CUB 46079
EN VERTU DE la Loi sur l'assurance-chômage
- et -
RELATIVEMENT À une demande de prestations par
DEGUIRE, Gilbert
- et -
RELATIVEMENT À un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre
par le prestataire à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral rendue
à St-Jérôme, Québec, le 17 novembre 1997
D É C I S I O N
LE JUGE DUBÉ:
Dans le présent dossier, il s'agit de déterminer si le prestataire a un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations.
La chronologie des faits est la suivante. Le prestataire est mis à pied par Bell Canada le ler janvier 1996 et touche une indemnité de cessation d'emploi équivalente à 16 mois de salaire. Il dépose une première demande a la Commission le 5 novembre 1996 et mentionne à l'agente qu'il pense se monter un commerce. Cette dernière lui aurait alors dit "qu'elle lui mettrait un enquêteur sur le dos". Il retire donc sa demande.
Il dépose une deuxième demande le 7 mai 1997, soit à l'échéance de son indemnité de 16 mois mais la Commission rejette sa demande au motif qu'il n'a accumulé aucune heure d'emploi assurable alors qu'il lui en faut 490. Le 17 juin 1997, il remplit une demande d'antidatation. Pour expliquer son retard de 16 mois il écrit qu'il croyait devoir attendre la fin de son indemnité de cessation d'emploi avant de déposer sa demande. La Commission lui refuse l'antidate au motif qu'il n'a pas agi de façon prudente en ne s'informant pas de ses droits.
Le conseil rejette à l'unanimité l'appel du prestataire "étant d'avis qu'il n'a pas agi avec prudence et diligence comme l'aurait fait une personne raisonnable dans les mêmes circonstances pour s'assurer de bien connaître ses droits et obligations".
Il faut retenir que le refus d'antidate concerne la période du ler janvier 1996, date de sa perte d'emploi, au 5 novembre 1996, alors qu'il déposait sa première demande. Le prestataire demandait des prestations d'assurance-chômage pour la première fois en 23 ans. Apparemment, on lui aurait dit chez Bell qu'il ne pouvait avoir droit à des prestations pendant la période où s'écoulait son indemnité.
Le conseil s'est replié sur deux décisions de la Cour d'appel fédérale, soit l'affaire Larouche, A-644-93, et l'affaire Albrecht, A-172-85, lesquelles décisions ont statué que le prestataire doit être en mesure de démontrer qu'il a agi comme une personne raisonnable pour s'assurer de bien connaître ses droits et obligations.
Par ailleurs, ce principe bien connu ne doit pas être interprété de façon rigide: il n'implique pas l'obligation pour un prestataire d'obtenir une opinion légale ou une information précise directement d'un fonctionnaire de la Commission. Il appert clairement des éléments au dossier que ce prestataire avait .été informé par son employeur qu'il n'avait pas droit au bénéfice des prestations au cours de la période de 16 mois d'indemnité et qu'il était inutile pour lui de déposer une demande de prestations avant l'écoulement de cette période. Le prestataire était manifestement de bonne foi et était pleinement justifié de se fier à un employeur du calibre de Bell Canada.
Dans l'affaire Daniel Kay, CUB 36384A, mon collègue le juge Rouleau traitait d'une affaire semblable. Le prestataire au moment de sa mise à pied avait été avisé par l'agent de rémunération et le conseiller professionnel de son employeur qu'il ne lui servait à rien de présenter une demande de prestations d'assurance-chômage car il n'y avait de toute façon pas droit tant qu'il touchait son indemnité de départ. Le juge a fait droit à l'appel du prestataire au motif que l'expression "l'ignorance de la loi n'est pas une excuse" ne peut plus être invoquée comme principe d'application générale pour rejeter les appels de cette nature.
Dans l'affaire Monique Chamberland, CUB 40657, mon collègue le juge Joyal, après une analyse de la jurisprudence en la matière, a conclu qu'une prestataire qui, au cours d'une longue carrière dans la Fonction publique n'ayant eu aucune expérience en assurance-chômage, avait été avisée par son employeur qu'elle n'était pas éligible aux prestations pendant sa période d'indemnité. Cette information n'avait pas le caractère d'une opinion erronée puisque la prestataire n'était effectivement pas éligible aux prestations au cours de cette période. Le juge conclut: "Il me semble que lorsqu'un employeur donne des informations concernant les modalités entourant la perte d'un emploi et l'accès à l'assurance-chômage, il est tout à fait raisonnable de croire que l'information est en connaissance de cause et non pas dans le but d'induire une personne en erreur".
J'abonde dans le même sens. Je crois que le prestataire en l'espèce a agi de bonne foi et s'est conduit comme une personne raisonnable en se fiant aux instructions de son employeur. Effectivement, j'ai bien l'impression que peu de gens savent que, même s'ils n'ont pas droit au bénéfice des prestations, ils doivent tout de même déposer une demande.
En conséquence, cet appel du prestataire est accueilli.
J.E. DUBÉ
Juge-arbitre
OTTAWA, Ontario
le 13 septembre 1999
2011-01-16