TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
et
d'une demande de prestations présentée par
Wayne RICHARDSON
et
d'un appel interjeté par le prestataire à l'encontre d'une décision
du conseil arbitral rendue à Barrie (Ontario) le 1er mars 2001
D É C I S I O N
Le juge-arbitre GUY GOULARD
Le prestataire en appelle de la décision unanime du conseil arbitral (le « conseil »), qui a confirmé la décision de la Commission de refuser d'antidater la demande de prestations du prestataire parce qu'il n'a pas démontré qu'il avait un motif valable pour expliquer son retard.
Le prestataire a travaillé pour Loblaws du 15 juin 1980 au 2 septembre 2000. Le 20 décembre 2000, il a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi et demandé que celle-ci soit antidatée au 2 septembre 2000. Il a indiqué qu'il avait présenté tardivement sa demande parce qu'il était malade. La Commission a signalé que le prestataire était venu chercher son formulaire de demande le 20 octobre 2000. Elle s'est dit d'avis qu'après cette date, le prestataire n'avait pas de motif valable de ne pas avoir présenté immédiatement sa demande comme on lui avait dit de le faire. La Commission a donc refusé d'antidater la demande.
Le prestataire en a appelé de la décision de la Commission devant le conseil arbitral, lequel a rejeté l'appel à l'unanimité.
À l'audience, où le prestataire était représenté par son père, le conseil a accepté le fait que le prestataire avait été malade jusqu'au 22 novembre 2000, date à laquelle il est retourné travailler, mais a conclu qu'après cette date, le prestataire n'a pas démontré qu'il avait un motif valable de ne pas présenter sa demande.
Les éléments de preuve présentés à l'audience sont résumés comme suit dans la décision du conseil :
« Le prestataire a déclaré qu'il voulait faire antidater sa demande au 2 septembre 2000. Son père est allé chercher le formulaire de demande en octobre, mais le prestataire n'était pas assez bien pour le remplir. Ce dernier a pu retourner au travail le 22 novembre. Il croyait avoir besoin d'un Relevé d'emploi, qu'il n'avait pas, et il a fait des démarches au travail pour l'obtenir; il n'a pas présenté sa demande avant d'obtenir ce document. Il a travaillé à temps partiel, à raison de 24 heures par semaine, et s'est absenté du travail à quelques reprises pour raison de maladie. Il prenait de la morphine pour soulager ses douleurs et il ne pouvait pas manger. Il n'était pas bien. » [Traduction]
La décision du conseil se lit comme suit :
« Le conseil a examiné les renseignements qui lui ont été présentés et a constaté que le prestataire a été malade du 2 septembre 2000 au 22 novembre 2000, comme en témoigne une note de son médecin (pièce 4). Cependant, entre le 22 novembre 2000, date à laquelle il est retourné au travail, et le 20 décembre 2000, le conseil a déterminé que le prestataire n'avait pas de motif valable de ne pas présenter sa demande de prestations aux termes de l'article 10 de la Loi sur l'assurance-emploi. Le conseil a déterminé que la note du médecin (pièce 9) n'est pas suffisamment détaillée pour justifier ce retard d'un mois. » [Traduction]
Le prestataire en a appelé de la décision du conseil. L'appel a été instruit à Barrie (Ontario) le 17 avril 2002. Le prestataire était présent. La Commission était représentée par M. Derek Edwards.
Le prestataire a déclaré que lorsqu'il a quitté son emploi en septembre, il n'était pas assez bien pour aller chercher son formulaire de demande, et qu'en octobre, c'est son père qui est allé le chercher pour lui. Il a déclaré qu'à ce moment-là, on lui avait dit de présenter sa demande lorsqu'il aurait reçu son Relevé d'emploi. Il a affirmé qu'il était toujours malade et qu'il est retourné au travail le 22 novembre 2000 malgré l'avis de son médecin, parce qu'il avait besoin d'argent. Selon le rapport médical présenté par le prestataire lors de l'audience devant le conseil, le prestataire s'était rétabli et pouvait reprendre son travail à la mi-décembre.
Le prestataire a expliqué la présentation tardive de sa demande par les deux raisons suivantes : le fait qu'il était malade et le fait qu'il croyait, d'après les directives qu'il aurait reçues de la Commission, qu'il devait joindre son Relevé d'emploi à sa demande.
Dans la décision CUB 16667, la juge Reed a déclaré que pour juger des motifs valables dans le cas d'une demande de prestations de maladie, il fallait tenir compte de la maladie du prestataire ainsi que d'autres facteurs. Voici ce qu'elle a déclaré :
« Je partage de plus l'opinion de mon collègue que la date tardive de la demande de prestations de maladie n'a pas la même importance que dans le cas d'une demande de prestations ordinaires. Le prestataire en effet n'est pas obligé de prouver qu'il est disponible au travail et il y a moins de danger que la Commission subisse un tort que s'il s'agissait d'une demande de prestations ordinaires.Le critère exposé dans l'affaire Albrecht est un critère souple. Il exige l'évaluation d'un éventail de circonstances qui peuvent être différentes d'une affaire à une autre : la durée du retard, le tort causé à l'administration du régime d'assurance-chômage par le retard, l'esprit simple ou retors du prestataire, l'étendue des expériences qu'un prestataire a eues avec le régime d'assurance-chômage, la nature des prestations demandées (ordinaires ou de maladie), la cause immédiate du retard (p. ex., la maladie ou la mauvaise information). Cette liste n'est pas exhaustive. »
Des juges-arbitres, dans un certain nombre de décisions, ont accepté comme motif valable le fait de croire qu'il faut joindre son Relevé d'emploi à sa demande.
Dans la décision CUB 16275, le juge Teitelbaum a déclaré ceci :
« La prestataire a-t-elle démontré qu'elle avait un motif valable pour expliquer sa demande tardive? Le principe du « motif valable » a été examiné dans un certain nombre de cas. Dans l'affaire Albrecht [1985], 1 C.F. 710, le juge Marceau a déclaré, à la page 718 :
" À mon avis, lorsqu'un prestataire a omis de formuler sa demande dans le délai imparti et qu'en dernière analyse, l'ignorance de la loi est le motif de cette omission, on devrait considérer qu'il a prouvé l'existence d'un « motif valable » s'il réussit à démontrer qu'il a agi comme l'aurait fait une personne raisonnable dans la même situation pour s'assurer des droits et obligations que lui impose la Loi. Cela signifie que chaque cas doit être jugé suivant ses faits propres et, à cet égard, il n'existe pas de principe clair et facilement applicable; une appréciation en partie subjective des faits est requise, ce qui exclut toute possibilité d'un critère exclusivement objectif. Je crois, cependant, que c'est là ce que le législateur avait en vue et c'est, à mon avis, ce que la justice commande."
Il ne fait pas de doute que la prestataire a fait ce qu'une « personne raisonnable » aurait fait. Je suis convaincu qu'une « personne raisonnable » n'aurait pas, après s'être fait dire à trois reprises qu'elle n'était pas admissible - entre autres, après s'être fait confirmer la réponse par une conversation téléphonique entre le représentant du conseil scolaire et le représentant de la Commission - songé à s'adresser à la Fédération des enseignants pour obtenir des éclaircissements. La prestataire a vraiment agi raisonnablement lorsqu'elle a décidé, après s'être fait confirmer pour la troisième fois qu'elle n'était pas admissible, de laisser tomber. Cela est particulièrement compréhensible si l'on songe que la prestataire, lorsqu'elle s'est rendue au bureau de la Commission, s'est fait répondre qu'elle devait joindre son Relevé d'emploi à sa demande de prestations. » [Traduction]
Et dans la décision CUB 15206B, le juge Strayer a déclaré :
« J'ai tendance à admettre que la demande aurait dû être antidatée au 1er janvier 1986 puisque la preuve, acceptée par le conseil arbitral, indique clairement que le prestataire a été mal renseigné par le bureau de la Commission de Hamilton lorsqu'il s'est fait dire qu'il ne pouvait pas présenter de demande de prestations sans son Relevé d'emploi. Dans cette mesure, il a satisfait aux exigences de l'alinéa 39b) du Règlement qui permet l'antidadation lorsque le prestataire a un motif valable expliquant la présentation tardive de sa demande de prestations. » [Traduction]
Enfin, dans la décision CUB 13249, le juge Rouleau a également accepté comme un motif valable le fait de s'être fié aux renseignements donnés par la Commission selon lesquels il faut attendre d'obtenir son Relevé d'emploi avant de présenter une demande de prestations.
Je constate donc que la décision du conseil est entachée d'une erreur de droit et de fait. Selon la jurisprudence évoquée plus haut, le prestataire a clairement démontré qu'il avait un motif valable pour son retard.
Par conséquent, l'appel est accueilli, et la demande de prestations du prestataire doit être antidatée au 2 septembre 2000.
« GUY GOULARD »
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
Le 26 avril 2002