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    CUB 46772

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    TERESA WATLING

    - et -

    d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par la prestataire à
    l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
    New Westminster (Colombie-Britannique) le 3 décembre 1998.

    DÉCISION

    LE JUGE-ARBITRE R.E. SALHANY, C.R.

    Le présent appel a été entendu à Vancouver (Colombie-Britannique) le mercredi 10 novembre 1999.

    La question en litige est de savoir si l'appelante a quitté son emploi sans motif valable. Les faits ne sont pas contestés. L'appelante était cuisinière et avait travaillé pour le Met Bar and Grill du 1er juillet 1997 au 18 septembre 1998. Elle avoue être alcoolique. On reconnaît généralement que l'alcoolisme est une maladie, malheureusement une maladie de nature insidieuse, que l'on ne peut guérir. Un alcoolique doit consacrer toute son existence à lutter contre l'envie de boire. Par malheur, l'appelante recevait de la bière gratuite à la fin de son quart de travail et elle ne pouvait s'empêcher de boire jusqu'à la fermeture du bar. Elle a essayé d'agir pour régler la situation, ce qui est tout à son honneur. Elle a pris des congés et a réduit son temps de travail, passant de cinq jours par semaine à trois jours par semaine. Cependant, l'employeur avait besoin d'elle en raison d'une pénurie d'employés et a augmenté son temps de travail. Sa santé se détériorait. Elle a consulté un médecin, mais n'a pas divulgué l'étendue de ses problèmes médicaux. Sachant qu'elle devait s'éloigner de la source de ses problèmes, elle a décidé de quitter son emploi.

    La Commission a conclu qu'elle a volontairement quitté son travail sans motif valable et l'a exclue des prestations pour une durée indéterminée. Le conseil arbitral a maintenu la décision du conseil et a rejeté son appel.

    Dans le cadre d'un plaidoyer éloquent, son avocat, M. Devlin Farmer, a affirmé que le conseil avait rendu une décision entachée d'une erreur de droit en affirmant que l'appelante ne relevait pas des dispositions de l'article 29c)(iv) de la Loi relatives aux exemptions. Cet article se lit comme suit :

    c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :

    (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,

    Le conseil arbitral a reconnu que l'appelante éprouvait des problèmes de santé attribuables à son alcoolisme. Cependant, le conseil a réfuté l'argument selon lequel le risque pour sa santé et sa sécurité ne relevait pas des conditions de travail de la prestataire, mais plutôt de son milieu de travail. M. Farmer a affirmé que le conseil a erré en rendant sa décision. Il a dit que, puisque la prestataire n'était pas capable de dire non à l'alcool, la seule manière de lutter contre son accoutumance était de dire non à son emploi.

    Je suis d'accord. Le fait de placer une alcoolique dans un lieu de travail où l'on peut facilement se procurer de l'alcool revient à placer un ouvrier qui à une maladie de la peau dans un environnement de travail qui aggraverait sa condition. Bien que l'article 29 c) (iv) ne fasse aucune allusion aux conditions de travail qui constituent un danger à la santé et à la sécurité, les conditions de travail de l'appelante constituaient, à mon avis, un risque pour sa santé et sa sécurité car elle devait constamment combattre son besoin de nourrir son accoutumance. Dans son cas, cela s'est soldé par un échec.

    Selon moi, la question qu'il faut réellement aborder dans la présente affaire est de savoir s'il est vrai que l'appelante n'avait aucune autre possibilité raisonnable que de quitter son emploi. Le conseil a abordé ce point et a conclu qu'elle aurait dû dire à son employeur qu'elle était alcoolique et lui demander qu'on ne lui donne pas de bière gratuite. Je ne vois pas en quoi cela aurait résolu son problème. L'employeur a certainement dû se rendre compte qu'elle était alcoolique et n'aurait donc pas dû lui offrir gratuitement de la bière. Selon moi, la seule solution raisonnable était de quitter ce milieu qui lui donnait constamment l'envie de boire.

    Cependant, le conseil aurait également dû, selon moi, déterminer si l'appelante a fait des efforts raisonnables, compte tenu de la situation, pour trouver un autre emploi. Il n'est pas suffisant que l'appelante quitte son emploi sans faire d'efforts pour en trouver un autre. Le conseil ne s'est pas prononcé à ce sujet.

    Par conséquent, l'appel doit être accueilli et l'affaire est renvoyée devant un conseil arbitral nouvellement constitué afin qu'il se prononce sur cette question.

    R.E. Salhany

    Juge-arbitre

    Vancouver (Colombie-Britannique)

    Le 10 novembre 1999

    2011-01-16