• Accueil >
  • Bibliothèque de la jurisprudence
  • CUB 44281

    CUB 44281

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    WILLIAM HILLIER

    - et -

    d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par le prestataire à
    l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
    Gander (Terre-Neuve) le 12 mars 1998.

    DÉCISION

    LE JUGE CULLEN

    L'appelant n'était pas présent à l'audience, et j'ai donc rendu la décision selon le dossier.

    Il s'agit d'un appel interjeté par le prestataire à l'encontre d'une décision du conseil arbitral qui a soutenu que le prestataire avait volontairement quitté son emploi sans motif valable.

    M. Hillier a présenté une demande de prestations le 15 janvier 1998, et il a alors indiqué qu'il avait quitté son emploi chez Lakeside Packers en Alberta en raison de problèmes familiaux survenus à Terre-Neuve. Le prestataire a affirmé que lorsqu'il est parti pour l'Alberta, sa fille et son épouse sont demeurées à Terre-Neuve. Pendant son absence, sa fille s'est beaucoup ennuyée de lui et croyait qu'il ne l'aimait pas. Pendant qu'il était en Alberta, il s'est séparé de son épouse, mais ils se sont réconciliés dès qu'il est retourné à Terre-Neuve. M. Hillier a signalé qu'il avait « quitté son emploi sur un coup de tête » et qu'il n'avait pas tenté de se trouver un autre travail avant de le quitter.

    La Commission, en se fondant sur ces renseignements, a établi que le prestataire avait volontairement quitté son emploi sans motif valable, et lui a imposé une exclusion pour une période indéfinie, qui a pris effet le 11 janvier 1998.

    M. Hillier a interjeté appel devant un conseil arbitral qui a rejeté son appel en évoquant les raisons suivantes :

    Le prestataire n'a pas assisté à l'audience. Le conseil arbitral s'est appuyé sur le contenu du dossier. Le prestataire a affirmé qu'il avait quitté son emploi en raison de problèmes familiaux. Le conseil arbitral comprend que le prestataire avait des préoccupations relativement à sa famille, mais il note qu'il ne s'est pas trouvé un autre travail avant de quitter son emploi. Le fait de quitter son emploi pour tenter de régler des problèmes d'ordre familial ne constitue pas un motif valable en vertu du paragraphe 2.9(c) [sic] de la Loi, et, par conséquent, le conseil arbitral est d'accord avec la décision de la Commission.

    Le prestataire interjette maintenant appel devant un juge-arbitre en prétextant que le conseil arbitral n'a pas observé un principe de justice naturelle. Dans sa lettre d'appel, il soutient qu'il a l'impression que le conseil arbitral ne lui a pas donné une audience équitable, car il connaît de nombreuses personnes qui sont revenues à la maison sans aucune raison, et ont eu droit à des prestations.

    COMMENTAIRES

    Dans la présente affaire, le conseil arbitral n'a pas mis en application le test légitime adéquat quant à savoir si dans toutes les circonstances, le prestataire n'avait d'autre solution raisonnable que de quitter son emploi. La lettre d'appel du prestataire présentée devant le conseil arbitral (pièces 5-1 à 5-2) constitue la meilleure explication qui puisse permettre de comprendre pourquoi il a quitté son emploi en Alberta. La voici :

    J'ai quitté mon emploi en raison de problèmes familiaux. Je vivais en Alberta tandis que ma famille (mon épouse et ma fille) demeurait à Fortune. Je n'ai pas déménagé avec ma famille, car nous n'en avions pas les moyens. J'ai demeuré dans des roulottes sur le lieu de travail. Lorsque j'ai quitté mon emploi, mon taux de traitement horaire était de 9, 20 $, alors qu'il était de 8 $ au tout début. Ma fille, âgée de six ans, devenait de plus en plus morose parce que je n'étais plus à la maison. Elle croyait que je ne l'aimais pas, et ses résultats scolaires s'écroulaient. [] J'ai senti que je n'avais d'autre choix que de quitter mon emploi, car je n'étais pas en mesure de demander une autorisation d'absence à mon employeur parce que je n'aurais même pas pu lui en préciser la durée nécessaire. Je suis en mesure de travailler dans cette région et je suis disponible pour le travail là-bas sans limitation. Aussi, il m'était pratiquement impossible de me trouver un loyer abordable en Alberta. Il en coûte environ 900 $ par mois pour demeurer dans un loyer de deux chambres. Pendant que j'étais en Alberta, ma famille vivait de l'aide sociale puisque j'étais séparé de ma femme, mais nous nous sommes réconciliés depuis.

    La Commission allègue que le prestataire aurait dû tenter de se trouver un travail plus rémunérateur en Alberta avant de quitter son emploi et retourner à Terre-Neuve, où le taux de chômage est trois fois plus élevé. Elle soutient que de cette façon, il lui aurait été possible sur le plan financier de faire venir sa femme et sa fille pour qu'ils puissent demeurer ensemble et les faire vivre. C'est une allégation déraisonnable qui ne tient pas compte des considérations de principe social pour ce qui est du maintien de l'unité familiale et de la possibilité de loger toute la famille. Si l'on prend en considération toutes les circonstances de la présente affaire, et en particulier la réconciliation entre le prestataire et sa femme ainsi que les problèmes que son absence a causés à sa petite fille, quelle autre solution raisonnable avait le prestataire sinon de quitter son emploi en Alberta et de retourner à la maison auprès de sa famille à Terre-Neuve ?

    En conséquence, l'appel est accueilli.

    B. Cullen

    Juge-arbitre

    Ottawa (Ontario)

    Le 2 février 1999

    2011-01-16