CUB 46727
TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande de prestations présentée par
PATRICIA PATTERSON
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par la prestataire à
l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
Peterborough (Ontario) le 18 janvier 1999.
DÉCISION
LE JUGE-ARBITRE EVANS
Le présent appel a été interjeté par Patricia Patterson à l'encontre d'une décision rendue le 18 janvier 1999 par la majorité du conseil arbitral qui avait maintenu la décision de la Commission d'assurance-emploi rendue le 3 décembre 1998. Celle-ci stipulait que la prestataire ne recevrait pas de prestations d'assurance-emploi en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi. La décision se fonde sur le fait que la prestataire a volontairement quitté son emploi le 31 octobre 1998 sans motif valable.
L'appelante travaillait comme boulangère dans un magasin à Bobcaygeon, en Ontario, depuis sept ans avant de quitter son emploi. Elle a démissionné lorsque son employeur a réorganisé ses activités et éliminé le poste de boulanger. On a proposé à Mme Patterson de travailler pour le magasin dans une autre section, à temps partiel, essentiellement comme cuisinière de casse-croûte.
Le paragraphe 30(1) de la Loi sur l'assurance-emploi indique que le prestataire qui quitte volontairement son emploi sans motif valable est exclu des prestations. L'alinéa 29 c) indique qu'un employé a des motifs valables de quitter son emploi s'il n'a d'autre solution que de partir, étant donné toutes les circonstances, y compris celles qui sont énumérées dans les alinéas qui suivent.
La majorité des membres du conseil arbitral ont conclu que l'appelante n'avait pas exploré toutes les solutions raisonnables avant de quitter son emploi, y compris la possibilité de continuer son travail pour son employeur actuel jusqu'à ce qu'elle obtienne du travail ailleurs. Ils ont également déclaré que, bien que les fonctions de l'appelante aient changé, « ils jugent que ces changements ne sont pas (assez) importants pour justifier le fait qu'elle quitte son emploi avant d'en avoir trouvé du travail ailleurs. » L'alinéa 29 c) (ix) indique que la « modification importante des fonctions » fait partie des circonstances qu'il faut prendre en compte lorsqu'il s'agit de déterminer si la démission d'un prestataire est raisonnable.
Le membre dissident estime que le changement des conditions de travail de Mme Patterson était suffisamment important pour justifier qu'elle quitte son emploi. Il a souligné le changement dans la nature de ses fonctions, de boulangère à cuisinière de casse-croûte, ainsi que le fait que ce nouveau poste ne lui permettait pas de prendre de pause-repas ininterrompue de 30 minutes.
Mme Patterson a interjeté appel de cette décision en vertu des alinéas 115(2) a) et c) de la Loi. L'alinéa 115 (2) a) indique qu'un appel peut être interjeté si le conseil a enfreint un principe de justice naturelle. Rien ne semble indiquer que tel ait été le cas dans cette affaire.
L'alinéa 115(2) c) indique qu'un appel peut être interjeté si le conseil a rendu sa décision en se fondant sur une conclusion de fait erronée rendue de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Étant donné les pouvoirs limités du juge-arbitre dans le cadre de ces appels, il ne m'incombe pas de substituer mon opinion à celle du conseil sur la question de savoir si les changements professionnels de Mme Patterson, telles qu'ils sont décrits dans les preuves, sont assez importants pour qu'ils constituent un motif valable de quitter son emploi. Selon moi, la conclusion du conseil n'était pas déraisonnable, étant donné les preuves qui lui ont été présentées.
Cependant, dans son exposé des faits, la majorité a également indiqué ce qui suit :
L'employeur fait savoir que l'appelante aurait pu travailler à faire des sandwiches ou des hamburgers et que sa semaine de travail aurait été réduite de 40 à environ 35 heures de travail. [TRADUCTION]
Cette conclusion concernant le nombre d'heures que l'appelante aurait accomplies dans le cadre de ce nouveau poste n'est pas soutenue par les preuves. La pièce 5 est un résumé de la conversation qu'a eue un agent de l'assurance-emploi avec l'ancien employeur de Mme Patterson, et celle-ci n'est pas remise en question par d'autres pièces.
L'agent a noté que, avant que le rayon de boulangerie ne ferme, la prestataire travaillait dix jours toutes les deux semaines, pour un total d'environ 40 heures par semaine pendant l'été et 35 heures par semaine pendant l'hiver. Dans le cadre de son nouveau poste, elle aurait travaillé sept jours sur deux semaines et aurait accompli des quarts de travail de six ou sept heures pendant l'hiver, et de sept ou huit heures pendant la saison estivale.
Cela semble indiquer que Mme Patterson aurait consacré entre 24, 5 et 28 heures par semaine à son travail pendant l'été et entre 21 et 24, 5 heures pendant la basse saison. Le fait de passer de 40 heures à moins de 28 heures pendant l'été, et de 25 à moins de 24, 5 heures pendant l'hiver constitue une réduction d'au moins 30 % dans le nombre d'heures accomplies. À titre de comparaison, le calcul effectué par la Commission, fondé sur un passage de 40 heures à 35 heures, indique une réduction de seulement 12, 5 %.
Bien que le conseil n'ait pas abordé, de manière explicite dans sa conclusion, la question de la réduction du nombre d'heures, il s'agit là d'une question de fait essentielle. Il aurait dû prendre en compte la « modification importante de ses conditions de rémunération » en vertu de l'alinéa 29 c) (vii). Voir, à ce sujet Procureur général du Canada contre Horslen, [1995] C.F.J. 1223 (C.A.F.). En outre, il est possible que cette réduction importante du nombre d'heures constitue un congédiement déguisé, ce qui donnerait un motif valable à Mme Patterson de quitter son emploi : voir CUB 19432 et CUB 3554.
Par conséquent, j'en conclus que la décision du conseil était fondée sur une conclusion de fait erronée, relativement à la réduction du nombre d'heures de travail, sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. L'affaire est renvoyée devant un conseil arbitral différemment constitué car le conseil a omis d'évaluer si la réduction du nombre d'heures de travail, que les preuves semblent démontrer, et la réduction probable du salaire de Mme Patterson ainsi que les changements dans la nature de ses fonctions constituaient un motif valable en vertu de l'article 29.
Puisque Mme Patterson n'est pas représentée, j'ordonne à la Commission, comme l'a fait le juge-arbitre MacKay dans le CUB 20475, de porter à l'attention du conseil qui entendra l'affaire, les précédents qui traitent du congédiement déguisé ainsi que les alinéas 29 c) (vii) et (ix).
Pour les raisons indiquées ci-dessus, l'appel est accueilli.
John M. Evans
Juge-arbitre
Ottawa (Ontario)
Le 29 octobre 1999
2011-01-16