EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
-et-
RELATIVEMENT à une demande de prestations par
ROBERTA BOUCHER
-et-
RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre
par la prestataire de la décision d'un conseil arbitral
rendue le 18 novembre 1999, à Moncton, Nouveau-Brunswick
DÉCISION
J. A. FORGET, juge-arbitre
En l'espèce la Commission n'a pas rencontré le délai de soixante jours pour soumettre le dossier d'appel ainsi que ses observations, tel que prévu à l'alinéa 85(3) du Règlement sur l'assurance-emploi et demande donc au juge-arbitre d'accorder un délai supplémentaire conformément au jugement de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt A-690-78. Ce délai est par les présentes accordé.
La prestataire en appelle de la décision unanime du conseil arbitral qui a maintenu la détermination de l'agent de la Commission à l'effet qu'elle avait volontairement quitté son emploi sans motif valable au sens des articles 29 et 30 de la Loi.
Mme Boucher a produit une demande de prestations le 13 septembre 1999. Elle avait travaillé à titre de Directrice des services financiers à la Banque nationale à Moncton du 16 novembre 1998 au 10 septembre 1999. Dans un formulaire relatif aux départs volontaires, elle a indiqué avoir quitté cet emploi pour des raisons de santé, conflit de personnalité et manque de formation; elle aurait tenter se trouver un autre emploi avant de quitter mais sans succès. Lors d'une conversation téléphonique avec un agent de la Commission, Mme Boucher a déclaré que son médecin voulait lui donner un congé de repos en raison de stress mais elle pensait qu'il était préférable de quitter son emploi plutôt que d'avoir un dossier médical indiquant qu'elle souffrait de stress. Elle fut référé à un psychologue mais indique que sa démission n'a pas été discutée.
Étant d'avis que le départ de la prestataire n'était pas la seule solution raisonnable dans son cas, la Commission a déterminé qu'elle avait quitté son emploi avec la Banque nationale le 10 septembre 1999 sans justification et a refusé le versement des prestations.
La prestataire a porté cette décision en appel devant un conseil arbitral et a soumis une lettre de son médecin attestant qu'elle avait évalué Mme Boucher le 29 juillet 1999 alors qu'elle souffrait de fatigue, d'irritabilité, d'inappétence et de troubles de sommeil; qu'elle l'avait revu le 7 septembre après qu'elle eut quitté son travail, qu'elle était suivie en psychologie et se sentait mieux. Après avoir entendu le témoignage de la prestataire et étudié la preuve documentaire au dossier, les membres du conseil ont conclu qu'elle avait volontairement quitté son emploi sans justification et ont rejeté l'appel.
Mme Boucher en appelle maintenant de cette décision au juge-arbitre. Dans sa lettre d'appel, elle explique qu'elle n'avait d'autre choix que de quitter son emploi en raison du conflit avec la nouvelle directrice adjointe puisque sa santé allait en se détériorant. Elle soumet que le conseil arbitral a mis trop d'emphase sur le problème de santé plutôt que sur le conflit de relation dont la cause ne lui était pas imputable. Elle soumet avoir tenté de régler la situation en discutant directement avec la directrice adjointe. Par la suite, elle approcha le directeur des ressources humaines qui a déclaré qu'il ferait un effort pour régler le conflit, sans succès. Elle a ensuite tenté se trouver un autre emploi, malheureusement sans succès. Après avoir dû se rendre à l'urgence à deux reprises, elle a décidé de s'occuper de sa santé; le conflit de relation au travail lui causait des problèmes de santé physiques et émotionnels. Elle a considéré l'option de se retirer du travail pour un certain temps mais soumet que cela n'aurait pas régler le conflit.
La Cour d'appel fédérale a traité de la question de justification au sens de l'article 29 de la Loi dans l'affaire Tanguay, A-1458-84. Un distinction fut faite entre les notions de "motif valable" et "justification". De plus, dans l'affaire Landry, A-1210-92, la cour d'appel fédérale a fait valoir qu'il ne suffit pas que le prestataire prouve qu'il a agi raisonnablement en quittant son emploi puisque le caractère raisonnable peut constituer un motif valable mais il ne constitue pas nécessairement une justification. Il faut démontrer qu'après avoir considéré toutes les circonstances, le prestataire n'avait d'autre solution raisonnable que de quitter son emploi.
Dans sa décision dans l'arrêt CUB 38804, la juge-arbitre a déterminé qu'un prestataire peut prouver qu'il était fondé à quitter son emploi pour des raisons médicales s'il répond aux trois conditions suivantes: a) il doit fournir des éléments de preuve d'ordre médical à l'appui de sa demande. Voir la décision CUB 11045. Ces éléments doivent indiquer que le prestataire n'était pas bien et qu'il a été obligé de quitter son emploi pour des raisons médicales. Voir la décision CUB 16126A; b) il doit démontrer qu'il a essayé de s'entendre avec son employeur pour résoudre ses problèmes de santé. Voir la décision CUB 23802; c) il doit prouver qu'il a essayé de trouver un autre emploi avant de partir. Voir les décisions CUB 18965 et 27787.
En l'espèce, la prestataire a démontré qu'elle avait été suivie par un médecin ainsi qu'un psychologue en raison de problèmes de santé causés par sa situation au travail. Elle a discuté de ses difficultés avec ses supérieurs. Puisque la situation ne changeait pas, elle a tenté se trouver un travail ailleurs avant de quitter mais sans succès.
Après avoir écouté la prestataire lors de l'audience, je suis satisfait qu'elle a fait tout ce qui était possible pour éviter un départ volontaire. L'article 29(c)(x) prévoit que des relations conflictuelles avec un supérieur constituent un motif pour lequel un prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi. Compte tenu de toutes les circonstances en l'espèce, le conseil arbitral a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée.
Un juge-arbitre se doit d'intervenir lorsqu'un prestataire a rencontré toutes les exigences de la Loi.
Pour ces motifs, la décision du conseil arbitral est cassée et l'appel est accueilli.
J.A. FORGET
JUGE-ARBITRE
OTTAWA, Ontario
Le 31 octobre 2000