasion.
[TRADUCTION]
Je me réfère également à la décision rendue dans Diane Choinière c. Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, (CAF) 1997, (CUB 28142) :
Toutefois, il semble d'après le dossier que cette soi-disant « version » décisive de l'employeur se soit limitée à une déclaration de l'un de ses représentants consignée par un agent de la Commission dans un texte de quelques lignes où il est indiqué laconiquement que l'employée a été renvoyée parce qu'elle a pris la journée de congé sans autorisation. Était-il possible d'utiliser uniquement cette « version » des faits pour conclure que la Commission s'était acquittée de son obligation de prouver que les conditions de l'article 28 étaient remplies?
Nous ne le croyons pas, à la lumière des décisions de ce tribunal, qui en de nombreuses occasions récentes a répété que c'était une erreur que de penser un seul instant que l'opinion de l'employeur concernant l'existence d'une inconduite qui justifierait le renvoi pourrait suffire à déclencher la sanction, maintenant si sévère, de l'article 28, et qu'au contraire, une évaluation objective était nécessaire, suffisante pour dire que l'inconduite était en fait la cause de la perte de l'emploi.
Dans les renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations du prestataire du 4 février 1998 (pièce 4-1), celui-ci mentionne clairement des éléments différents conduisant au fait qu'il y avait déjà un problème de relation entre l'assistant-gérant et le gérant; le prestataire présente également beaucoup d'information sur la situation et la relation entre les membres du personnel.
Lorsque j'ai lu les notes des employés de la Commission, j'ai constaté qu'ils ne posaient jamais de questions à ce sujet et qu'ils limitaient leurs questions à un seul élément fondé sur une opinion de seconde main.
Je me réfère à la décision rendue dans Michel Perron (CUB 37118A) par le juge Tremblay-Lamer :
Il ressort de la jurisprudence de la Cour d'appel fédérale que pour exclure un prestataire du bénéfice des prestations en vertu du paragraphe 28(1) de la Loi sur l'assurance-chômage1 (la « Loi ») pour raison d'inconduite, la Commission doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l'acte reproché constitue un manquement à une obligation explicite ou implicite du contrat d'emploi d'une « portée telle que l'employé aurait dû normalement prévoir qu'il serait susceptible de provoquer son congédiement ».
()
Or, à cet égard, je ne suis pas convaincue que les gestes reprochés au prestataire pouvaient légitimement être considérés comme une inconduite selon le sens donné à cette expression au paragraphe 28(1) de la Loi. En effet, la preuve révèle que le prestataire n'a jamais posé de geste sans se soucier des répercussions que ce geste pourrait avoir sur son lien d'emploi ou encore qu'il savait être de nature à pouvoir entraîner son congédiement.
Dans Procureur général du Canada c. Michel Langlois, (C.A.F.) (CUB 26597-26596), le juge Louis Pratte déclare :
Par conséquent, dans cette affaire, le conseil ne pouvait pas se demander si le renvoi des appelants était justifié, il aurait néanmoins dû se demander, comme il l'a fait, si l'inconduite des appelants était suffisamment sérieuse pour constituer une inconduite au sens de la Loi.
Je suis d'avis que la Commission ne s'est pas dégagée du fardeau de prouver l'inconduite devant le conseil arbitral et que le conseil a erré en droit en décidant que les actions du prestataire dont il était accusé constituaient une inconduite au sens de l'expression du paragraphe 28(1) de la Loi et au sens de la jurisprudence récente.
J'ai lu attentivement la décision du conseil arbitral et, selon moi, le conseil arbitral ne s'est pas acquitté de ses obligations à cet égard.
Pour toutes ces raisons, l'appel du prestataire est accueilli et la décision du conseil est annulée.
Pierre Blais
Juge-arbitre
Ottawa (Ontario)
Le 18 décembre 1998