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    CUB 49959

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    Robert White

    - et -

    d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le prestataire à
    l'encontre d'une décision unanime du conseil arbitral rendue à
    Sarnia (Ontario) le 7 octobre 1999.

    DÉCISION

    LE JUGE-ARBITRE GUY GOULARD

    Le prestataire interjette appel de la décision unanime du conseil arbitral (le «conseil ») de maintenir la décision de la Commission de l'exclure du bénéfice des prestations parce qu'il a quitté volontairement son emploi pour suivre un cours à plein temps et qu'il n'était pas disponible pour travailler.

    Le prestataire a travaillé pour le conseil scolaire du district catholique de St. Clair du 7 février 1990 au 12 mars 1999. Le 17 juin 1999, il a présenté une demande de prestations. Son relevé d'emploi indique qu'il a quitté son emploi en raison d'un manque de travail. Une période de prestations à été établie à compter du 13 juin 1999. Par après, le prestataire a indiqué qu'il avait commencé à suivre un cours à plein temps. La Commission a jugé qu'il n'était pas disponible pour travailler et l'a exclu du bénéfice des prestations pour une période indéfinie.

    Le prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission devant le conseil arbitral qui a unanimement rejeté son appel. Il fait maintenant appel de la décision du conseil devant le juge-arbitre.

    J'ai entendu le présent appel à Sarnia (Ontario) le 3 octobre 2000. Le prestataire était présent. La Commission était représentée par M. Derek Edwards.

    Le prestataire a quitté l'emploi qu'il occupait au conseil scolaire du district catholique de St. Clair parce qu'on l'avait informé qu'il y aurait des suppressions de poste et qu'il s'était trouvé un emploi à Vale au Colorado. Comme sa femme n'était pas autorisée à travailler aux États-Unis, il est revenu à Sarnia. On a alors établi sa demande de prestations.

    Le 5 juillet 1999, le prestataire a commencé un cours à plein temps afin de devenir ingénieur agréé de système Microsoft. Le 3 août 1999, à la demande de la Commission, il a rempli un questionnaire sur le cours de formation où il a indiqué qu'il ne pourrait pas changer son horaire de cours pour accepter du travail et que la politique de l'école ne l'autorisait pas à en accepter. Il a déclaré qu'il ne pourrait travailler que les fins de semaine et c'est ce qu'il faisait. Il a aussi indiqué qu'il avait l'intention de consacrer son temps à ses cours plutôt qu'à trouver du travail. À la question « Est-ce que les conditions rattachées à un prêt ou à une bourse étudiante vous autorisent à travailler? », il a répondu « non ».

    Le prestataire n'a pas été référé à ce cours par un conseiller en emploi même si d'autres étudiants du cours l'ont été.

    La Commission a déterminé que le prestataire n'avait pas réussi à prouver sa disponibilité à travailler et lui a imposé une inadmissibilité d'une durée indéterminée à partir du 5 juillet 1999.

    La décision du conseil se lit comme suit :

    CONCLUSIONS ET RAISONS DU CONSEIL

    1. La Commission a refusé de verser des prestations à Robert White parce qu'à son avis il s'est inscrit à un cours de son propre chef et il n'était pas disposé à déroger à son objectif.

    2. Le prestataire a expliqué comment il a pris l'initiative de s'inscrire à ses frais à un programme de formation. Il a indiqué que DRHC assumait les frais de certains autres étudiants inscrits et que ce qu'il faisait était similaire mais non financé par les fonds publics. Il a laissé entendre qu'il avait été pénalisé pour avoir été proactif.

    3. M. White a mentionné qu'en prenant les devants, il a évité au moins trois mois de délais, c'est-à-dire le temps qu'il aurait dû attendre avant d'obtenir l'autorisation de la Commission de s'inscrire à ce prestigieux programme.

    4. Il a aussi indiqué avoir postulé des emplois reliés à son domaine de compétence chez Laidlaw, au Point Edward Casino et chez Domino's Pizza, où il travaille actuellement à temps partiel.

    5. Le conseil arbitral a entendu la cause présentée par M. White et respecte sa logique. Il le félicite pour l'initiative dont il a fait preuve. Toutefois, le conseil est lié par les restrictions de la loi selon lesquelles tous les prestataires de l'assurance-emploi doivent prouver quotidiennement leur disponibilité et leur capacité à travailler.

    DÉCISION DU CONSEIL

    Le conseil arbitral rejette l'appel.

    Dans son exposé, le prestataire allègue qu'il n'a pas quitté son emploi pour suivre un cours, mais qu'en revenant des États-Unis, il a pensé à suivre un cours qui améliorerait ses chances de trouver un emploi permanent. Il savait que la Commission avait approuvé le cours qu'il avait choisi et lorsqu'il a rempli le questionnaire, il croyait que c'était pour faire approuver son cours. Il a indiqué qu'il a donné les réponses qui lui ont ultérieurement valu d'être exclu des prestations parce qu'il croyait qu'en répondant autre chose, ses chances que le programme soit approuvé seraient amenuisées. Par exemple, il croyait qu'en indiquant qu'il n'avait pas l'intention de se consacrer au cours et qu'il avait l'intention d'accepter du travail, il nuirait à ses progrès, et par le fait même, cela indiquerait qu'il ne prenait pas son cours au sérieux. Il a aussi déclaré qu'il cherchait n'importe quel type de travail et que s'il en avait trouvé un, il l'aurait accepté et poursuivi ses cours à temps partiel. Il a indiqué qu'il avait été proactif en commençant le programme de formation sans d'abord en avoir obtenu l'approbation afin de gagner du temps puisqu'il croyait finir par l'obtenir. Il a répété qu'il cherchait du travail pendant son cours et qu'il aurait été disponible s'il en avait trouvé. Il occupe maintenant un emploi permanent, à plein temps.

    Dans l'affaire Landry (A-719-91), le juge Hugessen de la Cour d'appel fédérale déclare :

    « S'il est vrai qu'il existe une présomption que celui qui suit un cours d'études à temps plein n'est généralement pas disponible au travail au sens de la Loi, il faut en même temps admettre qu'il s'agit là d'une présomption de faits qui n'est sûrement pas irréfragable. Elle peut être repoussée par une preuve de "circonstances exceptionnelles". » [trad.]

    Dans cette affaire le juge-arbitre écrit :

    « Une jurisprudence abondante et constante a depuis longtemps confirmé qu'un étudiant suivant des cours à temps plein n'est pas disponible au travail au sens de la Loi sur l'assurance-chômage. Ce principe souffre deux exceptions. La première exception vise un étudiant qui a été dirigé vers un cours par la Commission. Tel n'est pas le cas de ce prestataire. La deuxième exception peut favoriser un étudiant qui, au cours des années, a établi un historique à l'effet qu'il occupait un travail régulier pendant qu'il était aux études. Ce n'est pas le cas de ce prestataire. »

    La Cour d'appel n'était pas du même avis que le juge-arbitre et a renversé son opinion. Depuis, le milieu de travail a changé. Comme la Cour d'appel dans l'affaire Landry, je ne suis pas d'avis qu'il faille assortir de restrictions trop strictes la participation à un programme de formation à plein temps. Pour les travailleurs qui en ont assez des emplois à court terme et de la dépendance aux prestations d'assurance-emploi, un programme de formation peut s'avérer la meilleure solution. Je suis d'accord avec le principe énoncé dans l'affaire Floyd (A-168-93) selon lequel le système d'assurance-emploi n'est pas destiné à subventionner les prestataires qui quittent le marché du travail pour aller suivre des cours. Par contre, subventionner un programme de formation pour un travailleur doté d'aptitudes limitées qui est déjà au chômage et qui reçoit des prestations peut constituer un investissement puisque à long terme, on diminue la dépendance du travailleur à l'aide financière du gouvernement en cas de chômage.

    Dans l'affaire Lestander (CUB 18337), le juge-arbitre Muldoon a résumé la jurisprudence dégagée à ce jour de la façon suivante :

    « La règle générale c'est qu'un prestataire n'est pas disponible pour travailler lorsqu'il suit des cours à plein temps, tel qu'indiqué dans le CUB 11227 VALL et le CUB 13800 STAMP. L'assurance-emploi ne vise pas à financer un prestataire qui suit des cours peu importe que ses intentions soient louables et qu'il désire améliorer son sort. On y fait référence dans le CUB 14550 DAKIN. Malgré la règle générale, suivre un cours de formation ne garantit pas en soi l'exclusion du bénéfice des prestations en raison de la non-disponibilité puisqu'il n'existe aucune interdiction de cette nature. Le CUB 12381 CAREY et le CUB 14677 KAASGAARD en font d'ailleurs mention. Le prestataire peut réfuter la présomption selon laquelle suivre des cours l'empêche d'être disponible pour travailler et montrer qu'il est effectivement disponible, mais le fardeau de la preuve lui incombe. Les CUB 7841, 7910, 10512, 13800 et 13920 sont connus. Le critère de la disponibilité s'applique tel qu'indiqué dans le CUB 10415 MOORE. »

    La présomption à l'effet qu'un prestataire inscrit à un programme de formation à plein temps n'est pas disponible peut être réfutée s'il existe des circonstances exceptionnelles et si le prestataire est disponible pour travailler.

    Dans l'affaire qui nous occupe, il existe un certain nombre de circonstances exceptionnelles :

    En ce qui concerne la question de la disponibilité, le conseil a conclu qu'il n'était pas disponible pour travailler. Les membres du conseil ont indiqué comprendre sa logique et l'ont félicité pour l'initiative dont il a fait preuve. Ils ont néanmoins refusé l'appel, indiquant qu'ils étaient « liés par les restrictions de la loi selon lesquelles tous les prestataires de l'assurance-emploi doivent prouver quotidiennement leur disponibilité et leur capacité de travailler. » Le conseil n'indique pas pourquoi il ne croit pas le prestataire lorsqu'il affirme qu'il aurait accepté un emploi à plein temps s'il en avait trouvé un. Le conseil a peut-être accordé trop d'importance aux réponses fournies par le prestataire dans le questionnaire sur les cours de formation. Le prestataire a donné une explication crédible à ces réponses.

    Il aurait peut-être été plus prudent d'obtenir l'approbation de la Commission avant d'entreprendre le programme de formation. Il a expliqué qu'il avait été proactif parce qu'il ne voulait pas perdre plus de temps à chercher une solution à son incapacité de trouver un emploi stable qui lui permettrait de subvenir adéquatement aux besoins des personnes à sa charge.

    Par conséquent, je juge que le prestataire a démontré un certain nombre de circonstances exceptionnelles justifiant une exception à la règle de l'exclusion du bénéfice des prestations pendant qu'un prestataire suit un programme de formation à plein temps. Je suis également convaincu que le prestataire a fait la preuve de sa disponibilité à travailler.

    L'appel est accueilli.

    Guy Goulard

    Juge-arbitre

    Ottawa (Ontario)
    le 13 octobre 2000

    2011-01-16