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  • CUB 45479

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    CHRISTOPHER WESLEY

    - et -

    d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le prestataire à
    l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
    Timmins (Ontario) le 16 octobre 1997.

    DÉCISION

    LE JUGE-ARBITRE MARIN

    J'ai entendu cet appel à Timmins le 11 mai 1999.

    L'avocat du prestataire me demande d'intervenir pour annuler la décision du conseil arbitral, en prétendant que le conseil a violé un ou plusieurs principes de justice naturelle, qu'il a commis une erreur de fait en n'accordant pas le poids convenable à certaines des preuves présentées au conseil et, enfin, qu'il a commis une erreur de droit en appliquant le critère choisi.

    Les faits pertinents à cet appel sont relativement simples et se retrouvent en partie dans la décision du conseil. Le relevé d'emploi du prestataire chez son employeur, qui se trouve à Hearst (Ontario), montre des lacunes professionnelles. Ces lacunes comprennent des arrivées tardives au travail et d'autres incidents semblables. La Commission a tenté d'enregistrer ces divers incidents en interrogeant par téléphone une personne associée à l'entreprise, mais pas nécessairement au courant du dossier du prestataire. L'enregistrement de l'entrevue téléphonique constitue la pièce 6-1.

    La Commission allègue que l'incident ayant déclenché le problème d'inconduite et l'éventuel congédiement du prestataire est en fait ce que l'appelant prétend être une maladie l'empêchant de téléphoner à son employeur pour l'informer qu'il ne pouvait pas se présenter à son travail.

    La question en litige est de savoir si, dans les circonstances, cet incident a provoqué le congédiement, compte tenu du dossier du prestataire.

    Je me pencherai d'abord sur un problème désagréable qui a été soulevé. Le prestataire souffre d'un trouble de la parole; il est permis de penser que cette situation rend son travail encore plus difficile. Il faut faire preuve de sensibilité. Le conseil, en traitant de cette question, s'est montré quelque peu insensible. Son plaidoyer sur le sujet et une question qu'un membre du conseil a posée directement au prestataire dans de telles circonstances a fait en sorte que le prestataire a eu beaucoup de difficulté à répondre à la question directe qui lui était posée. La surprise et un trouble de la parole sont interdépendants. Ce point ne suffit pas pour renverser la décision du conseil, mais je me contenterai de dire que tout membre du conseil qui pose ce genre de questions directes à un prestataire concernant un trait personnel ou une incapacité comportementale est mal vu et devrait montrer un peu plus de sensibilité. Je ne peux pas assez insister sur le fait qu'il est important pour les personnes œuvrant dans ces tribunaux d'être conscientes de telles sensibilités et de s'abstenir de poser aux prestataires des questions indiscrètes sur des handicaps physiques.

    Il existe d'autres points me portant à conclure que je dois annuler la décision du conseil. À part les motifs d'appel que le prestataire a invoqués, je ne suis pas convaincu que la Commission a répondu au fardeau de la preuve. La Commission peut déplacer ce fardeau en présentant une preuve assez puissante pour transférer le fardeau au prestataire.

    Dans le présent appel, je dois me concentrer sur l'incident concernant la maladie du prestataire et me demander si cet incident était suffisant pour lui transférer le fardeau; il est bien établi en droit que « l'inconduite exige un élément mental de volonté ou une conduite si insouciante qu'elle approche le caractère délibéré du prestataire, justifiant l'imposition d'une telle exclusion ».

    Parmi les vices de forme que j'ai remarqués, il y a un rapport d'une entrevue d'un employé de l'ancien employeur qui, à mon avis, n'est pas concluant. Il a l'insuffisance qu'a décrite le juge Marceau de la Cour d'appel fédérale dans Choinière (A-471-95). À ce premier vice de forme s'ajoute ce que je considère comme l'ignorance du conseil à l'égard des faits pertinents à la question. Le fait qu'un prestataire est malade et sans téléphone ne constitue pas une preuve d'inconduite. Il est toujours concevable que des personnes n'aient pas de téléphone; le conseil a pourtant fait un commentaire vide à l'effet que tout travailleur devrait posséder un téléphone. Ce genre de raisonnement est inacceptable.

    Le conseil mentionne qu'il s'est fondé sur un commentaire d'un confrère juge-arbitre qui a laissé entendre qu'il est inconcevable de nos jours qu'un travailleur n'ait pas accès aux services téléphoniques. Ce commentaire, s'il a été exprimé, doit être placé dans le contexte de l'endroit où réside le prestataire, c'est-à-dire Hearst, en Ontario; il doit aussi être placé dans le contexte de l'origine raciale du prestataire et ne peut constituer une règle absolue sur laquelle un conseil peut se fier comme élément pour établir l'inconduite.

    Dans les circonstances, je ne suis pas convaincu que la Commission ait répondu au fardeau imposé et j'interviens pour annuler sa décision et accueillir l'appel.

    R.J. Marin

    Juge-arbitre

    Ottawa (Ontario)
    Le 6 août 1999

    2011-01-16