TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande de prestations présentée par
KENNETH MacLENNAN
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le prestataire
à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
Toronto (Ontario) le 26 février 1998.
DÉCISION
Appel entendu à Toronto (Ontario) le 6 janvier 1999.
LE JUGE-ARBITRE W.J. GRANT, C.R.
Il s'agit d'un appel interjeté par le prestataire à l'encontre de la décision rendue à l'unanimité par le conseil arbitral à Toronto, en Ontario, le 26 février 1998, qui a rejeté l'appel du prestataire à l'encontre de la décision de l'agent d'assurance selon laquelle le prestataire a quitté son emploi en raison de sa propre inconduite.
Le présent appel est logé en vertu de l'article 115.2 de la Loi sur l'assurance-emploi, et aucun paragraphe n'a été cité.
Dans la pièce 4, le prestataire a soutenu avoir quitté son emploi en raison des conditions de travail et parmi elles l'exposition à la fumée secondaire indirecte. Il s'est effectué un changement de locaux; le plafond des anciens locaux avaient une hauteur de près de 36 pieds, alors qu'ils sont maintenant situés au sous-sol du même immeuble. D'autres plaintes ont été déposées et des efforts ont été déployés pour remédier à la situation.
Dans les pièces 5-1 et 5-2 figure la citation « [...] cependant, il s'agit d'un bar et il y a toujours des fumeurs. »
De façon générale, il est reconnu par le grand public, dont le milieu médical, que la fumée secondaire indirecte contribue de façon importante à l'émergence de problèmes de santé, y compris le cancer de la gorge. Tel que je comprends la loi qui prévaut à Toronto, en Ontario, il est maintenant interdit de fumer dans les immeubles publics, ce qui inclut les restaurants et les bars. On a cru que la mise en application de cette modification de la loi entraînerait certains problèmes, mais il semble qu'une proportion suffisante de la population a pris connaissance des coûts engendrés par la fumée et la cigarette tant sur le plan humain que financier, et le grand public n'a pas exercé de pression suffisamment grande sur le gouvernement pour qu'il abroge la loi. Il y a peut-être une certaine répugnance envers la mise en application de la loi dans certaines circonstances, mais il en est généralement de même avec de nombreuses interdictions.
Je crois que personne ne devrait s'exposer volontairement à la fumée de cigarette, qu'elle soit directe ou indirecte, sans courir le risque de développer éventuellement une maladie.
Malgré l'intervention des puissants groupes de pression favorables au tabac qui tentent d'empêcher la reconnaissance des faits scientifiques et médicaux quant aux dangers qui entourent la cigarette, le grand public est maintenant intéressé par cette question et les représentants élus ont même entrepris des démarches de ce côté. Dans cette pièce même où se tient la présente audience, il est strictement interdit de fumer, comme dans le cas de tous les immeubles publics au Canada et dans la plupart des immeubles privés.
Le prestataire a affirmé qu'il avait tenté de se trouver un autre emploi. Il travaillait au même endroit depuis quand même un certain temps, mais on peut présumer que l'employeur n'a pas tenu compte de la question du risque de santé lorsque les locaux ont été déplacés d'un endroit où le plafond avait une hauteur de 36 pieds à un sous-sol. Des plaintes avaient déjà été logées bien avant que le prestataire ne dépose la sienne. Le prestataire s'est plaint auprès du comité de santé et sécurité de l'hôtel ainsi que du directeur général en passant par son syndicat, sans qu'il n'y ait eu d'intervention apparente quelconque.
Le prestataire a prétendu qu'il n'avait pas quitté son emploi, tout comme l'un de ses collègues de travail, mais qu'ils avaient tous deux attendu jusqu'à la fin de leur poste de travail. Le collègue de travail s'est vu verser des prestations, alors que le prestataire n'en a pas reçues.
Le prestataire a affirmé que des plaintes avaient été déposées auprès des directeurs adjoints, des directeurs et administrateurs de la restauration, du directeur général, du délégué syndical, des responsables des comités de santé et sécurité, des responsables de la liaison du Ontario Jockey Club, du directeur des ressources humaines, et des responsables du service d'entretien. Ces démarches entreprises par le prestataire et d'autres personnes s'avèrent tout à fait raisonnables.
Le prestataire a soutenu qu'au moment où ils ont quitté le travail, les activités avaient cessé et tout était fermé à clef. Les directeurs ont été informés de la situation de même que le Jockey Club, et on a communiqué avec le syndicat. Par la suite, une lettre a été envoyée au directeur général, au responsable de la sécurité, au responsable de la santé et sécurité, au directeur de la restauration et au responsable de la liaison du Jockey Club. Le poste de travail s'est terminé vers 23 h, et des mesures ont été prises pour s'assurer que le salon était fermé à clef, que toutes les tâches avaient été effectuées au complet et que les autres personnes en service avaient été informées.
Dans la décision qu'il a rendue, le conseil arbitral n'a pas abordé la question quant à savoir si le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite ou s'il disposait d'un motif valable pour le quitter. En fait, la question du motif valable n'a pas été soulevée devant le conseil arbitral lors des représentations de la Commission.
Plutôt que de renvoyer l'affaire devant un conseil arbitral constitué différemment, je crois que je devrais la juger moi-même. Je conclus que le conseil arbitral, en omettant d'étudier la question du motif valable, n'a pas exercé sa compétence. Je conclus qu'il y avait un élément de danger pour la santé et qu'il constituait un motif valable.
En quoi la solution raisonnable de rechange pourrait-elle consister ? Elle n'est certes pas de rester là et d'être encore plus exposé à la fumée de cigarette. Elle n'est certes pas non plus de déposer d'autres plaintes puisque celles déjà logées n'ont pas été prises en considération ou ne l'ont vraiment pas été de façon efficace. Aucun Canadien ne devrait être tenu de s'exposer à ce genre de risque pour la santé en sachant que cette question fait présentement partie du domaine public relativement aux risques de santé qu'entraîne la fumée directe ou indirecte. Une des conséquences du cancer des poumons causé par la cigarette est la quasi-faillite de notre système de santé, et l'un des facteurs qui contribuent le plus à cette situation est le coût élevé que représente le traitement du cancer causé par la cigarette. Il ne s'agit toutefois là que d'une infime partie du coût qui est défrayé en grande partie par les familles des patients.
J'accueille l'appel. Je conclus qu'il y a un motif valable et qu'il n'y a aucune autre solution raisonnable.
W.J. Grant
Juge-arbitre
ÉTAIENT PRÉSENTS :
Le prestataire s'est présenté
en personne
Pour la Commission :
Helen Park
Halifax (Nouvelle-Écosse)
Le 29 janvier 1999