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    CUB 51453

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    GILBERT SCOTT

    - et -

    d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le prestataire à
    l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
    Timmins (Ontario) le 18 septembre 2000.

    DÉCISION

    LE JUGE GOULARD

    Le prestataire interjette appel à l'encontre de la décision unanime [sic] du conseil arbitral (le « conseil ») confirmant le refus de la Commission d'antidater sa demande de réclamation parce qu'il n'avait pas démontré de motif valable pour justifier le retard du dépôt de sa demande.

    Le prestataire a travaillé chez Fort Albany First Nation Band du 10 mai 1999 au 16 décembre 1999. Le 5 avril 2000, il a présenté une demande de prestations en exigeant que sa demande soit antidatée à la date de sa cessation d'emploi. La Commission a refusé d'antidater la demande parce que le prestataire n'avait pas démontré de motif valable pour justifier le retard de 15 semaines dans le dépôt de sa demande.

    Le prestataire a interjeté appel devant le conseil arbitral à l'encontre de la décision de la Commission; le conseil a rejeté son appel dans une décision majoritaire. Il appelle maintenant de la décision du conseil devant le juge-arbitre.

    J'ai entendu cet appel à Timmins (Ontario) le 18 mai 2001. Le prestataire était présent à l'audience. La Commission était représentée par Mme Janice Rodgers.

    Les dates suivantes sont importantes pour l'analyse et la résolution de la question pertinente au présent appel, soit de savoir si le prestataire avait démontré un motif valable pour justifier le retard dans le dépôt de sa demande de prestations :

    Dans sa décision, le conseil a étudié la preuve du prestataire en ces termes :

    « .. Ce prestataire déclare qu'il demeure dans une collectivité éloignée et isolée. Il n'y a pas de Centre d'emploi du Canada à cet endroit et, par conséquent, il n'y a pas de conseiller en matière d'emploi. Il n'était pas au courant de ses droits ni de ses obligations. Il n'existe pas d'accès facile à un conseiller. Le fait qu'il ait tenté de reprendre son ancien emploi constitue l'autre raison du retard dans le dépôt de sa demande de prestations. Il s'agissait d'un bon emploi et le taux de chômage de la collectivité est de 90 p. 100. Par conséquent, il croyait qu'il devait tenter de reprendre son emploi. Il admet qu'il a seulement écrit les cinq lettres se trouvant dans le dossier d'appel et qu'il n'a eu qu'une seule rencontre avec le conseil de bande. » [TRADUCTION]

    Le conseil poursuit avec les conclusions de fait suivantes :

    « La majorité des membres du conseil conclut, comme fait, que les tentatives du prestataire visant à reprendre son emploi consistent en cinq lettres écrites entre le 4 janvier 2000 et le 18 janvier 2000 (pièces 7 à 11) et en une rencontre avec les membres du comité de la Première nation Fort Albany. La majorité des membres du conseil conclut que ces événements ne demandent pas assez de temps pour empêcher le prestataire, sur une période de 15 semaines, de communiquer avec le bureau d'assurance-emploi. Si le prestataire avait communiqué avec le bureau lorsqu'il a reçu le relevé d'emploi émis le 25 janvier 2000, il aurait été en mesure de présenter sa demande à temps. Il a plutôt attendu 10 autres semaines, jusqu'au 5 avril 2000, pour présenter sa demande. Il n'existe aucune preuve indiquant qu'il a écrit d'autres lettres durant cette période, étant donné que la dernière lettre remonte au 18 janvier 2000 (pièce 11), ni qu'il a tenté de communiquer avec les membres du comité – les deux motifs invoqués pour justifier le retard. » [TRADUCTION]

    Le conseil conclut comme suit :

    « La majorité des membres du conseil conclut que le retard du prestataire dans le dépôt de sa demande de prestations a été causé par son ignorance de la Loi et par sa propre négligence, ce qui ne constitue pas un motif valable en vertu du paragraphe 10(4) de la Loi. Le conseil se fonde sur la jurisprudence établie dans le CUB 10026, dans lequel la juge-arbitre a confirmé que si l'ignorance est le motif de l'omission du prestataire de présenter une demande opportune, il aurait dû être capable de démontrer qu'il a agi comme une personne responsable aurait fait dans une situation semblable en s'assurant de connaître ses droits et ses obligations. Dans la présente affaire, le prestataire a négligé de prouver qu'il a agi comme une personne responsable l'aurait fait, c'est-à-dire de communiquer avec le bureau d'assurance-emploi pour connaître ses droits et ses obligations. » [TRADUCTION]

    Le membre dissident du conseil a écrit ce qui suit :

    « La Commission n'a pas informé le prestataire de ses droits ni de ses obligations. L'objectif principal du prestataire était de reprendre son emploi. Il déclare que le taux de chômage dans sa collectivité éloignée est de 90 p. 100 et que sa principale préoccupation était de s'efforcer de reprendre son ancien emploi. Il n'est pas intéressé à se rendre au bureau d'assurance-emploi, mais il est obligé d'y aller.

    Son employeur ne répondait pas à ses questions. À différentes occasions, il a écrit des lettres; comme il ne recevait aucune réponse, il s'est tourné vers l'assurance-emploi en espérant toujours reprendre son emploi. L'employeur a refusé sa demande de réembauche.

    Cette demande d'antidatation devrait être accueillie. »

    [TRADUCTION]

    Le CUB 10026 ne veut pas dire pas exactement ce que la majorité des membres disent ce qu'il signifie. La décision précise qu'on doit différencier un retard fondé sur des circonstances dans lesquelles le principe d'ignorance de la Loi est applicable des circonstances dans lesquelles le retard est causé par une fausse interprétation d'une tierce partie, soit le prestataire. Dans sa décision, madame la juge Reed a écrit ce qui suit :

    « Aux termes du paragraphe 20 (4) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.R.C. 1970-71-72, c. 48, modifié et de l'article 39 du Règlement, le prestataire doit prouver qu'il avait un motif valable de retard. En déterminant si le prestataire a satisfait à cette exigence, il ne faut pas s'attendre du prestataire qu'il se soit mieux conduit que toute personne censée [..]

    Une description de motif valable a été donnée par la Cour d'appel le 9 octobre 1984, motifs du juge Hugessen dans la cause Gauthier (A-1789-83, CUB 8718). I1 est expliqué que la notion de motif valable pourrait comprendre : .. les circonstances dans lesquelles il est raisonnable pour un prestataire de retarder la présentation d'une demande. Les cours ne devraient pas imposer des obstacles artificiels aux restrictions louables de la part d'un prestataire qui retarde raisonnablement la présentation d'une demande de prestations. »

    La juge Reed accueille l'appel du prestataire.

    La principale raison invoquée par le prestataire pour justifier son retard n'était pas le manque d'accès à l'information du fait qu'il demeurait dans une région éloignée, mais plutôt sa véritable croyance qu'il avait injustement été congédié et ses efforts pour reprendre son poste. Tel qu'il l'a mentionné, en tenant compte du taux de chômage très élevé dans sa région, ses efforts pour reprendre son emploi étaient extrêmement importants. Même s'il n'a qu'écrit cinq lettres, le prestataire a évidemment consacré beaucoup de temps et d'attention à les rédiger. Ces lettres n'ont presque pas été reconnues même.

    En déterminant si un prestataire a agi comme une personne raisonnable en retardant le dépôt de sa demande de prestations, il faut tenir compte de toutes les circonstances entourant sa situation. Dans la présente affaire, il faut considérer la nature éloignée de la résidence du prestataire, sa croyance qu'il avait été congédié injustement, sa détermination à concentrer ses efforts pour reprendre son emploi, le taux de chômage élevé et les efforts sérieux qu'il a déployés pour résoudre les problèmes avec son employeur.

    Je conclus que la majorité des membres du conseil n'ont pas accordé le poids nécessaire à ces facteurs et qu'ils ont erré en se fiant sur le CUB 10026.

    Je conclus donc que la majorité des membres du conseil ont commis une erreur d'interprétation des faits et d'application du droit.

    Dans la présente affaire, je suis convaincu qu'il existe assez de preuves pour conclure que le prestataire a agi comme une personne raisonnable en se concentrant d'abord sur des efforts visant à reprendre son emploi et qu'il a démontré un motif valable pour justifier un retard de 10 semaines dans le dépôt de sa demande de prestations, à la suite de l'émission du relevé d'emploi.

    Par conséquent, l'appel du prestataire à l'égard de l'antidatation est accueilli.

    G. Goulard

    Juge-arbitre

    Ottawa (Ontario)
    Le 30 mai 2001

    2011-01-16