TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE la Loi sur l'assurance-emploi
et
d'une demande de prestations présentée par
BENJAMIN SCHON
et
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le prestataire à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral (le conseil) rendue à Verdun (Québec) le 9 août 1998
DÉCISION
Le juge-arbitre N. Barbès
Cet appel a été instruit à Montréal (Québec) le 16 août 1999. Me Roch Guertin représentait la partie appelante et Me Suzon Létourneau, la partie défenderesse.
M. Schon a présenté une demande de prestations d'emploi le 18 mars 1998, après avoir quitté le poste qu'il occupait au Département d'anatomie de l'Université McGill.
Au départ, il semblait que le prestataire avait quitté son emploi volontairement et sans justification.
Mais un rapport supplémentaire concernant cette demande a révélé que le prestataire avait été exposé à des vapeurs de fluides d'embaumement dont les concentrations excédaient les seuils d'exposition acceptables et que sa santé avait été gravement menacée pendant un certain temps.
Le prestataire a déclaré le 25 mars (pièce 5.1) que le système de ventilation utilisé à la morgue pendant les procédures d'embaumement avait mal fonctionné dans trois secteurs pendant une longue période de temps.
Le dernier emploi du prestataire, qu'il occupait à raison de 22,5 heures de travail par semaine, avait été préjudiciable à sa santé.
L'agent de l'assurance-emploi a écrit le 6 avril 1998 que M. Schon n'était pas admissible au bénéfice de prestations régulières parce qu'il avait quitté son emploi sans justification le 27 février.
Le prestataire a alors décidé de porter ce refus en appel.
L'APPEL
L'audience devant le conseil arbitral, qui a eu lieu le 6 juin 1998, portait sur la question de savoir si le prestataire devait être exclu du bénéfice des prestations d'emploi parce qu'il avait quitté son emploi volontairement et sans justification.
Les membres du conseil ont approuvé à l'unanimité la décision de la Commission de refuser le versement de prestations.
APPEL DEVANT LE JUGE-ARBITRE
Le prestataire a décidé de porter son affaire devant un juge-arbitre; il a déclaré que le conseil avait commis une erreur de droit et rendu sa décision en se fondant sur une conclusion de fait erronée, tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
Un compte rendu oral de l'audience du 9 juin 1998 a été présenté au tribunal.
Le sous-alinéa 29c)(iv) de la Loi sur l'assurance-emploi est libellé comme suit :
29. Pour l'application des articles 30 à 33 :
c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
(iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité.
Le prestataire a travaillé jusqu'à la fin de 1997 au Département d'anatomie de l'Université McGill, à Montréal.
À cet endroit, il a été exposé, pendant un certain temps, à des vapeurs de fluides d'embaumement dont les concentrations dépassaient le seuil d'exposition acceptable. Le prestataire a travaillé pendant plusieurs années dans des conditions qui constituaient une menace sérieuse pour sa santé.
Lors de son témoignage devant le conseil arbitral, M. Schon a déclaré qu'il avait été embaumeur et technicien principal à la morgue pendant sept ans. Au cours du processus d'embaumement, le personnel devait utiliser du formaldéhyde, du phénol, de l'éthanol et de la glycérine.
Ces substances étaient mélangées ensemble et la solution résultante était transvasée dans la pompe d'embaumement, puis injectée dans le cadavre.
L'utilisation du phénol peut causer des maux de tête. Ce produit peut également causer de graves brûlures cutanées.
La morgue où travaillait le prestataire était un local de 10 pieds sur 30. On trouvera une représentation du laboratoire sur le document constituant la pièce 4.11. Il y avait un conduit de ventilation au plafond, près de l'ascenseur. C'est à cet endroit que travaillait M. Schon lorsqu'il embaumait des cadavres.
Le système de ventilation fonctionnait mal depuis 1992. Le prestataire a produit une note de service datée de 1994 (pièce 10). Cette année-là, on avait même interdit l'accès aux locaux pour une période d'une ou deux semaines.
Peu de temps après, la ventilation est redevenue insuffisante, et ce problème n'a jamais été réglé convenablement.
L'embaumeur avait travaillé à cet endroit depuis 1992, quoiqu'à raison de 22.5 heures par semaine et il devait passer de 20 à 30 pour cent de son temps de travail dans la morgue même.
Lorsque des étudiants du programme d'études médicales prédoctorales disséquaient des corps, l'embaumeur devait veiller à ce qu'aucun produit chimique ne coule sur le sol. Il devait superviser la procédure pour garantir la sécurité de chacun.
Les filtres du système de ventilation n'étaient pas changés régulièrement et l'air ne circulait pas du tout dans certains conduits, car ceux-ci ne s'ouvraient pas lorsqu'il le fallait.
Le système en question devait souffler de l'air vers le bas et aspirer les vapeurs chimiques, à l'extérieur, mais les conduits supérieurs ne fonctionnaient pas correctement.
La situation avait été abordée avec les supérieurs, mais en vain. Le problème n'avait pas été réglé comme il l'aurait fallu.
Selon la pièce 4.3, le 7 octobre 1997, on a procédé à une analyse par chromatographie en phase gazeuse du phénol présent dans le laboratoire d'anatomie. Les résultats ont révélé une possibilité de surexposition au formaldéhyde tant dans le local d'embaumement que dans le laboratoire d'anatomie.
L'embaumeur n'utilisait pas de masque à gaz au travail en raison de la rareté des filtres de remplacement. Lorsqu'il travaillait sous un conduit de ventilation, il pouvait au moins s'éloigner si les vapeurs devenaient trop abondantes, et il le faisait au besoin, afin d'éviter maux de tête et nausées. La hotte située près de l'ascenceur ne fonctionnait pas correctement non plus.
Le prestataire a reçu un rapport du Service de santé au travail au début de janvier 1998.
Il a pris deux mois de vacances avant le 27 février 1998. À ce moment-là, il avait perdu tout espoir et s'était persuadé qu'il ne devait plus mettre sa santé en péril.
Finalement, M. Schon a expliqué que, les conditions à la morgue étant telles qu'il les avait décrites, il était parfois sujet à des nausées et à de la somnolence une fois terminée la procédure d'embaumement. Il avait mal à la tête et ses yeux lui piquaient.
Ainsi, il avait réellement été contraint à quitter son emploi, parce que le système de ventilation de son lieu de travail fonctionnait mal.
Ces conditions de travail .étaient dangereuses pour sa santé.
Selon la prépondérance des probabilités, le prestataire n'avait pas d'autre solution raisonnable que de quitter son emploi (voir l'arrêt ASTRONOMO, A-141-97).
Un prestataire est fondé à prendre congé ou à quitter son emploi volontairement si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas.
PAR CONSÉQUENT, la décision rendue par la Commission dans cette affaire est annulée, tout comme l'est celle que le conseil a rendue relativement à la question en litige.
L'APPEL EST ACCUEILLI.
Noel Barbès, c.r.
Juge-arbitre
OTTAWA (Ontario)
Le 6 septembre 1999