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    CUB 52024

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    CHARLOTTE SAYEAU

    - et -

    d'un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par la prestataire à
    l'encontre de la décision d'un conseil arbitral rendue à
    Cornwall (Ontario) le 15 novembre 2000.

    DÉCISION

    LE JUGE-ARBITRE RICHE

    La Commission a informé la prestataire que le versement de ses prestations d'assurance-emploi ne commencerait que le 12 septembre, en raison du fait qu'entre le 16 juillet 2000 et le 12 septembre 2000, la prestataire n'a pas démontré qu'elle possédait un motif valable pour présenter une demande de prestations en retard. En outre, la Commission ne pouvait lui verser des prestations régulières à compter du 11 septembre 2000 parce qu'elle avait quitté son emploi le 16 juillet sans justification. En dernier lieu, la Commission a indiqué à la prestataire qu'elle ne pouvait lui verser des prestations en date du 11 septembre en raison de son indisponibilité au travail conséquente à ses responsabilités familiales.

    Le conseil arbitral a conclu que la prestataire avait quitté son emploi en raison du fait que sa mère devait recevoir des traitements contre le cancer et, par conséquent, qu'elle avait besoin d'aide sur la ferme et d'une personne-soignante auprès d'elle. Les traitements devaient se poursuivre jusqu'au mois de janvier 2001.

    Sur la question de la disponibilité à travailler, le conseil a renvoyé au CUB 25257 :

    Tout en reconnaissant que le geste de la prestataire était admirable en préférant s'occuper de son enfant plutôt que de continuer à travailler, il est évident que la prestataire n'était pas disponible pour le marché du travail car il lui était physiquement impossible de faire les deux [].

    En ce qui concerne la troisième question en litige, il convient de renvoyer à l'arrêt A-644-93 et au CUB 23164 :

    « [] la bonne foi et l'ignorance de la loi n'excusent pas à elles seules le défaut de se conformer à une prescription législative. »

    En s'appuyant sur les dispositions prévues au sous-alinéa 29c)(v) de la Loi sur l'assurance-emploi, le conseil a conclu que la prestataire était justifiée de quitter son emploi, puisqu'elle devait prendre soin d'un membre de sa famille immédiate. En vertu de l'alinéa 18a) de la Loi sur l'assurance-emploi, la prestataire n'était pas disponible au travail en date du 11 septembre 2000. En vertu de l'article 10 de cette même Loi, la prestataire ne disposait pas d'un motif valable pour présenter une demande de prestations d'assurance-emploi en retard.

    Par conséquent, le conseil avait conclu que la prestataire avait un motif valable pour quitter son emploi et avait accueilli cette portion de son appel. En ce qui concerne la disponibilité au travail et la justification pour présenter une demande de prestations en retard, le conseil arbitral avait confirmé la décision de la Commission et rejeté l'appel de la prestataire.

    La prestataire a interjeté appel auprès d'un juge-arbitre à l'encontre de la décision rendue par le conseil.

    En premier lieu, je vais aborder la question de l'antidatation. Le paragraphe 10(4) prévoit ce qui suit :

    Lorsque le prestataire présente une demande initiale de prestations après le premier jour où il remplissait les conditions requises pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si le prestataire démontre qu'à cette date antérieure il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations et qu'il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

    Au moment de déterminer ce qui doit être considéré comme un « motif valable » pour présenter une demande en retard, il y a lieu de trancher sur la question touchant le mélange de fait et de droit. La définition de motif valable est une question de droit; si les faits dans une cause particulière répondent à la définition, c'est une question de fait. Un juge-arbitre ne doit donc pas annuler une décision du conseil uniquement parce que son opinion sur le retard de présentation de la demande de prestations diffère de celui du consei1. Un juge-arbitre peut cependant conclure que le conseil n'a pas bien appliqué le critère de « motif valable ». Le fardeau de la preuve pour démontrer un motif valable repose sur les épaules du prestataire. Un conseil arbitral pourrait commettre une erreur de droit en supposant qu'un prestataire ne possède pas de motif raisonnable, contrairement au motif valable, lequel est exigé en vertu de la Loi. Cependant, un conseil arbitral commettrait réellement une erreur de droit en acquiesçant à l'antidatation sans conclure que le prestataire possédait un motif valable de présenter sa demande en retard.

    À la lecture de la décision du conseil, je n'ai pas été en mesure de trouver les motifs sur lesquels il a fondé sa conclusion de fait voulant que l'appelante ne possédait pas de motif valable de présenter une demande de prestations en retard. La seule déclaration à cet égard est la suivante : « en vertu de l'article 10 de la Loi sur l'assurance-emploi, la prestataire ne possédait pas de motif valable pour présenter une demande de prestations en retard. » [TRADUCTION]

    La prestataire, aux pièces 17 et 17-7, soutient ce qui suit : « La raison pour laquelle je présente ma demande de prestations en retard est tout aussi humaine que celle sous-jacente à la nécessité de déménager. J'avais de nombreux problèmes à résoudre. Le simple fait d'accepter que ma mère soit atteinte du cancer et gravement malade devrait suffire comme principale raison. Cependant, il ne s'agissait pas de l'unique raison. À partir du moment où j'ai réalisé que je devais déménager, j'ai fait des pieds et des mains pour tenter de me trouver un emploi dans les environs du lieu de résidence de ma mère. J'ai obtenu de l'aide pour la préparation et la distribution de mes exemplaires de curriculum vitae, les rappels de contrôle et le perfectionnement des habiletés qui, semble-t-il, me faisaient défaut en raison du fait que j'étais réputée apte au travail (p. ex., utilisation d'un ordinateur et connaissances informatiques, saisie de données au clavier et compétences de base en entrevue). J'étais également aux prises avec un autre problème, soit celui des préparatifs de déménagement de mes enfants, sans compter toutes les tâches, en apparence routinières, liées au transfert de la vie d'une personne d'une région de la province à une autre. Et pendant tout ce temps, je devais également effectuer une recherche d'emploi. Je suis désolée pour la présentation en retard de ma demande de prestations. Je cherchais simplement à rester sur le marché du travail, et non à bénéficier des prestations d'assurance-emploi. » [TRADUCTION]

    Je suis convaincu que le conseil arbitral et la Commission auraient dû accorder le bénéfice du doute à la prestataire en ce qui concerne sa demande en retard. Il apparaît logique et censé de tenir compte du fait qu'une personne dans sa position aurait d'innombrables tâches à accomplir entre les mois de juillet et de septembre, un court délai de moins de deux mois. Je conclus que la décision de la Commission et du conseil arbitral ne reflète pas les faits portés à leur connaissance en l'espèce. Il s'agissait d'une rude épreuve et d'une période difficile dans la vie de la prestataire. Elle s'est trouvée dans l'obligation de déménager d'une région de la province à une autre, de s'occuper du déménagement de ses enfants et de prendre soin de sa mère, tout en essayant de se trouver un nouvel emploi. Il est incontestable que la prestataire possédait un motif valable pour justifier la présentation en retard de sa demande de prestations.

    Pour les motifs précités, je suis convaincu que le conseil arbitral a commis une erreur, étant donné qu'il ne s'est pas appliqué aux faits en l'espèce. Il n'a pas non plus donné les motifs sur lesquels il a appuyé sa conclusion voulant que l'antidatation de la demande soit rejetée.

    Pour ces raisons, je suis convaincu que la prestataire, en l'espèce, a démontré qu'elle possédait un motif valable pour omettre de présenter sa demande de prestations sur-le-champ.

    Par conséquent, j'accueille l'appel de la prestataire en ce qui concerne l'antidatation de sa demande.

    Le conseil a conclu que la prestataire avait un motif valable pour quitter son emploi dans le but de prendre soin de sa mère, conformément aux dispositions du sous-alinéa 29c)(v) de la Loi. Cette question n'est pas en litige en l'espèce, mais je désire tout de même souligner que j'approuve cette décision.

    En ce qui concerne la question portant sur la disponibilité au travail, je suis convaincu que les éléments de preuve fournis par la prestataire, c'est-à-dire les exemplaires de son curriculum vitae, sa recherche matérielle d'emploi et le perfectionnement de ses habiletés visant à améliorer son aptitude au travail, sont autant de facteurs compatibles avec la disponibilité au travail. En outre, la prestataire donnait un coup de main à sa mère en travaillant sur la ferme environ une heure chaque matin, probablement aux petites heures du matin, et une heure en soirée, ce qui ne nuisait en rien à sa disponibilité à travailler durant les heures habituelles de travail. À la pièce 13-3, en réponse à la question no 9, la prestataire affirme ce qui suit : « En ce qui concerne la disponibilité au travail, j'ai pris bien soin de vous mettre au courant du fait que, de temps à autre, je dois consacrer environ une heure chaque matin et une heure chaque soir pour m'occuper des corvées domestiques. Une telle situation n'est certes par déraisonnable, et on ne peut manifestement conclure que je suis indisponible à travailler. » [TRADUCTION]

    Selon toute évidence, il semble que la Commission et le conseil arbitral ont tous deux omis de tenir compte de la preuve soumise par la prestataire en l'espèce. Pour conclure à l'indisponibilité au travail de la prestataire, le conseil et la Commission auraient eu besoin de preuves démontrant que, de manière déraisonnable, la prestataire était occupée durant la majeure partie des heures habituelles de travail. Il apparaît cependant clair que tel n'était pas le cas. Je suis convaincu que les éléments de preuve portés à notre connaissance viennent appuyer la conclusion voulant que la prestataire était, en réalité, disponible au travail.

    Je suis donc convaincu que le conseil a commis une erreur en concluant à l'indisponibilité à travailler de la prestataire, même en ne possédant aucune preuve pour appuyer une telle conclusion. La prestataire s'est trouvée au chômage uniquement en raison du fait qu'elle devait déménager près du lieu de résidence de sa mère afin de mieux en prendre soin. À supposer que la ferme de sa mère se soit trouvée à proximité de la résidence de la prestataire, je suis convaincu qu'elle aurait à la fois été en mesure de conserver son emploi et d'aider sa mère.

    Compte dûment tenu des circonstances, je suis convaincu que le conseil arbitral a commis une erreur en fait et en droit, et pour ces motifs, j'accueille l'appel de la prestataire relativement à sa disponibilité au travail.

    DAVID G. RICHE

    JUGE-ARBITRE

    St. John's (Terre-Neuve)
    Le 16 août 2001

    2011-01-16