EN VERTU DE la Loi sur l'assurance-emploi
- et -
RELATIVEMENT À une demande de prestations par
- et -
MARIE MERCIER
RELATIVEMENT À un appel interjeté auprès d'un
juge-arbitre par LA PRESTATAIRE
à l'encontre de la décision du Conseil arbitral
rendue à Chandler le 23 octobre 1997
DÉCISION
L'HONORABLE JEAN-LOUIS PÉLOQUIN, juge arbitre
Lors de cette audition à Gaspé le 7 septembre 1999, la prestataire, madame Marie Mercier et madame Sabine Roy et monsieur Gaétan Clavet, également prestataires, étaient représentés par Me Madone Minville.
Me Minville, dans son appel, demande que la décision du conseil arbitral soit rescindée et que ces dossiers soient retournés devant un autre conseil arbitral parce que ses clients auraient été victimes d'un déni de justice parce que le président du conseil arbitral a refusé la demande de remise de Me Minville en date du 20 octobre 1997 pour le motif qu'elle souffrait depuis le 15 octobre d'une gastro-entérite (diarrhée et vomissements) et que ce refus d'accorder un ajournement de l'audition du conseil arbitral ne lui a été signifié que deux (2) heures avant l'audition du conseil arbitral le 23 octobre 1997.
Il faut noter immédiatement que, dans le présent cas, ces trois prestataires appelants avaient choisi Me Madone Minville pour les représenter devant le conseil arbitral plusieurs mois avant l'audition du 23 octobre 1997.
Ce n'est pas à la dernière minute qu'ils se sont présentés devant le conseil arbitral pour demander une remise afin d'avoir un avocat pour les représenter, comme c'était le cas dans la cause de Pierre dans [1978] 2 C.F. p. 849 et notamment à la page 876 :
« Toute personne a le droit de se faire entendre par l'autorité ou le tribunal compétents et d'avoir l'occasion raisonnable de répondre aux allégations soulevés contre elle. Au lieu de faire elle-même ses doléances, la personne concernée peut se faire représenter à la Cour par un avocat parlant pour son compte.
Lorsque, dans toute procédure, la personne concernée, consciente ou ayant été pertinemment informée de son droit de recourir aux services d'un avocat, décide d'agir pour son propre compte, elle ne peut, plus tard, attaquer la régularité de la procédure pour le motif qu'elle n'a pas été représentée par un avocat. On ne lui a pas refusé les services d'un avocat, car elle a décidé de suivre la procédure elle-même et n'a pas profité de l'occasion de se faire représenter. »
En outre, dans son argument, Me Minville souligne le fait que le conseil arbitral n'a pas fixé d'audition en juillet, août et septembre 1997, alors qu'elle était disponible à ce moment-là pour représenter ses clients.
LE DROIT
Me Minville a soutenu que, suivant la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, notamment à l'article 34, ses clients avaient le droit de se faire représenter par un avocat. Ledit article se lit comme suit:
« Toute personne a le droit de se faire représenter par un avocat ou d'en être assisté devant tout tribunal. »
Cependant, comme l'a souligné Me Far, la Charte québécoise ne vise que les matières qui sont de la compétence législative du Québec. (Voir l'article 55 de cette Charte)
De son côté, Me Sheri Rafai-Far, avocate de l'intimée, a soutenu que, s'agissant d'une loi fédérale, cette Charte québécoise n'aurait pas d'application, s'appuyant sur la décision de l'honorable juge Marin dans Roger Riopel (CUB 29070) dans laquelle l'on cite notre collègue l'honorable juge Rouleau dans la décision Ha c. Canada (T-1426-91) et je suis d'accord a priori avec ce principe, mais dans certaines circonstances, le refus de reconnaître ce droit à des prestataires peut leur causer un grave préjudice puisque la décision de la Commission avait une portée très sérieuse sur eux et comportait une pénalité pour déclaration fausse et trompeuse qui aurait été faite sciemment.
L'article 10 de la Charte canadienne des droits et libertés stipule que chacun a le droit, en cas d'arrestation ou de détention, d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat et d'être informé de ce droit.
Bien sûr, comme il est dit dans quelques décisions soumises par Me Far, ces prestataires n'étaient pas en état d'arrestation ni en détention, mais ils avaient déjà été l'objet d'une condamnation par la Commission, laquelle avait un caractère pénal et ils avaient un grand intérêt à être bien représentés devant le conseil arbitral sur cet appel et c'est pourquoi ils avaient choisi longtemps d'avance de recourir aux services de Me Minville et, suite au refus du président du conseil arbitral d'accorder la remise demandée par Me Minville pour une raison sérieuse de maladie, ils n'ont pas pu être présents devant le conseil arbitral le 23 octobre 1997, accompagnés de l'avocate qu'ils avaient choisie.
Je comprends qu'il s'agissait d'une troisième demande de remise, mais elle était certainement justifiée dans les circonstances prouvées dans le présent dossier.
Me Far a cité l'arrêt de la Cour d'appel fédérale dans Joseph Ni-Otoo Quaye (A-538-93), dans laquelle la Cour d'appel fédérale avait déclaré que, pour qu'il y ait déni de justice, il fallait prouver un préjudice.
Dans le présent cas, il est évident que les prestataires appelants ont subi un préjudice sérieux puisque dans cinq (5) dossiers identiques, les mêmes membres du conseil arbitral, après avoir entendu les prestataires, ont conclu que, sur les points en litige, la version des prestataires semblait crédible et ils ont unanimement accueilli l'appel de ces prestataires dans leur décision du 1er septembre 1999 déposée au dossier.
Dans le présent cas, les membres du conseil arbitral ont entendu cet appel sur vue du dossier seulement, hors la présence des appelants et de leur avocate, Me Minville, et, il est raisonnable de penser que s'ils ont une audition devant un nouveau conseil arbitral et qu'ils sont représentés par leur avocate, Me Minville, ils pourraient obtenir gain de cause.
En refusant la remise dans les circonstances précitées, le conseil arbitral se trouve à avoir refusé d'entendre l'autre partie (audi alteram partem) et de ce fait, a commis un déni de justice naturelle.
Pour ces raisons, je n'ai pas d'autre alternative que d'accueillir l'appel de l'appelante Marie Mercier et de rescinder la décision du conseil arbitral et ordonner que cet appel soit entendu devant un autre conseil arbitral pour fin de décision.
EN CONSÉQUENCE, POUR CES MOTIFS, J'ACCUEILLE l'appel de la prestataire, Marie Mercier, RESCINDE la décision du conseil arbitral rendue sur vue du dossier le 23 octobre 1997 et ORDONNE l'audition de cet appel devant un nouveau conseil arbitral dès que faire ce pourra.
JEAN-LOUIS PÉLOQUIN,
Juge-arbitre.
Sherbrooke (Québec)
Le 25 septembre 1999
2011-01-16