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    CUB 49180

    EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et

    RELATIVEMENT à une demande de prestations par
    André MARTIN

    - et

    RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par le prestataire,
    André MARTIN
    de la décision d'un conseil arbitral
    rendue le 2 novembre, 1999, à Hull, Québec.

    D E C I S I O N

    G. GOULARD. Juge-arbitre

    Le prestataire en appelle de la décision majoritaire du conseil arbitral qui avait retenu la décision de la Commission à l'effet que le prestataire n'avait pas droit à des prestations parce qu'il avait perdu son emploi à Postes Canada en raison de son inconduite.

    Le prestataire était présent à l'audience, accompagné de son avocat, Me Gérard Brouillette. La Commission était représentée par Me Pauline Leroux.

    Les faits dans ce dossier sont comme suit:

    Le prestataire a été à l'emploi de Poste Canada du 4 janvier 1982 jusqu'à son congédiement le 7 juin 1999. ll avait été congédié le 26 novembre 1996 et, suite à un grief, réembauché sous les termes d'un protocole d'entente signé le 20 octobre 1997. Le protocole d'entente prévoyait que le prestataire serait congédié pour tout manquement à une obligation résultant du protocole et plus particulièrement sous l'article 9 selon laquelle le prestataire devait aviser son employeur de toute absence dans les trente minutes précédent un quart de travail et sous l'article 10 qui prévoyait que l'employé devait consulter son médecin dès la premier jour de toute absence. Ce protocole avait été convenu dans le but de fournir au prestataire un encadrement afin de l'aider à régler un problème d'absentéisme dû à l'alcoolisme.

    Le prestataire ne s'est pas présenté au travail du 11 au 16 mai 1999. Suite à des encontres afin de discuter l'absence de la période du 11 au 16 mai et du fait que les conditions des articles 8 et 10 du protocole d'entente n'avaient pas été rencontrées à la satisfaction de l'employeur, le prestataire fut avisé qu'il était congédié le 7 juin 1999.

    Le prestataire soumit une demande de prestations le 28 juin 1999. On l'avisa initialement qu'il aurait droit à des prestations mais la Commission l'informa par la suite qu'il n'y avait pas droit parce qu'il avait perdu son emploi à cause d'inconduite.

    Le prestataire en appela de la décision de la Commission au conseil arbitral qui, dans une décision majoritaire, rejeta l'appel maintenant la décision de la Commission.

    Il est important de noter les motifs de décision des deux conseillers majoritaires et du conseiller dissident:

    The majority of the Board finds as follows:

    Section 30 of the Act provides that a claimant who loses his job due to misconduct is not eligible for benefits. Misconduct has been judicially defined as a wilful or reckless act in breach of a singificant duty owed to an employment.

    This was an unusual case because the issue was not whether a normal or usual standard of care owed to an employer was breached. Rather, the question is whether the terms of the claimant's Memorandum of Settlement (the ‘agreement") were breached. The claimant's argued that he did not breach the agreement. But this is contradicted by the clear facts of this case. Clause 9 required him to report any absence at least one half hour before the start of any shift. He did not do that for the entire week of May 11th. Clause 10 stated that any such absence would be deemed evidence that the claimant breached the terms unless he provided a detailed medical certificate indicating whether the cause of the absence was directly or indirectly related to alcohol consumption. He provided no such certificate and we do not find the medical evidence in the file meets the conditions of Clause 10.

    Therefore, we find that there has been a clear breach of the agreement. Clause 11 then provides a basis for us to find that there is ‘just and sufficient cause for termination". This is, of course, not the legal test before us. However, we conclude that the claimant's breach of clear and unambiguous terms of his contractual agreement with his employer constitute misconduct within the meaning of section 30.

    The claimant stated that he lacked the mental where-with-all to give the required notice and provide the required certificate. However, we find that since he claimed to have been able to call work on a number of occasions the week of May 11th, then surely he could have called his doctor's office and attempted to have a note sent to his employer. In any event, the agreement made no provisions for such circumstances and it is not for this board (to] decide whether the agreement was fair or unfair. The employer had already forgiven at least one relapse and breach of the agreement a year earlier (exhibit #6) and it cannot be said that their subsequent decision to release him was unreasonable.

    The appeal is dismissed.

    DISSENT:

    After reviewing the file and hearing from the claimant, I would have allowed the appeal. When asked why he did not live up to his undertaking in Article 10 of the Memorandum of Settlement of 20th October 1997 and contact his doctor as promised, the claimant replied "Because I was sick, my actions were irrational".

    Confirming his statement, the file contains letters from his doctors, copies of his medical prescriptions, notes of a meeting dated 27th May 1999 compiled by John Meloche, summary of office visits to his doctor (exhibits #9-3, #9-4) and four signed statements from his co-workers dated August 1999.

    Clearly this claimant was sick at the time he was fired and he should be entitled to full sick benefits.

    Le prestataire en appelle de cette décision majoritaire alléguant que le conseil arbitral a fondé sa décision "sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance".

    Dans le document "Observations de l'appelant au juge-arbitre", on retrouve un exposé de la jurisprudence sur l'interprétation de la notion d'inconduite:

    ..au cours des années, la jurisprudence est venue interpréter cette notion d'inconduite. On peut la résumer ainsi: Il y a inconduite si on retrouve les éléments suivants:

    1.La présence d'un élément psychologique, soit un caractère délibéré soit une conduite à ce point insouciante qu'elle frôle le caractère délibéré, (Tucker 2 C.F. 329; au même effet: Mc-Kay-Eden A-402-96; Appiah CUB 3809);

    2.L'inconduite doit influer défavorablement sur les relations entre l'employeur et l'employé, lesquelles dépendent de la nature de la relation de travail et des activités en question. L'inconduite doit être le motif, non pas l'excuse du renvoi. (Bennet CUB 21645; au même effet: Cash CUB 32081);

    3.Un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail. (Nolet A-517-91);

    4.Il n'est pas nécessaire que l'intention en cause résulte d'une intention coupable. Il suffit que l'acte répréhensible ou l'omission reprochée à l'intéressé soit ‘délibéré", c'est-à-dire conscient, voulu ou intentionnel (Secours A-352-94; au même effet:

    Thériault CUB 45494);

    5.C'est un manquement d'une portée telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu'il serait susceptible de provoquer son congédiement. (Langlois A-96-95; au même effet: Gauthier A-6-98).

    Le prestataire soumet que son comportement lors de l'absence du travail durant la période pertinente et la perte de son emploi pour non respect du protocole d'entente n'équivaut pas à de l'inconduite sous l'article 30(1) de la Loi. Il soumet aussi que le conseil arbitral a erré en concluant qu'il y a inconduite du seul fait de n'avoir pas pleinement respecté le protocole d'entente.

    La Commission maintient que le conseil avait raison de conclure que le prestataire avait perdu son emploi à cause d'inconduite. Me Leroux allègue que le non respect du protocole d'entente "constitue un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail" (Brissette A-1342-92) et que ceci constitue en soi une inconduite sous l'article 30(1) de la Loi. Elle soumet de même que le congédiement ne découlait pas seulement du non respect de l'article 10 du protocole mais également d'un problème d'absentéisme de longue durée.

    La majorité du conseil arbitral arriva à la conclusion que le prestataire avait enfreint d'une façon claire et sans équivoque les clauses du protocole d'entente avec son employeur et que ceci constituait une inconduite tel que prévu à l'article 30 de la Loi.

    Cette conclusion soulève dans mon esprit trois problèmes:

    - Y avait-il vraiment une preuve claire et sans équivoque que le prestataire avait enfreint son obligation sous l'article 10 du protocole? Le conseiller dissident n'était évidemment pas de cet avis. Il était prêt à accepter l'explication du prestataire quant à son retard pour aviser l'employeur de son absence et de ses efforts de voir son médecin. Il est clair que le prestataire n'avait pas rencontré les exigence de l'article 10 du protocole à la lettre mais il est également clair que cet article n'était pas simple d'application. On avait même dû y apporter certaines modifications. Même l'exigence d'aviser une demi heure avant le début de quart de travail, selon le prestataire, n'était pas possible. Il n'y avait personne pour recevoir l'avis.

    - Le seul fait d'enfreindre une clause d'un protocole réglant un grief peut-il en soi constituer une inconduite au sens de l'article 30(1) de la Loi? L'article 11 du protocole prévoit:

    11.Should the grievor be in breach of any term of this memorandum of settlement, all parties hereto acknowledge and agree that such breach shall constitute just and sufficient cause for termination of the grievor's employment and will in fact result in the grievor's immediate termination.

    Il n'y a donc aucun doute que l'employeur pouvait interpréter les faits tel que présentés au dossier pour congédier le prestataire. Mais, comme la jurisprudence l'indique, le congédiement pour cause n'est pas nécessairement pour inconduite au sens de la Loi (CUB 9206A, 6666, 5023, 5579).

    Le juge Walsh, dans l'affaire Alphonse Hamburg, CUB 5023, du 14 juin 1978, a fait cette remarque judicieuse:

    "Un grand nombre d'employés sont congédiés parce que leur travail ne satisfait pas l'employeur, mais cela ne justifie pas une exclusion en vertu de l'article 41 un congédiement, même avec motif et l'inconduite sont deux choses différentes."

    Dans l'affaire Kenward (CUB 5775), le juge-arbitre écrivait:

    "Après avoir lu la jurisprudence relative à cette question, je suis d'avis que l'inconduite consiste en quelque action malfaisante touchant le travail lui-même. L'action ou l'omission dont l'employé s'est rendu coupable doit non seulement être contraire aux instructions ou aux désirs de l'employeur mais doit également nuire vraiment au travail que l'employé doit effectuer pour son employeur."

    Dans l'affaire Mc-Kay-Eden (A-402-96), le juge McDonald de la Cour d'appel fédérale indiquait que l'inconduite menant à la perte de droit à des prestations d'assurance-emploi devait inclure un caractère délibéré:

    "In our view, for conduct to be considered "misconduct" under the Unemployment, Insurance Act, it must be wilful or so reckless as to approach wilfulness."

    Dans l'arrêt Meunier (A-130-96) le juge Décary ajoutait les éléments suivants aux critères requis pour constituer une inconduite sous l'article 30(1):

    Il est acquis que l'inconduite dont parle le paragraphe 28(1) "n'est pas un simple manquement de l'employé à n'importe quelle obligation liée à son emploi; c'est un manquement d'une portée telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu'il serait susceptible de provoquer son congédiement" (Langlois A-94-95). Il est acquis, également, qu'il appartient à la Commission de faire la preuve, selon la balance des probabilités, que les conditions d'application de l'article 28 sont remplies (Choinière A-471-95). Il est acquis, enfin, qu'il faut "une appréciation objective permettant de dire que l'inconduite avait vraiment été la cause de la perte de l'emploi" (Choinière supra), que la seule affirmation par l'employeur que les agissements reprochés constituent à son avis de l'inconduite ne saurait suffire (Fakhari A-732-95) et que "pour qu'un conseil arbitral puisse conclure à l'inconduite d'un employé, il doit avoir devant lui une preuve suffisamment circonstanciée pour lui permettre, d'abord, de savoir comment l'employé a agi et, ensuite, de juger si ce comportement était répréhensible" (Joseph A-636-85).

    En l'espèce, le jugement majoritaire du conseil concluait que:

    1-la question devant eux n'était pas à savoir si l'employé avait négligé de remplir une obligation normale et habituelle due à son employeur (the issue was not whether a normal or ususal standard of care owed to an employer was breached);

    2- que la question qu'il devait trancher était à savoir si le prestataire avait enfreint le protocole (the question is whether the terms of the of the claimant's Memorandum of Settlement (the ‘agreement') were breached); et que

    3-le prestataire avait enfreint ledit protocole et que ceci constituait une "inconduite" sous l'article 30 de la Loi ( we conclude that the dlaimant's breach of clear and unambiguous terms of his contractual agreement with his employer constitute misconduct within the meaning of section 30).

    Je suis d'avis que le conseil arbitral a erré dans ses conclusions. La jurisprudence indique bien que le seul fait d'enfreindre une entente entre un employé et son employeur ne signifie pas nécessairement qu'il y a eu inconduite en vertu de l'article 30, même si cette infraction peut entraîner un congédiement. Le conseil arbitral se devait de déterminer si la preuve avait démontré d'une façon objective que la conduite reprochée à l'employé rencontre les critères énoncés par le juge Décary dans l'arrêt Meunier (A-130-96) auquel j'ai fait allusion ci-haut.

    Pour ces motifs, l'appel est accueilli. Je suis d'avis que cette affaire doit faire l'objet d'un procès de novo devant un conseil arbitral différemment constitué. La décision du conseil arbitral datée du 2 novembre 1999 sera retirée du dossier d'appel.

    GUY GOULARD

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA, Ontario

    Le 31 août 2000

    2011-01-16