TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
S.R.C. 1996, ch. 23
- et -
d'une demande de prestations présentée par
Roger J. Landry
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le prestataire
à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
Moncton (Nouveau-Brunswick) le 16 octobre 1997.
DÉCISION
Appel entendu à Moncton (Nouveau-Brunswick) le 28 janvier 1999.
LE JUGE-ARBITRE R. C. STEVENSON
M. Landry interjette appel de la décision d'un conseil arbitral qui a rejeté son appel à la suite d'une déclaration de la Commission selon laquelle le prestataire n'avait pas droit aux prestations d'assurance-chômage parce qu'il avait volontairement quitté son emploi au sein de Caloritech Inc. à Orillia, en Ontario, sans motif valable.
M. Landry, qui est maintenant âgé de 51 ans, est originaire de la région de Moncton, et il a été interprète de musique country indépendant pendant la majeure partie de sa vie active. En 1984 ou en 1985, il a déménagé dans l'Ouest canadien, où il a donné des représentations jusqu'en 1994. Au cours de cette année-là, on a diagnostiqué chez lui un diabète. Son médecin lui a recommandé de changer son mode de vie et d'adopter une routine de travail, de repos et de régime plus normale. Ses enfants demeuraient à Orillia. Son fils l'a donc aidé à s'y trouver un emploi, et le prestataire en a finalement déniché un dans une usine de fabrication. L'emploi comprenait des postes de travail de dix heures chacun, et M. Landry devait rester debout pendant de longues périodes. Dans l'allégation écrite qu'il a présentée devant le conseil arbitral, M. Landry a déclaré ce qui suit :
Après une période de deux ans, en raison des exigences physiques de mon emploi, j'avais les pieds enflés et je n'étais plus capable de pratiquer aucune autre activité que ce soit entre mes postes de travail. J'ai consulté mon médecin de nouveau, et il a confirmé que mon état pathologique était causé par mon diabète et par mon milieu de travail.
Cette situation a fait en sorte que je suis devenu dépressif, mais avec l'aide et le soutien de ma famille, je me suis mis à examiner les solutions qui s'offraient à moi. Les relations que j'avais dans l'industrie de la musique au Nouveau-Brunswick m'ont permis de constater que la demande pour des musiciens dans la région de Moncton était très forte en raison du nombre croissant de nouveaux restaurants et bars.
[...]
Mon frère Oscar Landry, qui demeure dans l'ancienne propriété familiale de Cap-Pelé, était à ce moment travailleur indépendant et il travaillait dans l'industrie de la construction; il faisait l'installation de bardages, de fenêtres et de portes. Il m'a assuré qu'il pourrait m'embaucher pour une courte durée, le temps que je me taille à nouveau une place dans l'industrie de la musique. Cette assurance de la part de la famille et des amis nous a convaincus, ma femme et moi, de retourner vivre dans notre région d'origine.
[TRADUCTION]
M. Landry a quitté son emploi à Orillia le 26 juin 1997, et il a déménagé à Moncton. À son arrivée, il a constaté que l'entreprise de son frère ne prospérait pas et que celui-ci n'avait pas de travail pour lui. M. Landry a alors effectué une demande de prestations d'assurance-chômage, possibilité qu'il n'avait pourtant aucunement envisagée.
Le conseil arbitral a déclaré ce qui suit :
Le prestataire a fait savoir qu'il avait quitté son emploi parce qu'il devait rester debout pendant de longues périodes (sic), ce qui le faisait souffrir. Il a soutenu qu'il souffrait de diabète et que ceci a contribué à aggraver son problème.
Lorsqu'il a été interrogé, il a affirmé qu'il croyait qu'il aurait un emploi au sein de l'entreprise de bardage de son frère. Lorsqu'il est arrivé le 4 juillet, il a découvert que son frère n'était pas en mesure de l'embaucher.
Il est important de noter que le prestataire prétend peut-être avoir eu des problèmes de santé, mais qu'il n'a pas consulté un médecin relativement à ceux-ci.
RAISONNEMENT ET CONCLUSIONS DU CONSEIL ARBITRAL
Le prestataire a soutenu qu'il espérait effectuer un retour dans l'industrie de la musique dans la région de Moncton. De plus, en quittant son emploi, il a indiqué qu'il voulait retourner sur la côte est.
Même si le prestataire a communiqué avec son frère, il semble bien évident qu'il n'a eu aucune offre officielle d'emploi pas plus qu'il n'a présenté de problèmes médicaux quelconques pour soutenir sa cause.
[TRADUCTION]
Je crois que le conseil arbitral a eu l'intention de dire que M. Landry n'avait présenté aucun rapport médical pour soutenir sa cause. Le conseil arbitral a fait fi de la déclaration de M. Landry dans son allégation écrite selon laquelle il avait consulté son médecin, qui avait confirmé que son état pathologique était causé par son diabète et par son milieu de travail. Le conseil arbitral a essentiellement fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu'il a effectuée sans tenir compte du matériel qui lui a été présenté.
Dans le cas de Brisebois c. Commission canadienne de l'emploi et de l'immigration, [1997] F.C.J. no 90 (QL) (dossier d'appel no A-510-96), la prestataire, qui était âgée de 59 ans, trouvait que l'emploi qu'elle avait accepté dans un restaurant était trop exigeant pour elle sur le plan physique, et elle a soutenu qu'elle avait eu les pieds endoloris parce qu'elle devait travailler en position debout de façon constante. Elle n'a pas invoqué la maladie comme motif pour justifier son départ, mais seulement les effets physiques qu'avaient entraînés chez elle ses conditions de travail. La Division d'appel de la Cour fédérale a infirmé tant la décision du conseil arbitral que celle du juge-arbitre, et a affirmé qu'un certificat médical n'aurait rien ajouté au témoignage de la prestataire puisque la crédibilité de celle-ci n'était pas remise en question. La cour a finalement accueilli son appel.
Dans le présent cas, la crédibilité de M. Landry relativement à son diabète et au fait qu'il devait rester debout pendant de longues périodes au travail n'a pas été remise en question. Il a présenté en preuve qu'on avait diagnostiqué chez lui un diabète en 1994. Il a également déposé une lettre que lui avait fait parvenir son frère en mai 1997, lui confirmant qu'il serait en mesure de l'embaucher pour l'été, le temps qu'il se taille à nouveau une place dans l'industrie de la musique. La preuve est admissible en vertu des principes établis par la Division d'appel de la Cour fédérale dans Dubois c. Commission canadienne de l'emploi et de l'immigration, [1998] F.C.J. no 768 (QL) (dossier d'appel no A-728-97).
Le fait que le diabète cause souvent des problèmes de circulation dans les membres inférieurs de la personne qui en est atteinte représente une preuve par commune renommée. Le conseil arbitral a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte du témoignage non contredit quant aux effets des exigences physiques de l'emploi à Orillia. Je ne vois pas la nécessité de renvoyer l'affaire pour une nouvelle audience. L'état pathologique de M. Landry a fait en sorte que celui-ci n'a eu d'autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi, ce qui signifie qu'il disposait d'un motif valable pour agir ainsi.
L'appel est accueilli, et l'exclusion est annulée.
Ronald C. Stevenson
Juge-arbitre
Fredericton (Nouveau-Brunswick)
Le 11 février 1999