CUB 53401
TRADUCTION
Appel entendu à Toronto (Ontario) le 17 janvier 2002.
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande de prestations présentée par
ILYAS MUHAMMAD
- et -
d'un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par le prestataire à
l'encontre de la décision d'un conseil arbitral rendue à
Richmond Hill (Ontario) le 23 mai 2001.
DÉCISION
LE JUGE-ARBITRE GRANT
Le présent appel a été interjeté par le prestataire à l'encontre de la décision unanime d'un conseil arbitral rendue à Richmond Hill (Ontario) le 23 mai 2001 qui rejetait l'appel du prestataire à l'encontre de la décision de l'agent de l'Assurance visant à déterminer s'il avait volontairement quitté son emploi sans motif valable.
Le prestataire a interjeté appel en vertu de l'article 115.2c) de la Loi sur l'assurance-emploi.
Le prestataire était camionneur. Il affirme que, quand on lui a promis une augmentation, après trois mois, son salaire devait passer à 14 $ l'heure, mais qu'il était passé à seulement 13 $ l'heure. Il déclare qu'on lui a alors promis une augmentation dans trois mois, mais qu'on ne lui a jamais donné cette augmentation.
Le prestataire déclare qu'on lui avait également promis un nouveau camion. Il dit que le camion qu'il utilisait avait un siège de piètre qualité qu'il trouvait inconfortable; le plafond fuyait, de sorte que de l'eau coulait sur lui et sur les gens qui embarquaient dans la cabine; l'avertisseur sonore ne fonctionnait pas; le système de chauffage ne parvenait pas à réchauffer le véhicule adéquatement parce que la porte du chauffeur laissait entrer de l'air froid et parfois même de l'eau; les phares de route avaient été réparés à plusieurs reprises, mais ne restaient allumés que d'un seul côté et ne fonctionnaient pas comme feux de route, ni comme feux de croisement; on l'appelait de nuit, parfois à 2 h du matin, sans lui payer d'heures supplémentaires; il n'était payé que quand il pointait à la rentrée et à la sortie.
Le conseil a longuement abordé l'argument relatif au salaire.
Le conseil a également abordé dans une certaine mesure la question du camion. Le conseil a noté que le camion avait passé des inspections de sécurité. Cependant, cela ne correspond pas à ce que le prestataire a déclaré au juge-arbitre, à savoir qu'ils énuméraient ou cochaient, à chaque station, les anomalies que l'employeur s'occuperait éventuellement de réparer pour que le véhicule puisse rester sur la route. Pendant ce temps, jusqu'à ce que l'employeur ait réparé le véhicule, le prestataire devait conduire dans ces conditions. J'estime que cela aurait constitué un danger pour le conducteur et une infraction à l'article 29c)(iv) de la Loi. L'employeur a refusé de lui payer ses heures supplémentaires, ce qui contrevient au paragraphe (vii) de l'article 29c) de la Loi. Les pratiques de l'employeur, qui consistent à permettre que le véhicule présente ces anomalies jusqu'à ce qu'elles fassent l'objet d'une vérification et qu'il faille les réparer, serait contraire au paragraphe (xi) de l'article 29c) de la Loi. Je pense que cela reviendrait également à exposer le prestataire à un risque extrême.
Le prestataire déclare que plusieurs des voyages qu'il faisait en Ontario étaient de Toronto à St. Catherines [sic] ou Niagara Falls. Tous ces trajets se font sur une autoroute très fréquentée, ce qui peut être dangereux même pour un véhicule en excellent état qui ne serait pas un danger en lui-même. Il n'y a aucune marge d'erreur sur l'autoroute 401, qui est, je présume, celle qu'il utilisait fréquemment. Il n'y en a pas non plus sur n'importe quelle autre autoroute fréquentée.
Cela s'ajoute au fait que le prestataire conduisait un camion, qui n'est pas le véhicule le plus facile à contrôler, particulièrement lorsqu'il y a du vent ou de la neige. La distance de freinage est plus longue, le rayon de braquage, plus élevé et la manœuvrabilité, moins grande.
En outre, le prestataire affirme que son siège lui causait des douleurs. La portière n'était pas bien fixée, la pluie et le vent s'y engouffraient et le toit fuyait, ce qui laissait entrer la pluie et probablement la neige dans la cabine.
Le prestataire s'était vu promettre un nouveau camion, mais cette promesse ne s'est jamais concrétisée.
De quelles options disposait le prestataire? Il pouvait chercher un autre travail, mais il lui aurait probablement fallu une recommandation de son propre employeur, qui n'aurait peut-être pas été favorable ni accordée de gaieté de cœur. Ses options étaient limitées.
Je note que le conseil n'a émis aucune conclusion de fait et a semblé privilégier le témoignage de l'employeur à celui du prestataire. Cependant, l'employeur n'a pas fourni de preuves; il s'est contenté de répondre à certaines questions et de remplir certains documents. À la pièce 10-2, à la première ligne du deuxième paragraphe, il est stipulé que le camion a réussi à passer les inspections de sécurité. Cela va à l'encontre des déclarations du prestataire au juge-arbitre.
Je conclus que le conseil n'a pas abordé adéquatement les paragraphes de l'article 29 de la Loi. Certains des éléments que j'ai énoncés étaient pertinents dans cette affaire.
Je conclus que le conseil avait l'obligation d'évaluer et de commenter les paragraphes pertinents de l'article 29 de la Loi. Compte tenu qu'il a omis de le faire, je déclare qu'il a commis une erreur de droit.
Plutôt que de renvoyer cette affaire devant un nouveau conseil, je suis prêt à substituer ma propre opinion à celle du conseil. J'estime que l'employeur a enfreint les paragraphes (iv), (viii) et (xi) de l'article 29c) de la Loi.
Le prestataire déclare que son emploi était près de sa maison, qu'il n'avait pas à se soucier de se rendre au travail en voiture et d'en revenir; il était disponible pour travailler à la demande, mais trouvait qu'on devrait, dans ce cas, lui payer des heures supplémentaires. Selon moi, cela constitue une infraction au paragraphe (viii) de l'article 29c) de la Loi.
J'accueille l'appel.
W.J. Grant
Juge-arbitre
PERSONNES PRÉSENTES :
Le prestataire s'est présenté en son propre nom.
Pour la Commission :
Sharon McGovern
Halifax (Nouvelle-Écosse)
Le 31 janvier 2002