CUB 47395
TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande de prestations présentée par
YOUNG, Doreen
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par la prestataire à
l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
Corner Brook (Terre-Neuve) le 2 juin 1999.
DÉCISION
LE JUGE-ARBITRE CAMPBELL
Il s'agit d'un appel interjeté par Doreen Young à l'encontre de la décision unanime d'un conseil arbitral (le « Conseil ») qui a confirmé la détermination d'un agent d'assurance précisant que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations d'assurance-emploi, conformément aux articles 29 et 30(1) de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi »), parce qu'elle avait quitté son emploi sans motif valable. La prestataire a renoncé à une audition et cette affaire est donc tranchée à l'examen du dossier.
D'après la preuve que j'ai devant moi, Mme Young a déménagé en Ontario avec son mari et leurs deux enfants en 1997. Elle a commencé à travailler le 6 avril 1998 chez Tempress Ltd. comme ouvrière de production. À la suite de la séparation de Mme Young d'avec son mari, le témoignage non contredit de celle-ci indique qu'elle s'est retrouvée dans la situation où elle devait se trouver un emploi à temps plein tout en ayant à s'occuper de ses deux enfants, dans une nouvelle ville et sans l'aide de la famille ou d'amis qu'elle aurait pu avoir à Terre-Neuve. Compte tenu de cette situation, devant à la fois s'occuper de ses enfants et de sa propre santé, elle déclare avoir quitté son emploi le 19 mars 1999 et être retournée à St-Georges, Terre-Neuve.
La nécessité de prendre soin d'enfants peut constituer un motif valable de quitter volontairement son emploi conformément à l'article 29(c)(v) de la Loi dans le cas où un travailleur n'a d'autre solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances. En conséquence, Mme Young a présenté une demande de prestations le 6 avril 1999. La demande a été rejetée par un agent de l'Assurance-chômage du ministère du Développement des ressources humaines qui considérait qu'elle avait volontairement quitté son emploi sans raison valable. Mme Young a alors interjeté appel à l'encontre de ce refus devant un conseil arbitral (le « Conseil ») qui, dans une décision unanime, a rejeté l'appel le 2 juin 1999.
La décision du conseil
La décision sommaire du conseil est la suivante :
Conclusion du conseil et fondement de la décision
Pour prouver qu'il y a « motif valable » au sens de la Loi, un prestataire doit démontrer qu'il n'avait d'autre solution raisonnable que de quitter volontairement son emploi, compte tenu de toutes les circonstances.
La prestataire affirme qu'elle a consulté un médecin mais qu'elle n'a pas discuté de ses difficultés avec lui. La prestataire aurait pu choisir de conserver son emploi tout en consultant un médecin relativement au stress, à l'angoisse et aux migraines qu'elle éprouvait. La prestataire aurait pu également chercher de l'aide pour aider ses enfants à s'adapter aux changements qu'ils devaient vivre.
Dans le CUB 23718, le juge MacKay a déclaré ce qui suit à propos du départ volontaire :« La jurisprudence a établi que dans le cas où un prestataire invoque comme justification de son abandon volontaire d'emploi des effets nuisibles sur sa santé, celui-ci doit produire une preuve médicale pour étayer sa plainte. La preuve médicale doit indiquer non seulement que la prestataire était souffrante, mais aussi qu'elle avait été obligée de quitter son emploi en raison de son état de santé. »
C'est une décision personnelle qu'a prise la prestataire de quitter volontairement son emploi et de retourner à la maison, à Terre-Neuve, avec ses enfants. Bien qu'elle ait estimé avoir des motifs suffisants d'agir ainsi, ceux-ci ne constituaient pas des
« motifs valables » au sens de la Loi pour qu'elle puisse être admissible au bénéfice des prestations.
[Traduction]
L'appel
Mme Young remet en question, dans sa lettre d'appel, l'étroiture du fondement de la décision du conseil en déclarant, « il ne s'est attachés qu'au fait que je n'avais pas de billet du médecin disant que je devais retourner à la maison ». De plus, en ce qui a trait à l'acceptation par le conseil de l'argument de la Commission à l'effet qu'elle aurait peut-être dû chercher une aide quelconque pour aider ses enfants à s'adapter, elle demande d'une manière poignante, « comment aurais-je pu me permettre ce genre d'assistance pour eux alors que je ne pouvais même pas me permettre les nécessités essentielles de la vie? » . 1
Dans le but de démontrer les efforts qu'elle a déployés pour conserver son emploi et continuer de vivre en Ontario, elle donne les explications suivantes :
Lorsque, le 1er avril 1998, j'ai eu l'occasion de pouvoir commencer à travailler bientôt, j'ai décidé de rester en Ontario et de faire de mon mieux pour nous donner une certaine qualité de vie, à moi et à mes enfants, au lieu de retourner à Terre-Neuve à la fin d'avril 1998, comme j'avais l'intention de le faire. Je n'ai pas quitté mon emploi par paresse ni parce que j'avais assez d'heures pour être admissible, comme bien des gens le font. J'ai vraiment essayer de gagner ma vie en Ontario, mais en raison du coût de la vie qui ne cessait d'augmenter, je n'en ai pas été capable. 2
La question est de décider si Mme Young est admissible au bénéfice des prestations conformément au paragraphe 29(c)(v) de la Loi.
Je suis d'accord avec elle à l'effet que le conseil n'a pas suffisamment tenu compte de tous ses motifs à quitter volontairement son emploi. Bien que le conseil ait bien traité la question de l'état de santé dans sa décision, il n'a pas tenu compte des arguments de Mme Young en ce qui a trait au stress familial occasionné par la séparation ni à l'urgence qu'elle avait de prendre les mesures nécessaires pour s'occuper adéquatement de ses deux enfants.
______________________
1 Observations de la prestataire, pièce 14-3.
2 Ibid.
Le témoignage non contesté de Mme Young est à l'effet qu'elle a décidé, à la suite de sa séparation, de faire des efforts sérieux pour conserver son emploi en Ontario et d'essayer de se faire une vie, pour elle et pour ses deux enfants, au lieu de retourner tout de suite chez elle, à Terre-Neuve.
En outre, ce témoignage prouve à ma satisfaction que le salaire de Mme Young ne pouvait lui permettre de répondre aux besoins de sa famille en l'absence d'un réseau de soutien de la famille ou d'amis sur lequel elle aurait pu compter chez elle à Terre-Neuve.
Selon moi, il n'est pas nécessaire, pour qu'un motif soit considéré comme valable au sens de la Loi en ce qui concerne la nécessité de prendre soin de ses enfants, qu'un travailleur doive d'abord atteindre un niveau de crise tel qu'il en vienne à être mis à pied ou vivre dans la misère.
Conclusion
Compte tenu des circonstances dans lesquelles elle s'est trouvée, je considère que Mme Young ne pouvait pas continuer de travailler et, en même temps, s'occuper adéquatement de ses enfants. Je considère également que le conseil a commis une erreur de droit en ne considérant pas cet aspect à sa juste valeur.
L'appel de Mme Young est donc accueilli. En vertu de la compétence qui m'est accordée conformément à l'article 117(b) de la Loi, je considère juste de rendre la décision que le conseil aurait dû rendre et, en conséquence, je considère qu'elle avait un motif valable de quitter son emploi conformément à l'article 29(c)(v) de la Loi sur l'assurance-emploi.
D. CAMPBELL
Juge-arbitre
Ottawa (Ontario)
Le 4 février 2000
2011-01-16