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    CUB 49681

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI,
    L.C. 1996, chap. 23 [E-5.6]

    - et -

    d'une demande présentée par Douglas G. Schaufele
    en vue de révoquer la décision unanime du conseil arbitral
    rendue à Victoria (Colombie-Britannique) le 24 juin 2000, affaire no 99-0331.

    DÉCISION

    LE JUGE-ARBITRE MULDOON

    Il s'agit d'un pseudo « appel » (ressemblant grandement à un examen judiciaire) en vertu des articles 18 (a) et 115 (2) (c) de la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, chap. 23, tel que modifié, interjeté par le prestataire en vue de révoquer la décision unanime du conseil arbitral rendue le 24 février 2000, de rejeter son appel au sujet de sa disponibilité à travailler.

    Faits

    Le prestataire, Douglas G. Schaufele, occupait un emploi d'adjoint administratif chez Darren Day Real Estate. Le 2 juillet 1999, on l'a mis à pied. On a approuvé sa demande d'assurance-emploi le 5 juillet 1999. Il a reçu des prestations jusqu'au 4 décembre 1999, date à laquelle il a recommencé à travailler. Avant d'être mis à pied, il s'était inscrit à un cours d'agent d'immeuble accrédité pour lequel il avait dû payer des frais. Une fois terminé, le cours devait lui permettre de travailler comme agent d'immeuble. Son employeur l'a encouragé dans ses démarches en espérant qu'il travaillerait pour son agence une fois son permis obtenu.

    En vue d'obtenir son certificat d'équivalence d'études secondaires, le prestataire s'est aussi inscrit à des cours d'anglais et de mathématiques devant commencer le 20 septembre 1999. Il avait jusqu'au 2 février 2000 pour terminer ses cours. Tous les cours qu'il suivait – anglais, mathématiques et immobilier – étaient des cours par correspondance, mis à part le cours d'anglais qui comportait une séance hebdomadaire facultative en vue d'aider les étudiants qui en avaient besoin d'aide. Par conséquent, le prestataire pouvait définir son propre horaire d'étude. Il convient de noter qu'aucun de ces cours n'est reconnu par la Commission.

    En plus de suivre ces cours, le prestataire a commencé à chercher du travail en entreprenant les mêmes démarches qu'il avait l'habitude de faire dès qu'il a été mis à pied. Il a communiqué avec ses amis, sa famille, ses anciens employeurs et collègues de travail ainsi qu'avec ses anciens collègues de classe et toute autre personne pouvant être en mesure de lui donner une piste d'emploi. Il soutient qu'il a obtenu tous ses emplois en procédant de cette façon, y compris celui qu'il occupe présentement.

    Pendant cette période, le prestataire devait aussi assumer ses responsabilités parentales. Étant donné qu'il est séparé de sa femme depuis plusieurs années, il a un arrangement avec son ex-épouse en vertu duquel il a la garde de ses enfants trois jours par semaine (en général, les fins de semaine) tandis que sa femme les a le reste du temps. Pendant les vacances estivales, M. Schaufele affirme que ses parents et son ancienne femme s'entendent sur un horaire qui fait en sorte que s'il travaille, ce sont ses parents qui gardent les enfants.

    À cause de tous ces facteurs, la Commission l'a exclu des prestations parce qu'il n'est pas disponible à travailler à plein temps et, en outre, parce qu'il a omis d'entreprendre une recherche d'emploi adéquate satisfaisant les normes prévues.

    Lors de l'audition d'appel devant le conseil arbitral, la Commission a soutenu que parce qu'il a indiqué sur ses cartes de déclaration qu'il ne fréquentait pas l'école, il doit être pénalisé pour avoir fait une fausse déclaration en plus d'être exclu des prestations. Toutefois, le conseil arbitral a déterminé que le prestataire avait mal compris les questions posées et l'a autorisé à interjeter appel à cet égard tout en rejetant l'appel au sujet de la question de la disponibilité. Par ailleurs, le conseil a trouvé « le prestataire crédible et a estimé sincères les déclarations qu'il a faites à l'audience. ».

    Arguments du prestataire

    En ce qui concerne la question de la disponibilité et le caractère adéquat de sa recherche d'emploi, le prestataire allègue qu'il a satisfait les normes prévues. Il interjette appel en vertu du paragraphe 115 (2) (c) de la Loi qui stipule que le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée.

    Tout au long de l'enquête et du processus d'appel, le prestataire a soutenu que même avant qu'il ne soit mis à pied, il a travaillait à plein temps et suivait ses cours d'agent d'immeuble. En raison de la flexibilité des heures d'étude, il allègue qu'il pouvait et travailler et étudier, et c'est d'ailleurs ce qu'il a fait. Ainsi, il soutient que le raisonnement selon lequel il ne pourrait pas être disponible à travailler tout en étudiant est sans fondement. En aucun temps durant sa période de chômage l'entente entre lui et son ex-épouse au sujet des enfants n'a été modifiée. S'il avait dû travailler, ses parents se seraient occupés des enfants comme ils l'ont toujours fait.

    Au sujet de la conformité de sa recherche d'emploi, le prestataire affirme qu'il a entrepris ses recherches avec l'intention de trouver du travail dans un domaine où il avait de l'expérience et qu'il a épuisé tous ses contacts. Par le passé, ses visites impromptues aux employeurs n'ont jamais rien donné, c'est pourquoi il n'a entrepris ce genre de démarche qu'à la demande de la Commission le 30 octobre 1999. Ce n'est qu'à ce moment que la Commission a déterminé qu'il avait prouvé sa disponibilité. Avant cela, il avait cherché plusieurs postes, il avait même envoyé six cv pendant la période de préavis précédant son licenciement, mais on ne l'a jamais convoqué en entrevue, il consultait aussi régulièrement les sections carrière des journaux, se rendait de façon sporadique chez Work Link, une agence de placement, consultait les offres d'emploi du gouvernement et se renseignait auprès de ses amis et de ses proches. Le prestataire affirme que même si sa démarche ne correspond pas à la recherche d'emploi classique attendu de la Commission, il fait remarquer que c'est sa méthode et non celle de la Commission qui lui a permis de trouver du travail. Le prestataire demande au juge-arbitre au moment de rendre sa décision de tenir compte du fait que sa situation n'a pas changé en ce qui concerne ses cours ou la garde de ses enfants après le 30 octobre 1999, même si ce n'est qu'à ce moment-là que la Commission a jugé sa demande de prestations valable.

    Le prestataire veut qu'on juge valable sa demande de prestations pour la période comprise entre le 1er juillet 1999 et le 1er novembre 1999, à l'exception des semaines comprises entre le 20 septembre 1999 et le 4 octobre 1999, alors qu'il réglait les détails de ses cours de recyclage, et la semaine du 16 octobre 1999 au 22 octobre 1999, alors qu'il assistait à une conférence d'agents d'immeuble à Toronto en compagnie de Darren Day.

    Arguments de la Commission

    La Commission a déterminé que la piètre recherche d'emploi du prestataire entre le 5 juillet 1999 et le 29 octobre 1999 n'était pas suffisante pour réfuter la forte présomption de non-disponibilité engendrée par ces cours et ses obligations parentales. On a soutenu, en ce qui a trait au paragraphe 115 (2) (c) de la Loi, que le fait que le conseil ait jugé que les cours et la garde de ses enfants n'influencent pas indûment sa disponibilité à travailler ne rend pas absurde ou arbitraire la conclusion de non-disponibilité du conseil. En se fondant sur cette conclusion, la Commission s'appuie sur la recherche d'emploi inadéquate du prestataire pour justifier son inadmissibilité fondée sur sa non-disponibilité.

    La Commission demande au juge-arbitre de rejeter l'appel et de maintenir la conclusion d'inadmissibilité fondée sur la non-disponibilité.

    Jurisprudence

    Dans Michel Faucher (A-56-96)., la Cour d'appel fédérale a indiqué que trois facteurs doivent être pris en considération pour déterminer si un prestataire satisfait les normes de disponibilité :

    « le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu'un emploi convenable serait offert, l'expression de ce désir par des efforts pour se trouver cet emploi convenable, et le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail, et que les trois éléments devaient être considérés pour arriver à la conclusion. »

    Ces facteurs sont : (1) le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu'un emploi convenable serait offert; (2) l'expression de ce désir par des efforts pour se trouver cet emploi convenable et (3) le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail. Néanmoins, si on accorde plus de poids à l'un de ces facteurs, l'appel doit être accueilli afin de permettre le réexamen sur un pied d'égalité.

    Par la suite, la Cour a déclaré dans Dennis McDonald (A-897-90) qu'on doit démontrer l'existence de tous les facteurs en vertu de la prépondérance des probabilités.

    Dans Godwin (CUB 13957), le juge-arbitre a indiqué :

    « la Loi dispose clairement que pour être admissible au bénéfice des prestations, un prestataire doit prouver qu'il est disponible pour travailler, ce qui exige une recherche d'emploi. Cette disposition s'applique toujours, même si la période de chômage est brève. Peu importe le peu de chances de succès qu'un prestataire puisse voir dans une recherche d'emploi, la Loi est conçue de telle façon que seuls ceux qui sont réellement en chômage et qui cherchent activement un emploi toucheront des prestations. »

    Malheureusement, même si la jurisprudence indique en quoi consiste un emploi convenable, elle ne définit pas ce qui est adéquat.

    Dans McDonald, on a demandé au prestataire d'intensifier sa recherche en communiquant avec trois à cinq employeurs par semaine et de tenir une liste des dates, noms et adresses des employeurs contactés. Toutefois, il s'agit d'un cas extrême et unique. Dans le CUB 21808E, le juge-arbitre ne fait qu'indiquer qu'un total de cinq contacts en l'espace de onze semaines ne constituait pas une activité de recherche d'emploi suffisante, mais il ne précise pas ce qui aurait été acceptable. Dans le CUB 12073, le juge-arbitre déclare « qu'il est inconcevable que trois recherches d'emploi sur une période de trois mois soient considérées comme une tentative raisonnable et courante d'obtenir un emploi ». [trad.]

    Une autre question connexe sur laquelle nous devons nous pencher est de savoir si la Commission a laissé croire au prestataire que sa recherche d'emploi était inadéquate avant de l'exclure des prestations. Le prestataire a commencé à recevoir des prestations le 7 juillet 1999, mais ce n'est que le 6 octobre 1999, lors d'une réunion suivant une enquête, qu'on l'a informé que sa recherche était inadéquate. Le CUB 12073 souligne que « il existe une jurisprudence qui indique qu'on devrait envoyer une lettre d'avertissement au prestataire avant de le rendre inadmissible au bénéfice des prestations en raison de ses recherches d'emploi inadéquates. » [trad.] Les CUB 4877, 5491 et 11546 portent tous sur des situations de fait précises où la Commission donne une définition plus large de ce qui est considéré comme « adéquat » relativement à ce qu'elle avait exigé initialement du prestataire. Dans une affaire similaire à celle qui nous occupe, le prestataire avait fait des démarches d'emploi approfondies, puis on lui a dit que ses recherches d'emploi étaient inadéquates en vertu de la définition de la Commission. Le juge-arbitre doit alors juger si le prestataire a été induit en erreur par la Commission au sujet de la nature des efforts requis.

    Dans le même ordre d'idées, le juge-arbitre a déclaré dans le CUB 16823 :

    « Le prestataire qui reçoit des prestations a droit à une période raisonnable pour chercher le travail qu'il préfère et a fait pendant un certain temps, comme, en l'espèce, vingt ans, avant d'être tenu d'étendre sa recherche d'emploi ou d'être jugé inadmissible.

    .. il est fait une entorse aux principes d'équité et de justice naturelle lorsque la Commission prononce rétroactivement l'inadmissibilité d'un prestataire au bénéfice des prestations au motif que sa recherche n'est pas assez étendue quand il lui a été donné de croire depuis le début qu'elle était suffisante. Dans ces circonstances, le prestataire doit être averti que sa recherche est jugée trop restreinte et que si elle n'est pas étendue, le versement de ses prestations risque d'être suspendu. »

    Finalement, dans le CUB 5842E, le juge-arbitre indique :

    « la disqualification n'a pas été imposée pour manque de recherches d'emploi, mais pour n'avoir pas établi qu'elle était disponible et elle a été disqualifiée à partir de sa demande de prestations. Je suis convaincu que si on l'avait questionnée, disons un ou deux mois après sa demande [..] elle aurait immédiatement produit la preuve de ces recherches d'emploi pour établir que nonobstant sa déclaration elle restait sur le marché du travail ... »

    Conclusion

    Étant donné que le conseil arbitral a jugé que les cours et les obligations parentales du prestataire n'ont pas nui à sa disponibilité, il semble que l'unique recours de la Commission soit de mettre en doute le caractère adéquat de sa recherche d'emploi. Et ce, malgré le fait qu'il ait reçu des prestations dans le passé, ait entrepris le même type de recherche, et qu'on ait jugé qu'il était admissible à recevoir des prestations. De plus, il a fait des recherches d'emploi avant l'entrée en vigueur de sa demande de prestations et les a poursuivies après le début du versement de ses prestations en vue d'examiner toutes les avenues possibles.

    En appliquant les trois facteurs énoncés par la Cour d'appel fédérale, on conclut que : 1) M. Schaufele a manifesté le désir de retourner sur le marché du travail en communiquant avec ses anciens employeurs, ses collègues de travail, ses collègues de classe, sa famille et ses amis, essentiellement, quiconque pouvant connaître un poste pour lequel il serait qualifié; 2) il a exprimé ce désir en entretenant son réseau de contact en plus de se rendre chez Work Link, de lire les annonces dans les journaux, de consulter les offres d'emploi du gouvernement et de communiquer avec des employeurs convenables et 3) les conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retour sur le marché du travail ont déjà été jugées comme n'étant pas un facteur par le conseil arbitral. Ainsi, selon ces critères, le prestataire était disponible. Néanmoins, à la lecture de la décision du conseil arbitral, c'est le premier facteur qui semble avoir motivé la décision du conseil arbitral plutôt que la combinaison des trois, tel que requis.

    En ce qui concerne le caractère adéquat de sa recherche d'emploi, ce n'est que le 6 octobre 1999, soit trois mois après avoir commencé à recevoir des prestations, que la Commission a jugé que ses démarches étaient insuffisantes. Il n'a pas reçu de lettre d'avertissement tel qu'exigé par la jurisprudence à l'effet que le versement de ses prestations risquait d'être suspendu et malgré ses tentatives de se conformer à la stratégie de recherche d'emploi de la Commission, le prestataire a été rétroactivement exclu du bénéfice des prestations d'assurance-emploi. Toutefois, la Commission n'a pas contesté sa demande de prestations entre le 1er novembre 1999 et le 4 décembre 1999, date à laquelle il a recommencé à travailler, même si sa façon d'obtenir du travail était conforme à sa stratégie habituelle de recherche d'emploi et non à celle requise par la Commission.

    En me fondant sur la conclusion du conseil arbitral selon laquelle le prestataire est crédible et sincère, le fait qu'il satisfait aux critères de disponibilité définis par la Cour d'appel et le fait qu'on ne l'a pas averti plus tôt, ou pas du tout, que le versement de ses prestations pouvait être suspendu, j'accueille son appel au sujet de la disponibilité et j'annule la décision du conseil arbitral à cet égard.

    F.C. Muldoon a signé l'original

    F.C. Muldoon

    Juge-arbitre

    Ottawa (Ontario)
    le 12 octobre 2000

    2011-01-16