CUB 49249
TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande de prestations présentée par
LEE-ANNE POIRIER
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par la prestataire à
l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
Sudbury (Ontario) le 21 mai 1999.
DÉCISION
LE JUGE-ARBITRE MARIN
J'ai entendu cet appel à Sudbury le 28 juin 2000.
La Commission a refusé d'accorder des prestations à la prestataire. La Commission était d'avis que la prestataire avait quitté son emploi sans motif valable en vertu des articles.28 et 30 de la Loi sur l'assurance-chômage. Elle a interjeté appel à l'encontre de cette décision et son appel a été rejeté; suite à un autre appel interjeté devant un juge-arbitre, ce dernier a ordonné une nouvelle audience. Le présent appel est interjeté à l'encontre de la deuxième décision du conseil arbitral, une décision majoritaire.
La prestataire, suite au refus du versement de prestations, a présenté un bon nombre de documents dans lesquels elle expliquait que, fondamentalement, elle avait été embauchée à titre de préposée à l'entrée des données et que la description de ses fonctions avait été considérablement modifiée, ce qui l'a menée à mettre fin à son emploi. Elle ajoute qu'elle était compétente dans ses fonctions de préposée à l'entrée des données et qu'elle n'avait pas été embauchée pour faire du lavage ou du repassage, pour passer l'aspirateur et pour garder des enfants en plus des autres tâches décrites dans la pièce 4, notamment celle « de monter une tente dans un terrain de camping. » La prestataire confirme, par l'entremise de plusieurs lettres à la Commission et tout au long de son témoignage, la description de son poste et les fonctions pour lesquelles elle avait été embauchée.
L'employeur a été interrogé à deux reprises au téléphone. Ces conversations se retrouvent dans les pièces 7 et 8. La pièce 7 est énigmatique et incomplète. Elle n'est pas très utile au processus de prise de décision du conseil ni du soussigné. L'employeur est un peu plus précis dans la pièce 8, mais il s'agit encore une fois de déterminer, selon la meilleure règle de preuve, le témoignage le plus pertinent. Cette fonction relève du conseil et je peux comprendre qu'il a éprouvé de la difficulté à arriver à sa décision.
Peu importe, il s'agit de toute la preuve présentée au conseil et au soussigné à l'égard de la question en litige. La question est de savoir si, en vertu des dispositions de la Loi, les conditions d'emploi ou les fonctions de la prestataire ont subi d'importantes modifications, forçant la prestataire, selon les exclusions stipulées dans la Loi à l'égard du motif valable, à quitter son emploi.
Les deux motifs suivants m'obligent à annuler la décision du conseil : l'interférence d'un membre du conseil qui a pris la responsabilité de défendre la décision de la Commission plutôt que de demeurer neutre. Je choisis de ne pas intervenir sur cette question, bien que je rappelle aux membres du conseil leur obligation de se comporter de façon presque juridique et neutre. Le rôle d'un membre du conseil ne consiste pas à contre-interroger les témoins. Lorsque quelqu'un essaie de le faire, le résultat est chaotique, il place la prestataire dans une situation difficile et. ne projette pas une bonne image de la justice.
Bien que dans les circonstances présentes, je ne souhaite pas intervenir sur ce motif, la situation a néanmoins perturbé la prestataire et affecté, avec raison, la qualité de ses réponses. Lorsqu'une personne interjette appel devant un tribunal, elle s'attend à un traitement impartial. Si les membres du tribunal se livrent à un plein contre-interrogatoire, la qualité des réponses peut être différente et expliquer la preuve quelque peu contradictoire dans la transcription, preuve qui doit être mise en contexte.
Je crois que le procureur aurait pu intervenir et demander au membre du conseil d'arrêter; il est regrettable qu'il n'en ait pas été ainsi. Dans les circonstances, je suis convaincu que la prestataire avait raison de quitter son emploi et j'annule la décision majoritaire du conseil.
Les conclusions de la majorité des membres du conseil sont présentées et reflètent une bonne appréciation de certains faits; le conseil n'a cependant pas pleinement évalué tous les faits ou appliqué correctement la Loi.
Les tâches que l'employeur a imposées à la prestataire, soit de monter une tente dans un parc provincial ou de revenir faire ce que je considère des tâches ménagères comme le repassage et d'autres fonctions connexes, n'ont jamais été expliquées à la prestataire lors de son embauche. La Commission n'est pas d'avis que la prestataire est admissible aux prestations parce qu'elle n'a formulé aucune plainte. Je pense au contraire qu'elle l'a fait. Le dossier est bien documenté à cet égard; lorsqu'elle s'est plainte à son employeur en juillet, ce dernier lui a répondu de façon assez brutale, la décourageant par le fait même de formuler toute autre plainte. Il est toujours difficile d'évaluer si une personne insiste assez pour faire connaître une situation inacceptable. Il s'agit cependant d'un test qui, bien qu'il soit objectif, doit être regardé avec une certaine subjectivité et dans le contexte des événements.
Si un prestataire est intimidé ou contraint à ne pas soulever un problème relié au travail ou s'il est placé dans une position sans solution, il devient difficile pour ce prestataire de poursuivre sa bataille. Je ne suis pas convaincu qu'il est possible de confirmer la décision majoritaire du conseil. Je préfère celle du membre minoritaire dissident (pièce 27-5), que je reproduis à l'intention du lecteur :
La prestataire a aussi déclaré qu'elle avait discuté avec son employeur d'un incident particulier (monter une tente le 1er juillet) et bien que ce dernier le lui ait demandé en blaguant, sa réponse fut « fais ce que l'on te dit de faire. »
À mon avis, ce genre de remarque a à tout le moins étouffé toute possibilité de trouver une solution à son problème de modification continue de la nature de ses fonctions. Et, en partie, cet événement a certes contribué à une culmination et augmenté le niveau de stress de la prestataire, comme l'indique la pièce 15. [traduction]
En conclusion, j'accueille cet appel et j'annule la décision du conseil. J'ordonne ainsi l'attribution de prestations à la prestataire pour les motifs susmentionnés. La prestataire a établi un motif valable et son appel est accueilli.
R.J. Marin
Juge-arbitre
Ottawa (Ontario)
Le 1er septembre 2000