TRADUCTION
Dans l'affaire de la Loi sur l'assurance-emploi
L.C. 1996, ch. 23
et
d'une demande de prestations de chômage présentée par
Yvonne Dawe
et
d'un appel interjeté par la prestataire à l'encontre de la décision du conseil arbitral rendue à St. John's (Terre-Neuve) le 9 décembre 1998
Appel instruit à St. John's (Terre-Neuve) le 14 octobre 1999.
DÉCISION
LE JUGE-ARBITRE R. C. STEVENSON
Mme Dawe a enseigné pendant trente-cinq ans, soit de 1963 à 1998. L'Association des enseignants de Terre-Neuve et du Labrador est l'agent négociateur exclusif de tous les enseignants qui travaillent pour les conseils scolaires de la province ou les ministères provinciaux de l'Éducation et de la Justice. Une nouvelle convention collective, en vigueur du 1er janvier 1996 au 31 août 2001, a été conclue le 20 juillet 1998.
En vertu de la convention collective, le Régime de retraite des enseignants et le Régime de pensions du Canada (RPC) seront intégrés. Dans le cas de Mme Dawe, cette intégration entraînera une réduction substantielle de son revenu annuel de retraite lorsqu'elle commencera à toucher des prestations du RPC. Le montant de cette réduction sera déterminé en fonction de son âge au moment où elle commencera à toucher des prestations. Mme Dawe indique qu'elle risquait de perdre environ 60 000 $ en revenu de retraite au cours des années où elle s'attendait à toucher des prestations du RPC.
En juin 1998, les enseignants ont été informés du changement à venir et avaient le choix, jusqu'au 31 juillet 1998, de prendre une retraite anticipée et d'être exclus du régime de pension intégré. Mme Dawe a démissionné le 16 juillet 1998. Elle a alors présenté une demande de prestations de chômage.
La Commission l'a exclue du bénéfice des prestations de chômage parce qu'elle n'était pas fondée à quitter volontairement son emploi.
La Loi sur l'assurance-emploi prévoit ce qui suit :
« le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi [...] si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
[...]
(vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
[...]. »
Mme Dawe a interjeté appel devant le conseil arbitral. Son avocat a fait valoir qu'elle avait quitté son emploi sous la contrainte, qu'elle avait été victime d'un congédiement déguisé et que les conditions salariales et les avantages sociaux avaient été modifiés de façon considérable.
Le conseil arbitral a indiqué que Mme Dawe aurait pu continuer à travailler sans subir une réduction de salaire. Le conseil était d'accord avec la Commission sur le fait qu'elle n'était pas fondée à quitter son emploi.
Je rejette les arguments selon lesquels Mme Dawe a démissionné sous la contrainte ou dans des circonstances constituant un congédiement déguisé. La réduction éventuelle du revenu de retraite de la prestataire ne découle pas de décisions unilatérales prises par l'employeur, mais plutôt d'une entente négociée entre ce dernier et l'agent négociateur représentant Mme Dawe et d'autres enseignants. Mme Dawe a reçu de l'information sur les répercussions de la nouvelle convention sur son revenu de retraite et a donc pris une décision éclairée.
Je rejette également l'argument selon lequel les conditions salariales et les avantages sociaux de Mme Dawe ont été modifiés de façon considérable. Les termes « avantages sociaux » et « salaires » ne peuvent s'appliquer aux prestations de retraite payables dans l'avenir.
Toutefois, l'employeur a modifié de façon importante les conditions de retraite de Mme Dawe. Ce changement est comparable à une modification des conditions salariales et des avantages sociaux et doit être pris en considération pour déterminer si, compte tenu de toutes les circonstances, le départ de Mme Dawe constituait la seule solution raisonnable dans son cas. Il faut déterminer si cette circonstance, seule ou combinée à d'autres, pour reprendre les termes de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Tanguay c. Commission de l'assurance-chômage (1985), 68 N.R. 154, « l'excuse d'avoir ainsi pris le risque de faire supporter par d'autres le fardeau de son chômage ».
Le cas de Mme Dawe est similaire à celui de Doris Halfyard dont l'appel a été instruit à la même date. Dans cette affaire, on m'avait donné des renseignements plus détaillés sur l'incidence de l'intégration des régimes de retraite. Mme Dawe était âgée de 53 ans lorsqu'elle a quitté son emploi. Rien dans le dossier n'indique dans combien de temps elle aurait été admissible au régime de retraite des enseignants. Je suppose qu'elle y aurait eu droit dans moins de deux ans après son départ. Son âge et son admissibilité à la retraite constituaient des circonstances pertinentes et le conseil arbitral a commis une erreur de droit en refusant d'en tenir compte.
La Commission a indiqué qu'une solution raisonnable aurait été que Mme Dawe continue d'enseigner. Elle avait le droit de prendre une décision en tenant compte, non seulement de son avenir immédiat, mais également de sa sécurité financière à long terme. La question est de déterminer si la prestataire avait d'autres solutions raisonnables à sa disposition. Après avoir examiné les circonstances, soit la perte éventuelle de revenu de retraite, l'âge de Mme Dawe et son admissibilité à la retraite imminente, j'estime que Mme Dawe n'avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi lorsqu'elle l'a fait.
L'appel est accueilli et l'exclusion du bénéfice des prestations est annulée.
RONALD C. STEVENSON
Juge-arbitre
FREDERICTON (NOUVEAU-BRUNSWICK)
Le 5 novembre 1999