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  • CUB 54186

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    et

    d'une demande de prestations présentée par
    CATHY ASARO

    et

    d'un appel interjeté par la prestataire
    à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
    Oshawa (Ontario) le 29 mai 2001.

    DÉCISION

    Le juge David G. Riche

    La question en litige consiste à déterminer si la prestataire a quitté son emploi sans justification aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi. Le conseil a constaté que la prestataire a cité plusieurs motifs d'insatisfaction liés au climat de travail depuis l'acquisition de l'entreprise par de nouveaux propriétaires, notamment une augmentation de salaire qu'elle n'a pas obtenue, une évaluation négative de son rendement au travail, la transformation sans préavis de son bureau en salle du personnel (pièce 7).

    L'employeur a déclaré qu'il a fait l'acquisition de la Toronto School of Business en juillet 2000. Il a gardé trois instructeurs pour être en mesure de poursuivre les activités d'enseignement. La prestataire a demandé une augmentation de salaire et s'est fait répondre qu'il n'y aurait aucune augmentation de salaire pendant l'année qui suivrait l'acquisition. La prestataire a démissionné.

    La Commission a écrit à la prestataire le 18 avril 2001, pour l'informer qu'elle était exclue du bénéfice des prestations régulières en date du 19 mars 2001. La prestataire croyait qu'elle était fondée à quitter son emploi à cause de l'évaluation négative de son rendement au travail, et elle estime qu'aux termes de l'alinéa 29(c)(xiii), elle a été l'objet de pressions indues exercées par l'employeur. Quand il a questionné la prestataire, le conseil lui a demandé si l'évaluation était le seul motif de sa démission. La prestataire a expliqué que l'évaluation de rendement a été la goutte qui a fait déborder le vase.

    Le conseil a rejeté l'appel de la prestataire. Le conseil a conclu qu'il était établi en droit que l'insatisfaction au travail n'était pas un motif valable pour quitter volontairement son emploi, à moins que les conditions de travail ne soient si intolérables que le départ soit la seule solution possible. En l'instance, le conseil a conclu que les conditions de travail décrites par la prestataire n'étaient pas intolérables au point que la prestataire ne puisse pas rester au travail pendant qu'elle cherchait un autre emploi qui lui conviendrait mieux. Il n'a pas été question de problèmes liés à la santé et à la sécurité au travail, ni de modifications aux conditions de travail, aux fonctions ou à la rémunération de la prestataire. Se fondant sur la preuve qui lui a été présentée, le conseil a conclu qu'au sens de la Loi sur l'assurance-emploi, la prestataire a quitté volontairement son emploi sans justification.

    J'ai étudié la demande de la prestataire et les arguments qu'elle a présentés, ainsi que ceux de la Commission. Je conclus que la pièce 7 donne une idée assez complète des problèmes professionnels antérieurs de la prestataire. La prestataire travaillait à la School of Business depuis environ trois ans quand les nouveaux propriétaires en ont fait l'acquisition. La prestataire m'a fait savoir que l'argent n'était pas en cause dans cette affaire. Dans son esprit, il s'agissait plutôt d'une question de santé. On lui avait promis de tenir une rencontre au cours de laquelle on discuterait de sa situation, mais la rencontre en question n'a jamais eu lieu. La prestataire estimait que le nouveau propriétaire trouvait à redire sur tout ce qu'elle faisait. Elle sentait qu'on la poussait à démissionner. On l'a ensuite avisée que son temps d'enseignement serait réduit à trois heures par jour. Plus tard, on a suggéré qu'en plus, elle pourrait s'acquitter de certaines tâches administratives. Cette dernière mesure visait à augmenter son nombre d'heures de travail, de façon qu'elle n'ait pas à demander des prestations d'assurance-emploi. Éventuellement, les employeurs ont confié ce travail à quelqu'un d'autre.

    Aussi, à son retour du congé de Noël, la prestataire a constaté avec surprise et étonnement qu'on avait transformé son bureau en un salon du personnel, qu'on avait placé ses affaires dans des caisses et qu'on les avait déposées dans une pièce que la prestataire devait partager avec une autre personne. Cela s'est fait sans préavis, et la prestataire a dû récupérer ses effets personnels un peu partout dans le bureau. La prestataire en a été fort perturbée, car ses effets personnels comprenaient les notes de cours dont elle avait besoin à son retour à l'école.

    Puis en mars 2001, la directrice du campus a annoncé à la prestataire qu'elle voulait lui confier une classe à partir du 2 avril, étant donné qu'elle faisait un bon travail pour l'école. La prestataire a accepté de donner le cours et a demandé en même temps si elle aurait droit à une hausse de salaire. La directrice a convenu d'une augmentation et a dit que les documents seraient préparés et que l'augmentation serait rétroactive. Suite à cette entente, la prestataire était satisfaite de la situation. Le lendemain, toutefois, on l'a appelée pour lui dire qu'on avait convoqué une réunion au cours de laquelle on discuterait de la situation. Au cours de la réunion, on a dit à la prestataire qu'on trouvait que celle-ci avait un langage corporel négatif et qu'elle n'aurait pas d'augmentation de salaire.

    Dans la pièce 8, l'employeur a fait savoir qu'il avait acquis la Toronto School of Business en juillet 2000. Il a dit que la prestataire n'avait fait l'objet d'aucune évaluation par le passé et qu'il a demandé à la directrice du campus d'évaluer la prestataire. L'évaluation contenait certains énoncés négatifs. Dans la pièce 13.3, on dit que la prestataire a été manifestement perturbée par les parties négatives de son évaluation et qu'elle a insisté sur les points qui, de l'avis de l'employeur, devraient être améliorés. Plus tard, la directrice du campus a discuté de cette question avec le directeur et ils ont remanié le texte de l'évaluation, mais la prestataire n'est pas venue prendre l'évaluation révisée.

    À partir des renseignements communiqués par la prestataire et des renseignements au dossier, je note que rien ne donne à penser que la prestataire ait jamais été avisée de la révision de son évaluation. La prestataire a été très franche quand elle m'a dit que cela n'avait pas eu lieu, parce qu'elle n'a jamais été avisée de la révision de l'évaluation et qu'on ne lui a pas demandé de venir prendre le nouveau document. Si les choses se sont passées ainsi, cela s'est fait après sa démission. Quoi qu'il en soit, on ne lui a jamais demandé de réexaminer sa décision de démissionner et on ne l'a pas non plus avisée de la révision de l'évaluation.

    Suite à ces événements, la prestataire a dû consulter un médecin et prendre deux mois de congé. Elle a aussi précisé que cette évaluation était la première et la seule évaluation qui a été faite à son sujet au cours de ses trois ans de travail à l'école, ou même n'importe où ailleurs. Elle a dit que cette évaluation attaquait sa crédibilité et son professionnalisme. Même le directeur de l'école lui a dit que l'évaluation était dure.

    J'ai tenu compte de la preuve présentée au conseil et des dispositions de l'article 29 de la Loi sur l'assurance-emploi. Après l'examen de la preuve présentée au conseil, il me semble que le nombre d'incidents documentés constitue une preuve suffisante des pressions qui ont été exercées sur la prestataire. Les changements dans les conditions de travail de la prestataire, l'évaluation qui a occasionné un grand stress chez elle et les autres éléments, quand ils sont mis bout à bout, sont suffisants pour qu'on puisse conclure qu'il y a eu " incitation indue par l'employeur à l'égard du prestataire à quitter son emploi ", comme le prévoit l'alinéa 29(c) xiii) de la Loi. J'en suis venu à cette conclusion parce que, s'ils n'avaient pas voulu que la prestataire démissionne, ils l'auraient sûrement appelée après avoir remanié l'évaluation, pour lui dire qu'ils avaient modifié l'évaluation et pour lui demander de revenir au travail. Or, aucune démarche n'a été faite en ce sens. J'en conclus qu'ils étaient contents de ne plus l'avoir comme employée.

    Bien qu'il s'agisse d'une question difficile à trancher, je suis d'avis que le conseil aurait dû accorder le bénéfice du doute à la prestataire. À mon avis, les motifs d'appel de la prestataire sont fondés en vertu de l'article 115 de la Loi, car le conseil arbitral a rendu une décision entachée d'une erreur de droit à partir des faits portés à sa connaissance. À mon avis, la conclusion de fait a été abusive puisque le conseil n'a pas tenu compte des faits comme il devait le faire afin de rendre une décision raisonnable.

    Pour ces motifs, l'appel est accueilli et la décision du conseil arbitral et de la Commission est annulée.

    ________________________

    Juge-arbitre

    Le 2 avril 2002
    St. John's (Terre-Neuve)

    2011-01-16