EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
RELATIVEMENT à une demande de prestations par
Carl GIRARD
- et -
RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre
par la Commission de la décision d'un conseil arbitral rendue
le 14 novembre, 2001, Hull, Québec
DÉCISION
GUY GOULARD, juge-arbitre
La Commission en appelle de la décision unanime du conseil arbitral qui avait accueilli l'appel du prestataire à l'encontre de sa décision à l'effet qu'il n'avait pas droit à des prestations d'assurance-emploi parce qu'il avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.
L'audition de cet appel a eu lieu le 26 avril 2002, à Ottawa, Ontario. Le prestataire était présent. La Commission était représentée par Me Marie Eve Sirois-Vaillancourt.
La conduite que l'employeur reprochait au prestataire et qui avait mené à son congédiement est résumée dans la décision du conseil qui se lit comme suit:
"L'employeur sur le relevé d'emploi (pièce 3) remis à monsieur Girard mentionne "Dismissed for inappropriate use of computer". A la pièce 6-1, il est mentionné par l'employeur que l'appelant allait visiter des sites pornographiques sur Internet durant ses heures de travail et que c'était la raison pour laquelle il l'avait congédié d'autant plus qu'il l'aurait déjà averti verbalement que ce n'était pas permis sur les lieux de travail. Dans une lettre adressée au Conseil Arbitral le jour de l'audition (pièce 12) l'employeur confirme que c'est la raison pour laquelle il a congédié monsieur Girard mais il informe le Conseil qu'il ne sera pas présent à l'audition.
Malgré les déclarations de l'employeur apparaissant au dossier, monsieur Girard, atteste que jamais son employeur ne lui a donné d'avertissements quant à l'usage d'Internet; le seul avertissement qu'il a reçu était en relation avec l'usage d'un baladeur et il a cessé de s'en servir.
Le Conseil Arbitral constate que malgré les déclaration écrites de l'employeur, celui-ci n'a jamais déposé copie d'avis écrits qu'il aurait déjà signifié à son employé quant à l'usage d'Internet pas plus qu'il n'a fourni aucune copie d'avis disciplinaire.
Dans les circonstances, le Conseil Arbitral doit conclure que la Commission s'est basée uniquement sur des déclarations de l'ex-employeur mais la preuve ne fût pas faite que l'appelant avait contrevenu aux règles de l'employeur même si ce n'est pas très louable de se référer à des sites inappropriés sur Internet durant les heures de travail ... durant les heures de travail."
La Commission soumet que le conseil a erré en droit et en fait en concluant que les faits tels que présentés ne démontraient pas que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite.
On indique que le prestataire avait reconnu avoir fait une utilisation non appropriée d'un ordinateur au travail. La Commission soumet que le fait d'accéder des sites pornographiques constituait une inconduite sérieuse et que l'employeur n'était pas tenu de fournir un avertissement au prestataire.
Le prestataire indique qu'il avait en effet accédé à des sites pornographiques avec l'ordinateur de son bureau mais que cette utilisation était un aspect négligeable de l'utilisation qu'il en faisait. Il indique qu'il s'en servait aussi pour vérifier la bourse et pour d'autres fins personnelles. Il souligne que ceci se faisait durant son temps libre et n'affectait pas son travail qui avait toujours été reconnu comme bien fait. Il maintient qu'il aurait eu droit à un avertissement et à un processus disciplinaire.
L'employeur ne s'était pas présenté devant le conseil qui a conclu qu'aucune preuve n'avait été fournie à l'effet que le prestataire avait contrevenu à un règlement de l'employeur, acceptant que le prestataire n'avait reçu aucun avertissement sur le fait que la conduite qu'on lui reprochait ne serait pas tolérée.
Le paragraphe 115(2) de la Loi sur l'assurance-emploi prévoit les seuls moyens d'appel d'une décision d'un conseil arbitral comme suit:
115(2) Les seuls moyens d'appel sont les suivants :
a) le conseil arbitral n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
c) le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
La jurisprudence nous enseigne que le conseil arbitral est le maître dans l'appréciation de la preuve et des témoignages présentés devant lui. La Cour d'appel fédérale s'est exprimée ainsi sur ce sujet dans l'arrêt M. Guay (A-1036-96):
"De toute façon, dans tous les cas, c'est le conseil arbitral, le pivot de tout le système mis en place par la Loi, pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation, qui est celui qui doit apprécier."
Dans l'affaire Mary L. McCarthy (A-600-93) la Cour d'appel fédérale indiquait:
"Dans l'arrêt Roberts, notre Cour a également jugé que, lorsqu'une décision d'un conseil arbitral est contestée parce qu'elle était fondée sur des conclusions de fait erronées, le pouvoir de contrôle du juge-arbitre se limite à décider si l'appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec les éléments portés au dossier. Autrement dit, le critère consiste à savoir si le dossier contenait des éléments de preuve sur lesquels le conseil arbitral aurait pu fonder sa conclusion comme il l'a fait sans erreur de principe."
Les arrêts (Ash (A-115-94) et Ratté (A-255-95) nous enseignent de plus qu'un juge-arbitre ne doit pas substituer son opinion à celle d'un conseil arbitral, sauf si sa décision lui paraît avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, ce qui n'est pas le cas présentement.
La Commission n'a pas démontré que le conseil arbitral a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire qui ne tenait pas compte des éléments portés à sa connaissance.
Pour ces motifs, l'appel est rejeté.
GUY GOULARD
JUGE-ARBITRE
OTTAWA, Ontario
Le 13 mai 2002