TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande de prestations présentée par
SHERRY GALLANT
- et -
d'un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par la prestataire
à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral rendue à
Happy Valley (Terre-Neuve) le 21 août 2000.
DÉCISION
LE JUGE-ARBITRE DAVID G. RICHE
Il s'agit d'un appel interjeté par la prestataire à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral consignée aux pièces 15-1 et 15-2 du dossier. Cet appel a été entendu à Happy Valley le 27 avril 2000.
Mme Gallant a présenté une demande de prestations le 30 janvier 2000. Elle avait quitté volontairement son emploi le jour précédent, soit le 29 janvier. La prestataire travaillait à temps partiel pour Vantage Enterprises à raison de 27,5 heures par semaine et touchait un salaire horaire de 6,50 $. La Commission a déterminé que la prestataire n'avait pas prouvé avoir de motif valable de départ, car elle n'avait pas épuisé toutes les possibilités qui s'offraient à elle afin de trouver quelqu'un pour prendre soin de son enfant.
La prestataire dit avoir pris cette décision parce qu'elle ne pouvait pas se permettre d'engager une gardienne compte tenu de son maigre salaire.
Le conseil est parvenu à la conclusion que même si la prestataire avait de bonnes raisons de démissionner, elle n'avait pas pour autant invoqué un motif valable de départ. Il a constaté que la prestataire avait quitté l'emploi qu'elle occupait et pour lequel elle touchait un salaire horaire de 6,50 $ parce qu'elle ne pouvait pas se permettre de recourir aux services d'une gardienne, mais qu'elle avait entre-temps posé sa candidature à un autre poste et manifesté le désir de travailler au même taux horaire. Le conseil est d'avis qu'une solution raisonnable aurait été que la prestataire garde son emploi jusqu'à ce qu'un autre, mieux payé, se libère. Pour ces motifs, l'appel a été rejeté.
Dans une décision minoritaire du conseil, on a expliqué que la prestataire avait quitté son emploi parce que sa mère, qui était souffrante, ne pouvait plus prendre soin de son enfant. La prestataire touchait une rémunération horaire de 6,50 $ et, compte tenu des coûts liés au transport entre son lieu de travail et son domicile, ainsi que de la hausse des frais de gardiennage dans les quartiers industrialisés où elle demeure, elle ne pouvait s'offrir les services d'une gardienne au même tarif que celui que peuvent débourser les travailleurs de l'industrie. Elle aurait en fait grugé tous les revenus découlant de son emploi, ou presque. C'est pourquoi un des membres du conseil s'est montré en désaccord avec la majorité.
J'ai examiné attentivement les preuves portées à la connaissance des membres du conseil et les faits qui m'ont été présentés au nom de la prestataire. Je suis convaincu que la prestataire a invoqué un motif valable de départ aux termes de l'article 29(c)(v), qui mentionne la « nécessité de prendre soin d'un enfant ».
Il ressort clairement des éléments que renferme la pièce 6-1 que la prestataire a travaillé pour le compte de son employeur pendant huit ans et demi, et qu'elle n'a pendant cette période reçu qu'une augmentation de 50 cents l'heure. Nous avons donc là une personne qui était disposée à travailler tant qu'il était avantageux pour elle de le faire. Au cours des six dernières années, sa mère avait pris soin de son enfant. Mais sa mère devait subir une intervention chirurgicale et son père prenait sa retraite. Pour ces raisons, ils ne pouvaient continuer à s'occuper de l'enfant. Il est naturel de comprendre que ces dispositions prises avec les grands-parents relativement à l'enfant ne durent habituellement que peu de temps. Dans ce cas précis, elles ont duré beaucoup plus longtemps que ce à quoi on se serait attendu.
Lorsque la prestataire bénéficiait du soutien de ses parents, qui prenaient soin de son enfant, il valait la peine, économiquement parlant, pour elle de travailler. Une fois ce soutien perdu, il aurait fallu qu'elle paie de 5 $ à 5,50 $ l'heure pour une gardienne, ce dans quoi elle aurait en fait englouti tout son salaire.
La Loi nécessite que la prestataire démontre qu'elle n'avait d'autre solution raisonnable que de quitter son emploi. Lorsqu'on examine les faits, quelle autre solution s'offrait à elle? Elle ne pouvait pas continuer à travailler et recourir aux services d'une gardienne, car elle se serait retrouvée avec un salaire équivalant à presque rien. Je suis donc d'avis que le conseil a omis d'examiner convenablement les faits entourant cette affaire et que la seule solution raisonnable offerte à la prestataire était de démissionner et de chercher un autre emploi à un salaire plus élevé afin qu'il lui soit possible, d'un point de vue économique, de continuer à travailler. J'en conclus que le conseil arbitral a omis d'observer un principe de justice naturelle et qu'il n'a pas fondé sa décision sur les faits réels qui lui ont été soumis. Il a rendu son ordonnance sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
Pour ces raisons, j'accueille l'appel de la prestataire en ce qui a trait à la question du départ volontaire.
D.G. Riche
Juge-arbitre
St. John's (Terre-Neuve)
Le 15 août 2001