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  • CUB 44565

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    RONALD KEARNEY

    - et -

    d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le prestataire
    à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
    Corner Brook (Terre-Neuve) le 23 décembre 1997.

    DÉCISION

    LE JUGE-ARBITRE CULLEN

    Le prestataire interjette cet appel à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral qui a confirmé que le prestataire avait quitté son emploi volontairement et sans motif valable.

    M. Kearney a présenté une demande de prestations le 20 octobre 1997. Il avait travaillé chez Roto-Mills Services Ltd. jusqu'au 29 août 1997, date à laquelle il a laissé son emploi. Le prestataire avance comme motif de démission le fait qu'il travaillait un trop grand nombre d'heures supplémentaires comme conducteur d'un camion de balayage. Le prestataire travaillait quelquefois soixante-dix heures par semaine; il a, à une occasion, travaillé vingt-six heures consécutives. M. Kearney a déclaré que travailler autant d'heures supplémentaires mettait en danger sa vie et sa sécurité. Bien que l'employeur ait, au moment de l'embauche, informé le prestataire qu'il ferait des heures supplémentaires, il ne croyait pas que le nombre d'heures serait aussi important. Aucun syndicat ne représentait le lieu de travail du prestataire. Interrogé par un agent de la Commission, M. Kearney a mentionné qu'il n'avait pas informé le ministère du Travail, le Comité de santé et de sécurité au travail ou le ministère des Transports des conditions de travail et de la quantité d'heures supplémentaires exigées par l'entreprise.

    La Commission a communiqué avec l'employeur et ce dernier a déclaré (pièce 9) que « la nature de l'industrie est telle que notre travail s'effectue entre le 15 avril et le 15 novembre. Un employé peut donc travailler un nombre annuel d'heures pendant cette période de six mois. Tous les employés embauchés ont cependant compris que les heures sont longues. Ron a en fait démissionné parce que le nombre d'heures était peut-être trop exigeant pour sa santé. »

    En se basant sur cette information, la Commission a déterminé que le prestataire n'avait pas démontré un motif valable pour quitter volontairement son emploi. Elle lui a imposé une exclusion pour une période indéfinie à partir du 5 octobre 1997.

    Le prestataire a interjeté appel auprès d'un conseil arbitral qui a rejeté son appel en invoquant les motifs suivants :

    « Le conseil conclut que le prestataire, Ronald J. Kearney, a volontairement et sans motif valable, quitté son emploi.
    Le prestataire a travaillé chez Roto-Mills Services Ltd. jusqu'au 29 août 1997, date à laquelle il a volontairement quitté son emploi (pièce 4). Le prestataire affirme que lorsqu'il a déposé sa demande d'emploi, on lui a demandé s'il était prêt à travailler les fins de semaine et à faire du temps supplémentaire.
    M. Kearney n'a pas informé le ministère du Travail de ces conditions de travail. Il n'a pas communiqué avec le Comité de santé et de sécurité au travail et ne s'est pas informé auprès du ministère des Transports à propos du nombre d'heures supplémentaires exigées par l'employeur.
    La juge-arbitre Reed mentionne dans le CUB 10562 que le régime d'assurance-chômage est conçu pour aider les gens qui, sans le vouloir, se retrouvent sans emploi. Il est à souhaiter que tous ceux qui sont malheureux dans leur travail chercheront un autre emploi avant de quitter celui qu'ils ont déjà. » [TRADUCTION]

    Le prestataire interjette donc cet appel à un juge-arbitre. Dans sa lettre d'appel (pièce 19-3), il mentionne les motifs d'appel suivants :

    « Je pense que ma demande est bien appuyée par deux lettres, une de mon médecin et l'autre de mon employeur. Je ne pense pas que le conseil arbitral en a suffisamment tenu compte. La lettre de mon médecin, dont le cabinet se trouve à la clinique Murray de Corner Brook, précise que je souffre de stress probablement lié à mon travail en Ontario. Mon employeur m'a aussi fourni une lettre précisant que Roto-Mills Services Ltd. tente d'obtenir de ses employés une année de travail dans une période de six mois, indiquant clairement que l'entreprise s'attend à ce que ses employés produisent deux fois plus que tout autre employé d'un autre secteur d'activités. Mon employeur reconnaît également que les attentes de mon emploi étaient extrêmement élevées pour ma santé. Je présente le même argument. Le résultat est que je ne pouvais pas faire mon travail en toute sécurité, situation qui a été la cause des problèmes de stress que je connais toujours.
    Le conseil arbitral a aussi mentionné le fait que je n'avais pas informé les comités de santé et sécurité au travail de ces conditions de travail et que je n'avais pas communiqué avec le ministère des Transports à propos du nombre d'heures supplémentaires exigées par l'entreprise. Comme vous le savez, je suis un résident de Terre-Neuve qui a quitté son domicile pour aller travailler avec des étrangers dans un endroit étranger. Je n'étais pas au courant de l'existence des comités de santé et sécurité au travail ou des règlements du gouvernement de l'Ontario sur le temps supplémentaire. Même si je l'avais su, je n'avais pas les moyens de communiquer avec ces groupes. Ma seule option était de mentionner mes problèmes à mon surveillant, ce que j'ai fait. » [TRADUCTION]

    Il est important de tenir compte du fait que cet homme n'a que 21 ans et que son expérience de travail est limitée. La lettre de l'employeur ne nie pas les longues heures de travail ni leur effet sur la santé de l'appelant. Il est tout de même exagéré de suggérer que l'appelant aurait dû communiquer avec les organismes gouvernementaux mentionnés. L'appelant a informé son contremaître, la personne la plus apte à comprendre son problème et à faire quelque chose pour lui.

    Il est aussi clair, selon la preuve qui n'a pas été réfutée, que les heures prolongées se sont produites à plus d'une occasion. L'employeur, à mon avis, a créé ce qu'un juge-arbitre a appelé des « conditions intolérables de travail. » L'appelant représentait un danger pour lui-même et pour les autres automobilistes. Le Conseil, par exemple, semble avoir ignoré que la santé de l'appelant était en danger. La pièce 12(4) porte sur la liste de « motifs valables ». Le Conseil et la Commission n'ont pas tenu compte de la preuve présentée, soit les 26 heures de travail.

    COMMENTAIRES

    Les points mentionnés par le prestataire dans sa lettre d'appel sont tout à fait valables. La loi n'exige pas qu'une personne continue d'occuper un emploi qui comporte un risque ou un danger pour sa santé. Il est inexact de présumer que le prestataire doit être physiquement apte à faire un travail tout simplement parce d'autres gens peuvent le faire.

    De plus, le Conseil ne semble pas avoir tenu compte de toute la preuve présentée. Sa décision ne comprend pas d'examen des faits ou de la preuve - elle ne fait que répéter les observations de la Commission.

    L'appel est accueilli et l'affaire est renvoyée à un nouveau conseil arbitral qui devra tenir compte de toute la preuve et en faire mention dans sa décision.

    B. Cullen

    Juge-arbitre

    Ottawa (Ontario)
    Le 2 février 1999

    2011-01-16