CUB 50204
TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande de prestations présentée par
STEVEN TILLEY
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le prestataire à
l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
St. Johns (Terre-Neuve) le 24 août 2000.
DÉCISION
LE JUGE-ARBITRE RICHE
Le prestataire interjette cet appel à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à St. Johns (Terre-Neuve) le 24 août 2000. Le prestataire a quitté son emploi dans une station-service Irving en raison du fait qu'il devait travailler trop souvent de nuit.
Le conseil arbitral a reconnu la preuve de l'employeur indiquant que le prestataire avait travaillé trois semaines la nuit et une semaine le jour entre le 27 novembre 1999 et le 24 décembre 1999.
Le prestataire n'était pas d'accord avec la position de la Commission de lui refuser des prestations. Il a déclaré ce qui suit dans sa lettre du 2 juillet :
« J'ai, à maintes reprises, demandé de travailler de jour plutôt que de nuit. L'employeur me l'a continuellement promis, mais il n'en a pas tenu compte et il a plutôt acquiescé aux demandes d'employés ayant moins d'ancienneté que moi. Plusieurs employés, surtout des femmes, n'ont jamais été obligés de participer ou n'ont jamais reçu la formation nécessaire pour travailler de nuit. Je ne suis pas le seul à croire qu'il est difficile de composer avec la direction de Irving en raison d'un roulement continu de personnel à cette station-service. Je trouvais le quart de nuit difficile, en particulier parce que le secteur de Conception Bay South est victime de plusieurs vols et que je suis le seul employé sur place. » [traduction]
Le prestataire était représenté à l'audience par son père qui a déclaré :
« 1. Il a dû travailler de nuit pendant cinq semaines consécutives. La preuve au dossier montre que le prestataire a travaillé, en novembre et en décembre, deux semaines de nuit, une semaine de jour et une semaine de nuit (pièce 8). La pièce 8 comprend aussi une déclaration de l'employeur à l'effet que le calendrier de travail est préparé à la semaine et qu'il fait tout en son possible pour faire la rotation du personnel.
2. Le représentant du prestataire a déclaré que les quarts de nuit affectaient la santé du prestataire, car il ne pouvait pas dormir. Cependant, aucune preuve médicale ne fait partie du dossier.
3. Le représentant du prestataire a indiqué que son fils était inquiet au sujet des vols. Cependant, cette station-service particulière n'a jamais fait l'objet d'un vol et le représentant du prestataire n'a pas été capable de présenter de statistique sur le nombre de vols dans le secteur.
4. Le représentant du prestataire a indiqué que le prestataire avait recherché un autre travail avant de démissionner mais il n'a pas été capable de fournir de preuve à cet effet.
5. Le prestataire a indiqué la présence de discrimination sexuelle à la station-service Irving en raison du fait que les femmes n'étaient pas obligées de travailler de nuit. Étant donné qu'il s'agit d'une question de droits de la personne, le conseil arbitral n'a pas voulu émettre de commentaire sur ce point. » [traduction]
Le conseil a conclu que le prestataire n'avait pas agi comme une personne raisonnable en quittant son emploi même s'il n'aimait pas travailler de nuit. Le prestataire aurait dû chercher un autre travail avant de démissionner. Selon la preuve qui lui a été présentée, le conseil a rejeté l'appel.
J'ai tenu compte de cette décision et des renseignements au dossier. Il me semble que le conseil arbitral n'a pas pleinement considéré deux points soulevés par le prestataire et particulièrement énumérés dans l'article 29 de la Loi, notamment la question de danger dans le lieu de travail et l'autre, plus importante, d'allégation de discrimination sexuelle.
J'admets d'office qu'il n'est pas rare, dans la région métropolitaine de St. John's, que les stations-service et les dépanneurs ouverts toute la nuit soient victimes de vol à main armée. Le fait que cette station-service particulière n'ait pas été victime d'un vol ne veut pas dire qu'il n'y a pas de danger dans ces commerces ouverts toute la nuit.
Deuxièmement, et ce qui est encore plus important, la présente affaire présente une allégation de discrimination sexuelle. Le conseil arbitral ne peut simplement pas traiter de cette allégation en déclarant qu'il s'agit d'une question de droits de la personne et qu'il ne devrait pas commenter sur le point. En présence d'une allégation de discrimination sexuelle, il incombe au conseil de l'étudier pour déterminer s'il s'agit ou non de discrimination sexuelle en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
La discrimination fondée sur le sexe constituerait certainement un motif valable de discrimination au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Je suis d'avis que le conseil aurait dû traiter de cette question. Le prestataire avait présenté au conseil la preuve de la présence de discrimination sexuelle en déclarant que les employés de sexe féminin ne travaillaient pas les quarts de nuit mais que lui devait le faire. Le dossier ne comprend aucune preuve suggérant que l'employeur a réfuté cette allégation. La seule déclaration est celle des propriétaires qui tentaient de trouver d'autres personnes disposées à travailler aussi la nuit.
Selon la preuve au dossier et l'allégation du prestataire, il semble que ce dernier a peut-être été victime de discrimination sexuelle.
Par conséquent, je suis convaincu que le prestataire avait un motif valable de quitter son emploi. J'accueille l'appel et je suis convaincu que le conseil arbitral a commis une erreur de droit en ne traitant pas de la question de discrimination sexuelle.
L'appel est accueilli et la décision du conseil arbitral ainsi que la détermination de la Commission sont annulées, étant donné que je conclus à un motif valable dans cette affaire.
David G. Riche
Juge-arbitre
St. Johns (Terre-Neuve)
Le 10 décembre 2000