TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande de prestations présentée par
SEAN PARSONS
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le prestataire
à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
Corner Brook (Terre-Neuve) le 24 janvier 2001.
DÉCISION
LE JUGE-ARBITRE DAVID G. RICHE
La question en litige consiste à savoir si le prestataire a volontairement quitté son emploi sans motif valable en vertu des articles 29 et 30 de la Loi.
Le prestataire a travaillé en Ontario de mars 1995 à décembre 2000. Il a quitté son emploi pour retourner à Terre-Neuve afin de s'occuper de sa fille âgée de 17 ans. Celle-ci avait déménagé en Ontario pour vivre avec sa mère et y avait fréquenté l'école. C'était en août 1999. Par contre, elle avait éprouvé des difficultés à s'adapter à sa nouvelle vie en Ontario et voulait retourner à Corner Brook pour y faire sa dernière année scolaire. Ses grands-parents avaient accepté de l'héberger jusqu'au mois de décembre 2000. Cependant, le fait pour les grands-parents de prendre soin de leur petite-fille s'est avéré plus exigeant qu'ils ne l'avaient d'abord cru. La mère de l'adolescente ne pouvait retourner à Terre-Neuve, et le prestataire a alors décidé qu'il lui incombait d'agir de la sorte pour s'occuper de leur fille. Le prestataire a soutenu devant le conseil arbitral que le travail de son père lui permettait d'avoir une assurance raisonnable d'un autre emploi en avril ou mai 2001. Mais en raison de l'âge de ses parents, il ne pouvait attendre jusque là.
Le prestataire est d'avis qu'il avait un motif valable pour quitter son emploi parce qu'il se devait d'accompagner son enfant à charge vers un autre lieu de résidence et avait une assurance raisonnable d'un autre emploi dans un avenir immédiat.
La Commission affirme qu'il faut faire la différence entre la volonté de s'occuper de quelqu'un et les circonstances qui font en sorte qu'il faut quitter son emploi pour s'occuper de quelqu'un.
Le conseil arbitral a rejeté l'appel en invoquant une affaire semblable, où la fille de la prestataire voulait retourner à Terre-Neuve pour y fréquenter l'école. Dans cette affaire, la prestataire avait quitté son emploi pour accompagner sa fille. Le conseil arbitral avait soutenu la décision de la Commission selon laquelle la prestataire n'avait pas prouvé qu'elle avait un motif valable pour quitter son emploi. La prestataire avait interjeté appel de la décision du conseil arbitral devant un juge-arbitre. Il s'agit du CUB 43551, et le juge-arbitre avait déclaré ce qui suit :
La présente affaire mérite sympathie, mais les raisons invoquées par la prestataire pour quitter son emploi en Ontario, même si elles représentent des raisons personnelles très valides, ne permettent pas d'appliquer l'article 29 de la Loi et, par le fait même, l'alinéa 29c)ii), qui traite de la nécessité d'accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence [...]. La fille de la prestataire n'était pas obligée de retourner à l'école à Terre-Neuve même si, comme je l'ai mentionné, on peut très bien comprendre son ardent désir de le faire ainsi que le bien-fondé de sa décision. [TRADUCTION]
À l'audience, M. Parsons a répété en principe ce qu'il avait expliqué au conseil arbitral. Chaque affaire doit être examinée en elle-même. Le conseil arbitral était convaincu qu'il devait adopter la décision rendue dans le CUB 43551, mais je conclus que la présente affaire est différente et que l'appel doit être accueilli en raison des éléments qui distinguent les deux affaires l'une de l'autre.
Dans la présente affaire, le prestataire a soutenu qu'il était préoccupé du fait que sa fille ne retournerait pas en Ontario à sa demande, qu'elle prévoyait vivre avec des amis et ainsi de suite. Il s'inquiétait du bien-être de sa fille. Sa déclaration selon laquelle il avait de bonnes chances de trouver un emploi était fondée, car il s'est justement déniché un emploi à Terre-Neuve le 26 mai. Cette déclaration est conforme à celle présentée devant le conseil arbitral selon laquelle il avait une assurance raisonnable d'un autre emploi à Terre-Neuve.
Le procureur de la Commission a allégué que cette preuve n'avait pas été présentée devant le conseil arbitral, mais les faits démontrent que la référence du prestataire à l'égard de cette assurance s'est avérée juste.
En me fondant sur les faits présentés devant le conseil arbitral, je conviens que le prestataire avait une assurance raisonnable d'un autre emploi. L'alinéa 29c)(vi) mentionne bien « assurance raisonnable d'un autre emploi dans un avenir immédiat », mais le terme « avenir immédiat » ne désigne pas nécessairement le lendemain. Il peut représenter un délai d'un mois ou deux. De plus, la situation vécue par le prestataire par rapport à sa fille, alors âgée de 17 ans et en mesure de refuser de retourner en Ontario, constitue certes un point en litige qui me convainc que le prestataire avait l'obligation de prendre soin de sa fille, en vertu de l'article 29b) de la Loi.
Pour ces raisons, même si le prestataire ne s'est trouvé un emploi qu'environ cinq mois après son retour à Terre-Neuve, je conviens que son assurance raisonnable d'un autre emploi et la situation qu'il vivait avec sa fille constituaient des motifs valables pour qu'il quitte son emploi en vertu de l'article 29 de la Loi. Pour ces raisons, l'appel est accueilli, et la décision rendue par le conseil arbitral et la Commission est annulée.
David G. Riche
Juge-arbitre
St. John's (Terre-Neuve)
Le 15 juillet 2001