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  • CUB 44544

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    JOHN GARY DAVIS

    - et -

    d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le prestataire à
    l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
    Victoria (Colombie-Britannique) le 8 mai 1998.

    DÉCISION

    LE JUGE-ARBITRE EVANS

    M. John Gary Davis interjette cet appel à l'encontre de la décision majoritaire rendue par un conseil arbitral le 8 mai 1998, qui a confirmé la décision d'un agent d'assurance-emploi de refuser la demande de prestations de l'appelant, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi S.C. 1996, c. C-23 [modifiée]. Le motif du refus de la demande est que l'appelant aurait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

    Au moment de son congédiement en janvier 1998, l'appelant était affecté provisoirement au ministère du Solliciteur général de la Colombie-Britannique par la Public Service Employee Relations Commission (PSERC); il était à l'emploi de cette dernière depuis 1989.

    La lettre de congédiement, rédigée par un Commissaire de la PSERC et remise à l'appelant, mentionne que le Commissaire avait tenu compte d'un rapport établi par un autre fonctionnaire au sujet de l'appelant ainsi que des commentaires de l'avocat de l'appelant à l'égard de ce rapport. La lettre comprend aussi les commentaires suivants :

    « Vous ne contestez pas que vous avez utilisé les systèmes et le matériel gouvernementaux pour accéder à des productions sexuelles explicites, enfreignant clairement la politique gouvernementale et les directives particulières écrites données par Lynda Tarras (surveillante de l'appelant) dans sa lettre du 10 octobre 1997. Vous avez ajouté à la gravité de ce geste en utilisant l'ordinateur d'un collègue de travail. Les gestes posés dans cette affaire reflètent un sérieux manque de jugement de votre part et font en sorte que nous avons perdu confiance en votre capacité de fonctionner comme agent des ressources humaines dans la fonction publique. » [TRADUCTION]

    [caractères gras ajoutés]

    La majorité des membres du conseil arbitral ont décidé que le prestataire avait reçu, via Internet, des renseignements non convenables en milieu de travail; que ce geste ne tenait pas compte de la politique particulière de l'employeur et constituait le motif direct du congédiement de l'appelant.

    « L'appelant a reçu une copie des politiques et lignes directrices concernant l'utilisation d'Internet (pièces 8-3 à 8-9). Il a aussi été averti en avril 1997 de ne pas utiliser le matériel de bureau de l'employeur (p. ex., télécopieur, photocopieur, etc.) à des fins personnelles. La surveillante de l'appelant lui a remis, en octobre 1997, un avertissement écrit à propos de son utilisation non convenable des systèmes et du matériel gouvernementaux (pièces 8-2 et 13-01), précisant qu'il enfreignait une politique gouvernementale. Le 27 décembre 1997, l'appelant s'est servi de l'ordinateur d'un collègue de travail pour accéder, via Internet, à des productions sexuelles explicites. Considérant la dénégation de l'appelant et la déclaration du collègue de travail (pièce 13-1), bien qu'il n'existe aucune preuve matérielle, les gestes posés dans le passé par l'appelant incitent la majorité des membres du conseil à conclure que l'appelant a été congédié pour « cause ». »
    Une personne raisonnable et prudente, occupant le même poste que l'appelant, devrait comprendre que ses gestes étaient inacceptables et corriger sa conduite (p. ex., vérifier son courrier électronique personnel et Internet à l'extérieur de son lieu de travail.
    L'appelant semble avoir ignoré la politique relative aux motifs non commerciaux d'utilisation d'Internet et l'avertissement de l'employeur au sujet de l'accès à du matériel non convenable - et - il a été congédié pour ces raisons. » [TRADUCTION]

    L'appelant ne conteste pas s'être présenté au bureau le 27 décembre 1997, hors des heures d'affaires, et s'être servi de l'ordinateur d'un collègue de travail pour accéder à Internet à des fins autres que le travail. L'appelant nie cependant avoir accédé, à cette date, à des productions sexuelles explicites, bien qu'il concède avoir pu accéder à des sites sexuels explicites en « explorant » Internet.

    Pour des raisons de sécurité, l'employeur a refusé de préciser la nature des productions sexuelles explicites mentionnées dans la lettre de congédiement. La seule preuve présentée au conseil pouvant être décrite comme « explicite du point de vue sexuel » est une correspondance par courrier électronique reçue par l'appelant bien avant le 27 décembre 1997.

    Les lignes directrices de l'employeur n'interdisent pas à un employé d'utiliser le matériel de l'employeur en dehors des heures de travail pour accéder à Internet à des fins personnelles, pourvu qu'il obtienne préalablement l'approbation écrite de son surveillant, et

    « [t]oute utilisation est sujette à un examen minutieux .. sans embarrasser ou préoccuper le ministère du Solliciteur général de la Colombie-Britannique. » [TRADUCTION] »

    Je n'ai pas à établir si le matériel sur lequel la majorité du conseil s'est fiée pour rendre sa décision est « explicite du point de vue sexuel » et apte à enfreindre la disposition susmentionnée des lignes directrices. Comme je l'ai déjà fait remarquer, l'appelant a reçu les courriers électroniques plusieurs mois avant le 27 décembre 1997 et la lettre de congédiement mentionne la présumée inconduite de l'appelant à cette date. Ils sont par conséquent légalement non pertinents à la disposition de cet appel et le conseil a commis une erreur de droit en se basant sur ce fait pour rendre sa décision.

    Avant de conclure qu'un employé a été congédié en raison de son inconduite, le conseil doit d'abord déterminer la nature de la conduite constituant la présumée inconduite. Cette conduite est habituellement évidente au dossier. Deuxièmement, le conseil doit conclure que le comportement en question constituait une inconduite aux fins de la Loi. Troisièmement, le conseil doit déterminer que la perte d'emploi est le résultat direct de l'inconduite et non une excuse pratique de se débarrasser d'un employé. Voir le CUB 34832.

    En absence d'une preuve suffisante pour justifier une conclusion d'inconduite, la simple allégation d'inconduite avancée par un employeur ne libère pas ce dernier du fardeau de la preuve : CUB 23168. L'employeur dans cette affaire n'a fourni aucune preuve justifiant son allégation à l'égard du fait que l'appelant aurait accédé à des productions sexuelles implicites le 27 décembre 1997, allégation vigoureusement niée par l'appelant. La preuve présentée au conseil n'a nullement été appuyée par les allégations de l'employeur, bien que ce dernier doive prouver l'inconduite : CUB 34832. L'employeur n'a pas fourni d'explication satisfaisante pour son refus de divulguer à la Commission ou au conseil la présumée preuve à l'effet que l'appelant aurait, le 27 décembre 1997, accédé à des productions sexuelles explicites.

    Par conséquent, je suis d'accord avec l'opinion exprimée par le membre dissident du conseil à l'effet que, selon la preuve présentée au conseil, ce dernier ne pouvait pas inférer qu'en raison de l'inconduite préalable de l'appelant, sur la prépondérance des probabilités, il aurait agi de la même façon le 27 décembre 1997.

    Pour ces motifs, l'appel est accueilli.

    John M. Evans

    Juge-arbitre

    Toronto (Ontario)
    Le 7 avril 1999

    2011-01-16