TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
S.R.C. 1996, chap. 23
- et -
d'une demande de prestations présentée par
KIMBERLY GODBOUT
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par la prestataire
à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
Fredericton (Nouveau-Brunswick) le 14 juillet 1998.
Appel entendu à Fredericton (Nouveau-Brunswick) le 26 janvier 1999.
DÉCISION
LE JUGE-ARBITRE R.C. STEVENSON
La Commission a allégué que Mlle Godbout n'avait pas droit aux prestations d'assurance-chômage parce qu'elle avait volontairement quitté son emploi sans motif valable le 2 mai 1998. La prestataire a interjeté appel devant le conseil arbitral, qui a rejeté son appel, et elle se pourvoit maintenant en appel devant le juge-arbitre.
Je ne conteste pas le fait que Mlle Godbout a volontairement quitté l'emploi qu'elle occupait depuis treize ans à titre d'aide-pharmacienne à Whitby, en Ontario. La question en jeu consiste à savoir si elle disposait d'un motif valable pour quitter son emploi.
La ville de McAdam, au Nouveau-Brunswick, est la ville natale de Mlle Godbout. Sa mère, âgée de 69 ans, y demeure, mais sa santé est de plus en plus chancelante. Mlle Godbout a décidé de quitter son emploi pour retourner à McAdam afin d'en prendre soin.
Dans l'argumentation écrite qu'elle a présentée devant le conseil arbitral, Mlle Godbout a soutenu que sa mère vivait seule et avait passé les deux hivers précédents à l'hôpital. La prestataire a déclaré qu'elle avait décidé de demeurer avec sa mère pour lui préparer ses repas, faire ses courses, se charger de ses médicaments, l'emmener chez le médecin, et s'occuper de ses finances, des tâches ménagères, de l'entretien de la maison, etc. Elle a également affirmé qu'elle prévoyait se trouver un emploi à plein temps et qu'elle faisait les démarches nécessaires pour y arriver. Elle a présenté une note du médecin de sa mère déclarant que Mme Godbout avait souffert de pneumonie au cours des deux ou trois derniers hivers, et que « Kim a quitté son emploi à Oshawa pour venir prendre soin de sa mère jusqu'à ce qu'elle soit rétablie ». Dans un entretien qu'elle a eu plus tard avec un employé de la Commission, Mlle Godbout a dit qu'on avait diagnostiqué chez sa mère une affection cardiaque congestive pour laquelle elle prenait des médicaments. Elle a prétendu qu'elle était en mesure de travailler à plein temps, mais qu'elle voyait la nécessité d'être auprès de sa mère pour lui préparer ses repas et prendre soin d'elle la nuit et la fin de semaine, etc.
Le conseil arbitral a déclaré ce qui suit :
Il semble évident que la prestataire n'a fait qu'un choix personnel en retournant au Nouveau-Brunswick pour être avec sa mère. Cette décision peut constituer une bonne cause d'action et elle est louable, mais elle ne constitue pas un motif valable.
Lors de l'audience du présent appel, Mlle Godbout était représentée par un avocat. Celui-ci a présenté une demande écrite faite au médecin de Mme Godbout, qui a donné la réponse suivante :
1. Aux environs d'avril 1998, Dorothy a été soignée pour une insuffisance cardiaque congestive, une bronchopneumonie et une exacerbation d'un état chronique bronchitique et pulmonaire.
2. Le pronostic de sa maladie est réservé. Elle doit continuer de soigner sa bronchite, qui se produit souvent, particulièrement à l'automne et à l'hiver. En fait, il lui arrive pratiquement chaque année de souffrir d'un rhume de poitrine ou d'une bronchite. Elle doit prendre des antibiotiques et d'autres médicaments de façon permanente.
3. L'état pathologique de Mme Godbout fait en sorte qu'une récurrence ou une exacerbation de son insuffisance cardiaque ou de sa bronchite est très probable.
4. Elle a été admise et soignée à l'hôpital la dernière fois le 6 mars 1998. Elle a alors été soignée au DECH pour une exacerbation aiguë d'une bronchite, une pneumonie du lobe inférieur droit et une insuffisance cardiaque congestive. Elle est demeurée à l'hôpital jusqu'au 12 mai 1998, et elle a dû prendre des antibiotiques intraveineux ainsi que du Ventolin et arrêter de fumer, et un suivi a dû être effectué pour sa saturation en oxygène. Son état peut être grave, et elle aura besoin d'aide pour les tâches ménagères.
Cette preuve est admissible en vertu des principes établis par la Division d'appel de la Cour fédérale dans Dubois c. Canada (Commission de l'assurance-emploi), [1998] F.C.J. no 768.
Mlle Godbout a des frères et soeurs qui demeurent dans la région de McAdam, mais ils ont tous une famille dont ils doivent s'occuper, et elle est donc le seul membre de la famille qui soit en mesure de prendre soin de leur mère.
Le conseil arbitral a commis une erreur de droit en omettant de se pencher sur la question quant à savoir si Mlle Godbout était tenue de prendre soin de sa mère. L'obligation de prendre soin d'un membre de la famille immédiate constitue l'une des circonstances mentionnées à l'alinéa 29c) de la Loi sur l'assurance-emploi, qui permettent d'établir si un prestataire avait ou non un motif valable pour quitter son emploi dans la mesure où il n'avait pas d'autre solution raisonnable.
Cela va sans dire qu'un prestataire qui compte sur une telle obligation pour disposer d'un motif valable doit prouver que le membre de la famille a besoin de soins. La preuve qui a été présentée à cet effet devant le conseil arbitral était vague, mais le rapport élaboré par le Dr Lam et présenté à la présente audience est suffisante pour établir les faits. Je ne vois pas la nécessité de renvoyer l'affaire devant le conseil arbitral. Il s'agit d'un cas où le juge-arbitre peut rendre la décision que le conseil arbitral aurait rendue s'il avait disposé de la preuve qui a été présentée cette fois-ci. Je conclus que Mlle Godbout disposait d'un motif valable pour quitter son emploi.
L'appel est accueilli, et l'exclusion est annulée.
Ronald C. Stevenson
Juge-arbitre
Fredericton (Nouveau-Brunswick)
Le 5 février 1999