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    CUB 46699

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    LLOYD BOUCHER

    - et -

    d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le prestataire à
    l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
    Edmonton (Alberta) le 11 décembre 1998.

    DÉCISION

    Appel entendu à Edmonton (Alberta) le 30 août 1999.

    LE JUGE-ARBITRE W.J. HADDAD, C.R.

    Le présent appel a été interjeté par le prestataire. Un conseil arbitral a maintenu la décision de la Commission d'assurance-emploi, qui avait statué que le prestataire avait volontairement quitté son emploi au High Level Frienship Centre, le 4 septembre 1998, sans motif valable.

    Le prestataire, après avoir reçu l'avis d'audition de son appel, a avisé le bureau du juge-arbitre, dans une lettre datée du 26 août 1999, qu'il ne pourrait pas se présenter à l'audition, car son père était malade et, étant donné que sa mère est aveugle au sens de la loi, il était le seul à pouvoir s'en occuper. L'adjoint au greffier a, par la suite, été informé que le prestataire présenterait un témoignage écrit, lequel n'a pas été reçu. Le prestataire habite à Fort Chipewyan, en Alberta, lieu qui se trouve près de la pointe nord de la province, à une distance considérable d'Edmonton. Par conséquent, j'ai décidé de rendre une décision à la lecture du dossier malgré la demande de report formulée par le prestataire.

    Le prestataire a commencé à travailler pour le Friendship Centre le 1er janvier 1996 et il a quitté son emploi le 4 septembre 1998, après que le Centre a engagé un nouveau directeur exécutif en janvier 1998. Le poste officiel du prestataire, selon les documents fournis par un ancien directeur exécutif, était celui de superviseur de l'entretien.

    Dans sa lettre de démission, le prestataire a remercié le Friendship Centre pour les années passées à son service. Certains estiment que cette lettre démontre que le prestataire n'était pas mécontent de son emploi au moment de sa démission. Il faut cependant souligner que la plus grande partie du travail du prestataire s'est déroulée avant la nomination du nouveau directeur exécutif.

    La décision du conseil arbitral se fonde sur le fait que le travail du prestataire n'était pas intolérable au point qu'il n'avait d'autre possibilité que celle de démissionner avant d'avoir trouvé un autre emploi.

    Selon moi, le conseil n'a pas bien étudié les raisons que le prestataire a données pour expliquer le fait qu'il a quitté son emploi; ces raisons étaient appuyées de preuves fournies par le directeur exécutif intérimaire précédent. Plutôt que de tenter de reformuler les représentations écrites du prestataire, il me semble plus pratique d'en citer un passage. Voici ce qu'il a déclaré :

    « Il me semble que j'avais un motif valable pour démissionner. Je travaillais au High Level Friendship Centre depuis janvier 1996. Le nouveau directeur exécutif est arrivé au centre en janvier 1998. À ce moment-là, il y avait deux concierges. Peu après, l'autre concierge a été licencié. On me demandait de faire tout le nettoyage et l'entretien pour le même salaire horaire et on n'accordait très peu d'importance à mes demandes visant à obtenir de l'équipement et des fournitures pour le nettoyage. Pendant la saison estivale, il n'y avait que trois employés à temps plein au centre. En plus de mes tâches de concierge, il me fallait répondre au téléphone, m'occuper du courrier, livrer les colis des réunions du conseil d'administration, livrer des paniers destinés aux banques d'alimentation. Tout cela s'ajoutait à mes tâches de concierge et les dépassait. Le directeur exécutif n'a pas voulu tenir compte des efforts que je consacrais à ces tâches supplémentaires et se plaignait quotidiennement de mon éthique du travail. Il y a eu de nombreuses discussions au sujet de ces problèmes, mais celles-ci n'ont rien donné. Je ne voyais pas d'autre solution que celle de quitter mon emploi. J'ai inclus une lettre provenant d'un ancien collègue qui, à une époque, travaillait comme directeur exécutif intérimaire au High Level Native Friendship Centre. »

    [TRADUCTION]

    Le sous-alinéa 29c)(ix) de la Loi sur l'assurance-emploi indique ce qui suit :

    c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :

    (ix) modification importante des fonctions,

    Les indications écrites fournies par l'ancien directeur exécutif intérimaire se lisent comme suit :

    « J'ai travaillé avec Lloyd Boucher au High Level Native Friendship Centre pendant 13 ans. J'y travaillais comme directeur de programme et, pendant 3 mois, comme directeur exécutif intérimaire.

    J'ai remarqué, au cours de cette période, que Lloyd était fiable, ponctuel et qu'il accomplissait toujours des tâches qui dépassaient celles de sa description de travail. Il effectuait son travail de son mieux et, compte tenu du manque d'équipement d'entretien et de nettoyage, le centre était toujours bien entretenu. À en croire leurs conversations, Lloyd et les autres employés étaient satisfaits de leur emploi et avaient l'intention de les conserver longtemps.

    Cependant, l'arrivée du nouveau directeur exécutif a entraîné des changements dans le milieu de travail. Le niveau de stress a augmenté, les employés qui, jusque-là, avaient un esprit d'équipe ont commencé à se disputer entre eux

    Je pense que le manque de respect dont le directeur exécutif a fait preuve envers le personnel, les clients et les visiteurs a transformé le centre en un lieu où le travail était insupportable. »

    [TRADUCTION]

    Le conseil a fait abstraction des preuves que le prestataire, et d'autres en son nom, avait présentées. Selon moi, ces preuves démontraient que le prestataire avait un motif valable pour quitter son emploi. Les tâches supplémentaires que le nouveau directeur exécutif lui avait imposées ont engendré un changement important de ses fonctions et la différence quant à l'ambiance de travail n'a laissé aucune autre possibilité au prestataire que celle de démissionner. Le fait que l'on ait demandé au prestataire d'accomplir, à lui seul, les tâches autrefois accomplies par deux concierges ainsi que d'autres tâches qui ne relevaient pas de la conciergerie constitue un aspect particulièrement important. Les conditions de travail étaient visiblement devenues insatisfaisantes.

    Malgré tout le respect que je lui dois, j'estime que le conseil arbitral a rendu sa décision sans tenir compte des éléments qui lui avaient été présentés et a commis une erreur en faisant abstraction de l'article 29, sous-alinéa c)(ix).

    Par conséquent, l'appel est accueilli

    W.J. Haddad, C.R.

    Juge-arbitre

    Edmonton (Alberta)

    Le 19 octobre 1999

    2011-01-16