TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande de prestations présentée par
STEVE GULLICKSON
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le prestataire
à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
Victoria (Colombie-Britannique) le 26 février 1999.
DÉCISION
LE JUGE-ARBITRE MARIN
J'ai entendu cet appel à Victoria (Colombie-Britannique) le 9 juin 2000.
Le prestataire a présenté une première demande de prestations, que la Commission a accordée. Conformément aux articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi, la Commission était d'avis qu'il avait un motif valable pour quitter son emploi.
L'employeur du prestataire a interjeté appel devant un conseil arbitral à l'encontre de la décision de la Commission et le conseil a unanimement renversé la décision de la Commission.
Le prestataire en appelle devant le soussigné de la décision du conseil lui refusant le maintien du service des prestations.
Le prestataire dit, dans sa demande initiale de prestations, qu'il travaillait à titre de projectionniste chez son ancien employeur et qu'il était responsable du matériel de projection « Imax ». Le dossier d'appel indique qu'il travaillait sur appel. Il mentionne un emploi supplémentaire.
Il est survenu des difficultés entre l'employeur et le prestataire au sujet de l'utilisation du matériel Imax. Ces difficultés sont décrites à la pièce 6 du dossier d'appel.
Le prestataire indique, entre autres, qu'il a quitté son emploi après avoir fourni un avis de deux semaines à son employeur, ayant agi à titre de projectionniste de relève pendant plus de 300 heures, seul dans une cabine de projection sans que personne ne l'informe des dangers inhérents à l'utilisation de ce genre de matériel.
Dans sa lettre de démission, il insiste sur le fait qu'il a quitté son poste pour des raisons de sécurité. Il précise les responsabilités de son poste comme il les perçoit et son inquiétude au sujet de sa sécurité.
Le projectionniste en chef souligne les fonctions du poste à la pièce 6-4. Un examen du rendement de l'employé se trouve à la pièce 6-5; ce document précise que le prestataire était un employé fiable qui avait besoin de formation supplémentaire, mais qui semblait intéressé à perfectionner les compétences associées à ce genre de travail. Enfin, le rapport classe le prestataire comme un candidat au-dessus de la moyenne.
Le dossier d'appel comprend nombre de documents concernant la surveillance du fonctionnement et de l'entretien de la cabine dans laquelle se trouve le matériel de projection.
Le conseil a pu consulter tout le dossier d'appel, y compris un échange de déclarations recueillies du prestataire et de l'employeur.
Le conseil a aussi pu prendre connaissance de la pièce 20-2, laquelle reflète les bonnes mesures à prendre pour traiter de ce qui est connu dans le métier comme une « lampe à xénon », notamment la possibilité d'une explosion associée au retrait de l'ampoule. Pour cette raison (que personne ne conteste), les employés doivent porter un survêtement spécial en plus d'un masque couvrant tout le visage et des gants spéciaux. Cet équipement n'était pas fourni par l'employeur et ce dernier n'avait pas informé les employés au sujet de ces exigences spéciales.
L'employeur a plutôt établi certaines dispositions pour le matériel et le prestataire mentionne subjectivement qu'elles ne respectaient pas les exigences de sécurité.
Le conseil a aussi pu consulter un extrait du Règlement pertinent adopté en vertu de la Workers' Compensation (Occupational Health and Safety) Amendment Act de la Colombie-Britannique à l'égard des normes en milieu de travail; ce Règlement a un effet direct sur l'emploi qu'a quitté le prestataire et sur la norme de diligence requise.
Je renvoie aussi au matériel de commerce sur le danger de la lampe à xénon. Ce document se trouve à la pièce 20-18. Enfin, le dossier comprend une lettre rédigée par Imax (pièces 21-3 et 21-4) concernant la manipulation du matériel en question.
Selon ces renseignements, le conseil a unanimement rejeté l'allégation du prestataire. Je reproduis les constatations du conseil :
« CONCLUSIONS :
Le conseil conclut que le dossier comprend assez de preuves pour appuyer le fait que l'employeur était très conscient de la sécurité et qu'il avait fourni au prestataire toute la formation nécessaire pour faire son travail.
En étudiant les déclarations supplémentaires du prestataire (pièces 20-1 à 20-18), le conseil conclut que les problèmes que décrit le prestataire n'étaient pas reliés à ses fonctions régulières de projectionniste de relève, lui demandant d'effectuer des tâches d'entretien général pour lesquelles il avait été formé, mais plutôt à celles d'un technicien compétent ou habilité et à des fonctions que personne ne s'attendait qu'il effectue.
Le conseil conclut aussi que les problèmes de santé et de sécurité en milieu de travail que précise le prestataire dans les pièces 20-6 à 20-14 ne s'appliquent pas directement à l'ancien lieu de travail du prestataire et aussi que rien ne prouve que le prestataire a soulevé ces questions auprès de son employeur.
Le conseil comprend que le prestataire avait des inquiétudes légitimes, mais il avait d'autres solutions que de quitter son emploi. Ses employeurs ne souhaitaient certes pas qu'il quitte son emploi et ils auraient été réceptifs à l'idée de rechercher une solution raisonnable aux problèmes du prestataire.
Le prestataire ne pouvait pas dire que sa situation d'emploi était si intolérable ou manifestement insatisfaisante qu'il devait quitter son travail, surtout en raison du fait qu'il a travaillé pendant ses deux semaines d'avis avant de quitter son emploi
DÉCISION DU CONSEIL : L'appel de l'employeur est accueilli. »
[TRADUCTION]
Je suis convaincu que le conseil a commis une erreur en ne portant pas assez d'attention à la preuve documentée dans le dossier d'appel. La Cour d'appel fédérale a, en maintes occasions, rappelé aux conseils arbitraux leurs obligations respectives.
Je fais allusion en particulier à la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire El Maki (A-737-97). La Cour a exposé le principe voulant que la preuve documentée doive recevoir un poids convenable et que le témoignage verbal ne puisse lui être préféré qu'en des circonstances exceptionnelles, accompagné d'une déclaration du conseil précisant ses motifs pour préférer le témoignage verbal. Le conseil, en ignorant la preuve documentée, a enfreint les dispositions de la Loi et a négligé de bien examiner si l'article 29c) s'appliquait comme motif valable permettant au prestataire de quitter volontairement son emploi. Le conseil a abordé cette question de façon routinière et incomplète.
L'appel est accueilli jusqu'à ce qu'un autre conseil arbitral entende l'affaire et débatte la question.
R.J. Marin
Juge-arbitre
Ottawa (Ontario)
Le 26 août 2000