• Accueil >
  • Bibliothèque de la jurisprudence
  • CUB 44290

    CUB 44290

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
    S.R.C. 1996, chap. 23

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    MARGARET SULLIVAN

    - et -

    d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par la prestataire à
    l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
    Bathurst (Nouveau-Brunswick) le 9 octobre 1997.

    DÉCISION

    LE JUGE R.C. STEVENSON

    Mlle Sullivan interjette appel de la décision d'un conseil arbitral qui a rejeté son appel à la suite d'une allégation de la Commission selon laquelle elle n'avait pas droit aux prestations d'assurance-chômage parce qu'elle avait volontairement quitté son emploi sans motif valable. Mlle Sullivan est d'accord que l'appel soit jugé selon les documents au dossier.

    Mlle Sullivan a posé sa candidature pour un poste de spécialiste en matière de prévention des agressions sexuelles à l'égard des enfants qu'avait ouvert le ministère de la Santé et des Services sociaux dans la région de Keewatin, dans les Territoires du Nord-Ouest, et elle a obtenu l'emploi. La description de travail liée à ce poste se lisait comme suit :

    Sous la direction du psychologue régional, le candidat ou la candidate sera responsable de la prestation de services spécialisés dans le domaine de la violence faite aux enfants. Il ou elle sera responsable de l'orientation, de la consultation, de l'aide et de la formation destinées à tous les membres du personnel du ministère de la Santé et des Services sociaux qui participent à l'établissement et à l'implantation de programmes et services de prévention des abus sexuels à l'égard des enfants. Il ou elle devra aider divers groupes régionaux et communautaires à mettre en place des programmes de prévention des abus sexuels à l'égard des enfants.

    Mlle Sullivan a présenté une description détaillée de son travail à Arviat, et a participé par téléphone à l'audience du conseil arbitral. Malgré la présentation écrite détaillée qu'a faite Mlle Sullivan, le conseil arbitral a soutenu qu'elle n'avait pas offert de nouveaux renseignements. Le conseil arbitral n'a fait aucune nouvelle vérification des faits, et la décision qu'il a rendue ne respecte pas les dispositions du paragraphe 114(3) de la Loi sur l'assurance-emploi, qui stipule que la décision d'un conseil arbitral doit comprendre un exposé des conclusions du conseil sur les questions de fait essentielles. Comme il n'y a aucune question de crédibilité dans la présente affaire, je vais rendre la décision qu'aurait dû rendre le conseil arbitral.

    Mlle Sullivan a commencé à travailler à Arviat le 4 mars 1996. À son arrivée à Arviat, son employeur lui a dit qu'elle serait consultante en santé mentale pour les communautés d'Arviat et de Whale Cove et qu'elle aurait une spécialité en violence sexuelle à faite aux enfants. Puisqu'elle avait laissé tomber un emploi au Nouveau-Brunswick pour aller travailler à Arviat, Mlle Sullivan a décidé de tenter sa chance pour le poste en santé mentale. Mais au cours des treize ou quatorze mois suivants, ses tâches n'ont cessé de changer.

    Elle a travaillé comme consultante en santé mentale jusqu'au 17 juillet 1996. Par la suite, elle est devenue surperviseure régionale intérimaire lorsque la personne qui occupait ce poste a été mutée. Pendant la période au cours de laquelle elle a rempli cette fonction en titre, elle a traité de divers cas d'aide sociale à l'enfance et a été responsable de la supervision générale de trois travailleurs sociaux. Le 23 août, les trois travailleurs sociaux avaient tous démissionné, et Mlle Sullivan a dû assumer seule toutes les responsabilités relatives aux services destinés aux deux communautés.

    Un nouveau superviseur est arrivé en septembre. Mlle Sullivan a continué à travailler auprès des clients en santé mentale en plus d'exécuter les tâches de travailleuse socio-communautaire de niveau III; elle devait assurer la prestation de services ministériels, de services de soutien, de services d'aide sociale à l'enfance, de services sociaux à l'intention des personnes âgées et handicapées, et de services correctionnels communautaires.

    Alors qu'elle se trouvait dans le nord, Mlle Sullivan a suivi une formation en aide sociale à l'enfance non parce qu'elle voulait travailler dans ce domaine, mais parce qu'elle s'était trouvée dans une situation où elle devait traiter de cas d'aide sociale à l'enfance et de protection de l'enfance.

    Après ses vacances de Noël, en 1996, Mlle Sullivan a accepté un travail temporaire dans un foyer pour enfants à Baker Lake. Elle est retournée à Arviat le 28 février. Le 1er avril 1997, il s'est effectué une restructuration au sein du Ministère. Ainsi, les postes en santé mentale sont devenus des postes en travail social, et Mlle Sullivan a alors dû travailler à plein temps dans les domaines de l'aide sociale à l'enfance et de la protection de l'enfance. En mars, elle a pu faire pour la communauté quelques présentations sur l'agression sexuelle, ce pour quoi elle avait d'abord été embauchée.

    En avril, l'absence de personnel superviseur a fait en sorte que Mlle Sullivan a dû de nouveau assumer la responsabilité du bureau pendant un certain temps. Le superviseur est ensuite revenu au travail, mais un employé a été en congé de maladie. C'est à ce moment que Mlle Sullivan a constaté que le transfert des tâches se produisait constamment et qu'il lui était devenu impossible de fournir le service qu'elle désirait assurer et pour lequel elle avait pourtant été embauchée. Il s'agissait d'une situation qui engendrait beaucoup de tension nerveuse. Mlle Sullivan a donné à son employeur un avis de démission de cinq semaines.

    Dans l'allégation qu'elle a présentée devant le conseil arbitral, Mlle Sullivan a fait un résumé de sa situation comme suit :

    [] Je n'ai jamais vraiment eu la chance d'exécuter les tâches pour lesquelles j'avais été embauchée. À l'origine, j'ai été embauchée à titre de spécialiste de prévention des abus sexuels à l'égard des enfants. Le seul moment où j'ai accompli une tâche liée à cette fonction, à l'exception de la consultation auprès de victimes d'agression sexuelle, a été lorsque j'ai fait une présentation sur l'agression sexuelle à l'intention de la communauté.

    Dans l'allégation présentée devant le juge-arbitre, elle s'est exprimée de façon plus directe :

    La situation que je vivais était intolérable en raison des heures supplémentaires excessives et du changement continu des tâches à effectuer, et parce que pendant environ deux mois, j'ai été la seule personne responsable de l'aide sociale pour deux communautés (qui regroupaient à elles seules approximativement 1850 âmes). De plus, je n'ai reçu aucun soutien de la part de mon employeur (Conseil de santé), et j'ai dû faire face à des situations dangereuses. Ce ne sont là que quelques-unes des situations avec lesquelles j'ai dû composer quand j'ai exercé mon emploi dans le nord. Je n'ai pas l'impression de faire preuve d'exagération quand je soutiens que mon emploi était devenu intolérable. Je n'avais d'autre solution que de le quitter [].

    L'alinéa 29c) de la Loi stipule que le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas, et parmi ces circonstances, on en compte plusieurs bien précises, dont l'une consiste en des « modifications importantes des tâches de travail ». Il est clair que dans la présente affaire, il y a eu des modifications importantes des tâches de travail. L'employeur a donné à toutes les personnes qui ont posé leur candidature une description inexacte du poste pour lequel Mlle Sullivan a été embauchée. Cette derrnière mérite nos éloges pour avoir fait preuve de loyauté à l'endroit de son employeur et avoir tenu bon aussi longtemps qu'elle l'a fait.

    Je conclus que les modifications des tâches de travail étaient telles que la situation était intolérable, et que Mlle Sullivan disposait d'un motif valable pour quitter son emploi.

    L'appel est accueilli, et l'exclusion des prestations est annulée.

    Ronald C. Stevenson

    Juge-arbitre

    Fredericton (Nouveau-Brunswick)

    Le 1er mars 1999

    2011-01-16