TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE
- et -
d'une demande de prestations présentée par
DEBBIE E. WHITE
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par la prestataire
à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
Corner Brook (Terre-Neuve) le 24 mars 1999.
DÉCISION
LE JUGE-ARBITRE RICHE
La Commission a refusé la demande de prestations de Mme White en précisant qu'elle travaillait à son compte en exploitant un établissement touristique connu sous le nom de Spruce Pine Acres. La prestataire a mentionné au conseil qu'elle était protégée si elle se trouvait sans emploi pour une certaine période et que personne ne contestait le fait qu'elle était sans emploi, car son médecin l'avait informée qu'elle devrait, pour des raisons médicales, rechercher un autre emploi. Elle a ajouté que Spruce Pine Acres Country Inns n'avait jamais été son employeur et qu'elle ne prévoyait pas que l'auberge le deviendrait.
Le conseil, de façon majoritaire, a conclu que Debbie White travaillait à son compte en exploitant Spruce Pine Acres et que, par conséquent, elle n'était pas admissible au bénéfice des prestations. La majorité des membres du conseil étaient d'avis que la prestataire était loin de consacrer peu de temps à l'exploitation de Spruce Pine Acres. Elle y avait investi beaucoup et la poursuite de la réussite de l'entreprise est dans son intérêt, étant donné qu'elle est sans emploi. Par conséquent, le conseil a rejeté son appel.
Mark King, le membre dissident du conseil, a mentionné qu'il croyait que l'appel interjeté par la prestataire était semblable à celui de la décision du juge-arbitre dans l'affaire Endicott (CUB 26138). Dans les deux situations, le prestataire exploite une entreprise touristique tout en effectuant un autre travail à plein temps. Dans l'affaire Endicott, la période est de 17 ans comparativement à cinq ans pour la présente affaire. Dans la décision Endicott, le juge-arbitre a vertement critiqué le conseil arbitral pour ne pas avoir tenu compte de ce fait. Le conseil avait limité ses constatations à savoir si le prestataire travaillait effectivement au moment de la présentation de sa demande. M King a conclu que le conseil devrait suivre les directions de la décision Endicott et tenir compte du temps consacré à l'exploitation de l'entreprise tout en travaillant à plein temps ailleurs.
Dans la décision Endicott, le juge-arbitre a décidé que le fait de consacrer six heures par semaine à l'entreprise constituait peu de temps. Nous sommes en présence d'une prestataire qui consacre deux heures par semaine de son temps libre à l'entreprise et 15 autres heures par semaine à plein temps. Il serait raisonnable, compte tenu du genre d'exploitation et de la nature saisonnière de l'entreprise, d'établir une moyenne de huit heures par semaine, moyenne se rapprochant de la limite de six heures dans l'affaire Endicott. M King a mentionné que le fait de ne pas considérer le peu de temps consacré (CUB 10601 et CUB 13687) constituait, dans cet appel, une erreur de droit et que le conseil devrait reconnaître la position de la prestataire pour résoudre ce point.
M King a ajouté qu'il avait référé les membres du conseil à l'affaire Procureur général du Canada c. Abrahams, 1983, R.C.S. 2 pour résoudre les interprétations en faveur de la prestataire. Il a aussi mentionné que le fait de posséder une entreprise ne détermine pas un statut de travailleur autonome.
Je suis d'avis que je dois me rallier à la décision minoritaire dans cette affaire. Premièrement, la majorité des membres du conseil n'ont pas fourni de motifs complets pour rejeter l'appel. La décision du conseil semble strictement fondée sur le fait qu'elle était sans emploi, que les membres s'attendaient à ce qu'elle consacre plus de temps à l'entreprise et qu'ils ont été influencés par l'importance de son investissement dans l'entreprise.
Les paragraphes 30(2) et 30(3) du Règlement précisent :
« 30(2) Lorsque le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise selon le paragraphe (1) dans une mesure si limitée que cet emploi ou cette activité ne représenterait pas normalement son principal moyen de subsistance, il n'est pas considéré, à l'égard de cet emploi ou de cette activité, comme ayant effectué une semaine entière de travail.
30(3) Les circonstances qui permettent de déterminer si le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise dans la mesure décrite au paragraphe (2) sont les suivantes :
a) le temps qu'il y consacre;
b) la nature et le montant du capital et des autres ressources investis;
c) la réussite ou l'échec financier de l'emploi ou de l'entreprise;
d) le maintien de l'emploi ou de l'entreprise;
e) la nature de l'emploi ou de l'entreprise;
f) l'intention et la volonté du prestataire de chercher et d'accepter sans tarder un autre emploi. »
Il me semble très évident que cette dame a travaillé pendant deux ans, entre 1997 et 1999, et pendant une dizaine d'années avant 1995. Elle était alors sans emploi en raison d'un accident. En réponse aux questions, elle a déclaré qu'elle possédait et exploitait l'entreprise à part égale avec Kevin Spearns. La compagnie a été enregistrée en 1995. Elle a mentionné qu'elle y travaillait deux heures par semaine pour faire des appels téléphoniques, s'occuper du courrier et vérifier les lieux, les niveaux de chauffage et déneiger dans les moments tranquilles. En période plus achalandée, elle travaillait entre deux et trois heures par jour. Elle a précisé que l'entreprise ne faisait pas de profit. Elle avait espéré que l'entreprise en ferait, créant de ce fait du travail pour elle et son partenaire Kevin, mais ce ne fut pas le cas. Elle a déclaré qu'elle était disposée à accepter un autre travail. Durant les années précédant l'audience, elle a mentionné qu'elle avait travaillé à plein temps au B.S.G. Youth Assistance Centre tout en exploitant l'entreprise à plein temps à partir de son domicile. Elle travaillait le soir, les fins de semaine et les jours de congé. Un gérant a aussi été embauché pour l'aider à exploiter l'entreprise.
Selon les renseignements susmentionnés, je suis convaincu que le conseil a rendu une décision entachée d'une erreur de droit et non conforme à une conclusion raisonnable fondée sur la preuve. Je conclus qu'il est important de noter que l'entreprise ne constituait pas une réussite financière. Rien ne prouve que l'entreprise pouvait garder la prestataire sur le marché du travail ou lui assurer un moyen de subsistance. Je suis d'accord avec le membre dissident du conseil à l'effet qu'elle ne consacrait du temps à l'entreprise que dans ses heures libres. Il n'est pas inhabituel dans notre société de voir une personne combler un autre poste ou s'occuper d'une entreprise pendant ses heures libres. Compte tenu des circonstances, je conclus que le conseil a rendu une décision entachée d'une erreur de droit et qu'il a mal appliqué l'article 30 du Règlement.
L'appel est donc accueilli. La décision du conseil est annulée et l'appel de la prestataire est accueilli.
David G. Riche
David G. Riche
Juge-arbitre
St. John's (Terre-Neuve)
Le 26 juillet 2000