CUB 44886
TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande de prestations présentée par
KAMALARAJAN SELVARAJAH
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le prestataire à
l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
Toronto (Ontario) le 23 février 1998.
Appel entendu à Toronto (Ontario) le 22 avril 1999.
DÉCISION
LE JUGE-ARBITRE R.C. STEVENSON
M. Selvarajah interjette appel d'une décision majoritaire rendue par un conseil arbitral qui avait rejeté son appel contre une décision de la Commission. La décision stipulait qu'il ne recevrait pas de prestations étant donné qu'il avait volontairement quitté l'emploi qu'il occupait chez Knitting Mills ltée, le 24 février 1997, sans motif valable.
M. Selvarajah est né au Sri Lanka et vit au Canada depuis plusieurs années. Au début de l'année 1997 sa famille lui a demandé de se rendre au Sri Lanka car son père était gravement malade. Il a demandé un congé à son employeur, mais ce dernier n'a accepté de lui accorder que les trois semaines de vacances auxquelles l'appelant avait droit. Il est donc parti pour le Sri Lanka le 3 février et est arrivé à Colombo le 7 février. Sa famille vit à Jaffna, à l'extrême nord de l'île, et l'appelant a eu des problèmes de transport entre Colombo et Jaffna. Le 19 février il a envoyé une télécopie à son employeur pour l'informer qu'il ne pourrait pas reprendre le travail le 24 février et a demandé un mois de congé supplémentaire. Rien ne semble indiquer que l'employeur ait répondu.
M. Selvarajah n'a pas pu se rendre à Jaffna avant le 26 mars. Une fois arrivé, il a été arrêté à plusieurs reprises par les autorités militaires sur une période de deux semaines. Il a éprouvé d'autres difficultés lors de son voyage de retour et est arrivé à Colombo le 15 mai et à Toronto le 3 juin. Son employeur, en son absence, avait mis fin à son emploi.
La majorité du conseil arbitral a mentionné ce qui suit :
Des membres de la famille du prestataire habitaient au Sri Lanka et étaient en mesure de s'occuper de son parent et c'était le choix personnel du prestataire de se rendre dans un pays déchiré par des tensions internes. Une fois sur place, il a du se rendre compte qu'il aurait du mal à quitter le pays.
Il n'a pas essayé de trouver un autre emploi qu'il aurait pu laisser en suspens au cas où il aurait des ennuis, mais a plutôt choisi de quitter son lieu de travail pour ce qui serait certainement une situation précaire. Il est peut-être digne d'éloges de rendre visite à sa famille après une absence de dix ans, mais ce n'est pas un motif valable pour quitter le lieu de son emploi.
L'arbitre dissident a mentionné ce qui suit :
J'estime que le prestataire ne pouvait prévoir le fait que la situation politique allait se dégrader au point de nuire à son retour au Canada. Étant donné la situation difficile que connaît le marché du travail à Toronto, il est peu probable qu'il ait choisi de mettre son emploi en danger. Il a agit de façon raisonnable, en demandant un congé, tout en tenant compte de ses obligations familiales et culturelles.
La première question de cette affaire est de savoir si M. Selvarajah a volontairement quitté son emploi. Il est évident qu'il a pris un congé temporaire mais que, au moment de son départ, il n'avait ni quitté son emploi, ni démissionné. La majorité du conseil arbitral a rendu une décision entachée d'une erreur de droit en ne tenant pas compte de la question première. Il a supposé un départ volontaire et n'a tenu compte que de la question du motif valable. Il est évident que la majorité du conseil a analysé l'affaire comme s'il s'agissait uniquement d'un prestataire qui affirmait avoir un motif valable du fait qu'il devait s'occuper d'un membre de sa famille immédiate. D'après le dossier, rien ne semble soutenir le point de vue selon lequel M. Selvarajah aurait du prévoir les difficultés qu'il allait rencontrer au Sri Lanka, si ce n'est le fait qu'il est bien connu que ce pays connaît, depuis un certain temps, de l'instabilité politique.
M. Selvarajah n'a pas quitté son emploi. Son emploi a pris fin du fait qu'il ne soit pas revenu. Le fait qu'il ne soit pas revenu est involontaire. Il ne s'agit donc pas d'une affaire où le prestataire quitte volontairement son emploi. Étant donné que le retard de M. Selvarajah n'était pas du à une conduite préméditée ou inconsciente de sa part, il ne s'agit pas d'une perte d'emploi due à une inconduite.
L'appel est accueilli et l'exclusion est annulée.
R.C. Stevenson
Juge-arbitre
Fredericton (Nouveau-Brunswick)
Le 17 mai 1999