CUB 47398
TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande de prestations présentée par
RAYMONDE PATTERSON
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par la prestataire à
l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
Ottawa (Ontario) le 18 février 1999.
DÉCISION
LE JUGE-ARBITRE TEITELBAUM J.
Cet appel a été interjeté devant le juge-arbitre par la prestataire, Raymonde Patterson, à l'encontre d'une décision unanime du conseil arbitral rendue le 18 février 1999 (pièce 15).
Un appel interjeté devant un juge-arbitre est fait conformément aux paragraphes 115 (1) et (2) de la Loi sur l'assurance-emploi, S.R.C. 1985, c. U-1 (Loi). Les motifs d'un tel appel se trouvent au paragraphe 115 (2) :
115. (1) Toute décision d'un conseil arbitral peut, de plein droit, être portée en appel devant un juge-arbitre par la Commission, le prestataire, son employeur, l'association dont le prestataire ou l'employeur est membre et les autres personnes qui font l'objet de la décision.
(2) Les seuls moyens d'appel sont les suivants :
Dans le cas qui nous occupe, la prestataire fonde son appel sur l'alinéa 115(2)(c)
(Pièce 18.2)
Suivant l'exposé des faits des parties, je les ai informées que j'avais l'intention d'accueillir l'appel de la prestataire et de renverser les décisions de la Commission et du conseil arbitral étant donné que je suis convaincu que la prestataire n'avait pas d'autre choix, pour garantir sa santé mentale, que de quitter son emploi pour aller rejoindre ses enfants dans la région d'Ottawa.
Les faits sont les suivants :
La prestataire a occupé un poste de serveuse à l'hôtel Lord Beaverbrook du 4 juin 1990 au 13 novembre 1998 (Pièce 2.1), ce qui indique qu'il s'agit d'une employée dévouée et responsable. Dans le formulaire de cessation d'emploi volontaire, elle déclare qu'elle a quitté son emploi pour déménager à Ottawa afin de se rapprocher de sa famille étant donné qu'elle n'avait pas de famille au Nouveau-Brunswick depuis le décès de son mari et qu'il n'y avait personne sur qui elle pouvait compter.
À la suite des faits énoncés ci-dessus, la Commission lui a fait parvenir une lettre le 8 décembre l'informant qu'elle ne recevrait pas de prestations régulières vu qu'elle a quitté son emploi sans motif valable (Pièce 7). On l'a aussi informée que comme elle a quitté son emploi pour préparer son déménagement, elle n'était pas disponible pour travailler (Pièce 8).
Le 18 décembre 1998, la Commission a fait savoir à la prestataire qu'à la suite du réexamen de sa demande, elle était considérée comme étant disponible à travailler (Pièce 9).
Il est intéressant de noter que dans la pièce 10, document intitulé Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations, la Commission déclare ce qui suit :
La prestataire a quitté son emploi au Nouveau-Brunswick pour déménager en Ontario.
Après le décès de son mari, elle trouve difficile le fait de vivre au Nouveau-Brunswick vu que toute sa famille habite ici dans la région d'Ottawa. Elle a déménagé le 30 novembre 1998 et à partir de ce moment, elle était disponible pour faire des recherches d'emploi.
Veuillez examiner le DO99 relativement au départ. Elle avait un motif raisonnable. (Traduction)
(J'ai souligné)
Il semblerait donc que la prestataire ait dû quitter son emploi après avoir perdu son mari. On a reconnu qu'il était décédé et qu'il était pratiquement impossible pour elle de vivre au Nouveau-Brunswick.
Nonobstant la pièce 10, la Commission a informé la prestataire de ce qui suit le 22 décembre 1998 :
Nous avons réexaminé votre demande de prestations, mais malheureusement, nous ne pouvons toujours pas vous payer étant donné que vous n'avez pas démontré que vous aviez un motif raisonnable de quitter votre emploi. (Traduction)
(Pièce 11)
La prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission devant le conseil arbitral. Dans sa lettre d'appel, elle déclare :
J'aimerais en appeler de votre décision de m'exclure des prestations. J'estime que c'est injuste. Comme je l'ai dit à l'agent de la Commission, j'ai perdu mon mari il y a trois ans et je vivais seule. Je ne peux pas vivre seule sans ma famille. J'ai déménagé à Ottawa pour être avec les miens. Je n'avais plus personne au Nouveau-Brunswick et j'en ai même parlé à mon médecin qui m'a dit que c'était une bonne idée de déménager. J'ai travaillé toute ma vie et n'ai retiré du chômage que deux fois. Je ne suis pas une personne paresseuse. Je peux comprendre que vous vouliez me punir d'avoir quitté mon emploi, mais j'ai cru qu'il était préférable de partir plutôt que de perdre la raison. Veuillez en tenir compte et essayez d'avoir un peu de compassion. Merci d'avoir pris le temps de m'écouter. (Traduction)
(Pièce 12.1)
Ce qu'il faut noter, c'est que la prestataire déclare : « Je peux comprendre que vous vouliez me punir d'avoir quitté mon emploi, mais j'ai cru qu'il était préférable de partir plutôt que de perdre la raison. » (J'ai souligné)
Le conseil arbitral a tiré les conclusions suivantes :
Conclusions et application de la loi
L'article 29 de la Loi prévoit qu'un motif valable pour quitter son emploi volontairement existe quand le départ du prestataire constitue la seule solution raisonnable.
La jurisprudence fait une distinction entre motif suffisant et « motif valable » au sens de la Loi. Le conseil ressent de la compassion pour la prestataire. Il ne fait aucun doute qu'elle avait un motif suffisant pour partir. Nous trouvons crédible la déclaration de son médecin qui dit qu'elle a souffert de dépression et de réaction pathologique au chagrin causé par le décès de son époux. Malheureusement, nous ne pouvons conclure qu'elle avait un motif valable en vertu de l'article 30. Nous fondons notre conclusion sur le fait qu'elle n'a pas envisagé d'autres emplois et qu'elle n'a pas été incitée par un médecin à quitter son emploi, avant d'en informer son employeur. C'est effectivement malheureux puisque nous aurions aimé pouvoir aider cette femme. Néanmoins, le conseil est lié par la loi, et selon nous, elle ne prévoit pas qu'un motif valable existe dans ce cas-ci. (Traduction)
Décision
L'appel est rejeté.
(Pièce 15.2)
La prestataire interjette aujourd'hui appel de la décision du conseil arbitral.
Discussion
À la lecture des pièces à l'appui et après avoir écouté les déclarations verbales, je conviens que la raison justifiant le départ de la prestataire est due au fait que le décès de son mari a entraîné chez elle des crises d'angoisse au point où elle « croyait perdre la raison ».
Le paragraphe 29 (c) de la Loi sur l'assurance-emploi stipule que :
29. Pour l'application des articles 30 à 33 :
c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
Il est important de remarquer l'alinéa 29 (c) (xiv).
Il est parfois difficile de faire la distinction entre motif suffisant et motif valable. Le conseil arbitral a estimé que la prestataire avait un motif suffisant pour quitter son emploi. Je conviens que le conseil arbitral a erré dans son appréciation des faits étant donné qu'il n'a pas tenu compte de la santé de la prestataire.
Dans le cas présent, la prestataire, ayant perdu son mari et n'ayant personne à qui se confier, a vraiment cru qu'elle « perdrait la raison » si elle restait au Nouveau-Brunswick.
J'estime que la prestataire n'avait pas d'autre choix que de quitter son emploi pour ne pas perdre la raison.
La prestataire est admissible au bénéfice des prestations conformément à la Loi à compter du jour, suivant la période normale d'attente, où elle est devenue disponible à travailler.
Max M. Teitelbaum
Juge-arbitre
Ottawa (Ontario)
Le 17 janvier 2000
2011-01-16