CUB 52179
TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande de prestations présentée par
HEATHER GAREL
- et -
d'un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par la prestataire à
l'encontre de la décision d'un conseil arbitral rendue à
Richmond Hill (Ontario) le 26 octobre 2000.
DÉCISION
Appel entendu à Toronto (Ontario) le 21 juin 2001
LE JUGE-ARBITRE W.J. GRANT
Le présent appel a été interjeté par la prestataire à l'encontre de la décision unanime d'un conseil arbitral rendue à Richmond Hill (Ontario) le 26 octobre 2000 de rejeter son appel de la décision de l'agent de l'Assurance stipulant qu'elle a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.
La prestataire interjette appel en vertu de l'article 115.2b) et c) de la Loi sur l'assurance-emploi.
La prestataire travaillait dans une pharmacie. Elle a comparu devant le conseil en compagnie de son avocat. Aucun représentant de l'employeur n'a comparu devant le conseil ni devant le juge-arbitre.
La prestataire a travaillé environ quatre ans dans cette pharmacie.
À la pièce 5, l'employeur déclare ce qui suit :
« Sur une période de 18 mois, elle était constamment en retard ou prolongeait son temps de pause ou de dîner, comme en témoigne sa carte de présence. Elle a reçu plusieurs avertissements avec preuves à l'appui et signés, dont l'avertissement officiel « verbal » et trois avertissements « écrits » comportant sa signature. » [TRADUCTION]
J'aimerais prendre quelques instants pour examiner certaines des pièces.
Les pièces 9-5, 9-6 et 9-7 sont des lettres décrivant l'éthique du travail de la prestataire. À la pièce 9-6, l'auteur de la lettre indique :
« Je crois qu'on l'a renvoyée parce qu'elle est une femme, qu'elle est âgée de 50 ans et qu'elle est surpayée. Je suis en mesure de confirmer qu'elle fait partie d'un groupe d'au moins dix femmes dans la même situation. Elles ont toutes été remplacées par des hommes ou des étudiants travaillant au salaire minimum. » [TRADUCTION]
Dans la pharmacie, il y avait également un comptoir postal dont s'occupait la prestataire. La prestataire a environ 57 ans et son salaire devait probablement être assez élevé.
Dans sa décision, le conseil a accordé beaucoup d'importance à la pièce 14-2, relative aux documents.
La pièce 11-1 est adressée à quelqu'un d'autre, n'est pas datée ni signée. La pièce 11-2 est un rapport de transmission d'une télécopie. La pièce 11-3 est la lettre de licenciement, et il semble que la prestataire gagnait 11,15 $ l'heure. Cette pièce cite les avertissements : avertissement verbal le 11 novembre 1999; avertissement écrit le 16 décembre 1999; et avertissement écrit le 30 mars 2000.
La pièce 11-4 est l'avertissement écrit cité à la pièce 11-3. La pièce 11-4, datée du 30 mars 2000, intitulée « Demande d'amélioration du rendement » n'est pas un avertissement, il s'agit d'un document de l'employeur. Si l'employeur avait voulu que cela en soit un, il aurait pu facilement le faire en l'appelant « Avertissement ». Le document fait référence à l'avertissement verbal et aux avertissements écrits précédents, soit ceux du 15 novembre 1999, du 16 décembre 1999 et du 10 janvier 2000, et indique qu'elle devait améliorer son rendement et qu'un contrôle était prévu le 30 mai 2000.
La pièce 11-5, datée du 16 décembre 1999, n'est adressée à personne, n'est pas signée et mentionne qu'il n'y aurait qu'un seul autre avertissement écrit avant que des mesures disciplinaires soient prises. La pièce 11-6 consiste en des imprimés des feuilles de présence; il n'y aucune explication sur ces feuilles et le nom de la personne à laquelle elles se rapportent est effacé. Il en va de même de la pièce 11-7.
Les pièces 11-8 et 11-9 ont trait aux cartes de présence de la prestataire. La pièce 11-7 concerne huit jours et cinq jours; la pièce 11-8, onze jours; et la pièce 11-9, neuf jours et huit jours. Les deux cartes de huit jours, soit celle ne portant pas de nom et celle de Heather, la prestataire, indiquent chacune un total de 63.00, quel que soit ce que cela veut dire. Quoi qu'il en soit, ces explications sont difficiles à comprendre.
Dans aucun des prétendus avertissements on ne fait mention des mesures disciplinaires qui seront prises ni qu'un congédiement peut s'ensuivre. Aucun des prétendus avertissements de la pièce 11 n'est un avertissement. On semble accorder beaucoup d'importance à la pièce 11-5. Elle parle également de la responsabilité de l'employeur.
En réponse aux documents de la pièce 11 et aux autres documents, la prestataire souligne qu'elle n'a jamais été en retard après ce qu'elle décrit comme l'avertissement verbal du 16 décembre 1999. Elle a été congédiée le 19 juin 2000. Je ne vois aucun lien entre l'avertissement verbal du 16 décembre 1999 et son renvoi le 19 juin 2000.
Je crois et je conclus que le retard de deux minutes de la prestataire le jour de son congédiement parce que sa montre avait cessé de fonctionner du fait qu'elle était mouillée justifie difficilement son renvoi. Le renvoi est la mesure disciplinaire ultime d'un employeur.
L'employeur n'a pas comparu devant le conseil, même s'il a eu la possibilité de le faire. Il aurait pu clarifier les problèmes que je constate dans les divers avis contenus à la pièce 11. Si on avait présenté la pièce 11-5 à Heather, la prestataire, il ne fait aucun doute que le document porterait sa signature. Il ne lui est même pas adressé, bien qu'au bas de la page il y ait un espace pour sa signature ainsi qu'un espace pour les signatures du gérant du bureau postal et du directeur du FLS.
La pièce 5 fait référence à plusieurs avertissements avec preuves à l'appui, témoins et signatures. Aucun de ceux-ci n'a été porté à la connaissance du conseil. L'employeur a eu la possibilité de les présenter au conseil, mais il ne l'a pas fait. De plus, la Commission a eu la possibilité de les demander, ce qui m'aurait semblé logique, mais apparemment cette demande, si elle a été faite, n'a pas été acceptée.
La pièce 6 révèle que l'employeur avait l'intention de télécopier des copies des avertissements écrits à la Commission. Cependant, il ne l'a jamais fait. La seule chose qui se rapproche d'un avertissement, c'est la demande à la pièce 11-4. Rien n'indique que le renvoi était une option.
Les pièces 9-3 et 9-4 expliquent à la Commission le point de vue de la prestataire. Il semble que le conseil ne les ait pas prises en compte.
Le conseil cite le CUB 38781 qui concerne l'inconduite. Cependant, chaque affaire doit être jugée d'après ses propres circonstances. La prestataire a déclaré n'avoir jamais été en retard après l'avertissement du 30 mars 2000 et jusqu'au jour de son licenciement le 19 juin 2000. Tout rapport de cause à effet entre l'imponctualité, à laquelle on fait référence dans la demande du 30 mars 2000, et le congédiement ne tenait plus depuis longtemps le 19 juin 2000, surtout si, comme le soutient la prestataire, elle n'a pas été en retard entre ces dates.
Le conseil ne fait aucun commentaire au sujet de la crédibilité de la prestataire. L'employeur n'a pas comparu devant le conseil ni devant le juge-arbitre. Dans chaque cas, l'employeur a eu la possibilité de comparaître et a été informé des dates et heures des audiences.
Le conseil n'a tiré aucune conclusion défavorable à la prestataire en ce qui concerne sa crédibilité. En conséquence, il n'y aucun raison justifiant le fait que le conseil n'ait pas cru que la prestataire s'est soumise à la demande du 30 mars 2000 de ne plus arriver en retard. La prestataire a comparu devant moi alors que j'exerçais mes fonctions de juge-arbitre et je crois ce qu'elle a dit. Il y a des cas où l'imponctualité continue peut constituer un motif de renvoi. En général, si les mesures disciplinaires comprennent le congédiement, on l'indique dans l'avertissement. Il me semble toutefois qu'arriver deux minutes en retard en ayant une bonne raison ne justifie pas le renvoi.
Je vais aussi commenter l'importance qu'on a accordée à la preuve. La seule personne qui s'est présentée devant le conseil, c'est la prestataire en compagnie de son avocat. Aucune conclusion défavorable concernant la crédibilité de la prestataire n'a été tirée. Les preuves de l'employeur ont été rapportées par téléphone et ses commentaires n'ont pas été cités textuellement, ou du moins il n'y avait aucune indication à cet effet, comme des guillemets pour isoler les déclarations. Je crois et je conclus que le conseil s'est trompé en accordant apparemment plus d'importance aux déclarations rapportées qu'à la preuve de la prestataire qui a comparu devant le conseil. Il est très facile de faire des déclarations qui seront utilisées devant un conseil, surtout par téléphone, quand on sait qu'on n'a pas à se présenter à l'audience pour défendre ce qu'on avance.
Je conclus que le conseil a commis une erreur de droit en attachant plus d'importance aux déclarations faites par téléphone et aux documents, en particulier à ceux qui composent la pièce 11, lesquels en soi n'équivalent pas à des avertissements, qu'à la preuve de la prestataire. En outre, je crois que le lien de causalité entre les agissements et le congédiement se distend avec le temps, comme c'est le cas ici. Enfin, je ne crois pas qu'arriver deux minutes en retard justifie le congédiement.
Je conclus que le conseil a commis une erreur de droit. J'accueille l'appel.
W.J. Grant
Juge-arbitre
Personnes présentes :
La prestataire s'est représentée elle-même.
La Commission était représentée par M. Derek Edwards.
Halifax (Nouvelle-Écosse)
Le 10 juillet 2001