TRADUCTION
Dans l'affaire de la Loi sur l'assurance-emploi
- et -
d'une demande présentée par
Cory GOREHAM
- et -
d'un appel interjeté devant un juge-arbitre
par le prestataire à l'encontre de la décision
rendue par un conseil arbitral le 4 avril 2002 à Yarmouth (Nouvelle-Écosse)
DÉCISION
LE JUGE-ARBITRE JEAN A. FORGET
Le prestataire en appelle de la décision majoritaire rendue par un conseil arbitral ayant déterminé qu'il n'était pas fondé à quitter son emploi.
M. Goreham a rempli une demande de prestations qui a pris effet le 3 février 2002. À l'appui de sa demande, il a présenté un relevé d'emploi de Harbour Light Fisheries 1993 Ltd. indiquant qu'il avait été mis à pied, ainsi qu'un relevé d'emploi de B. Reynolds Trucking Ltd. indiquant qu'il était parti de son plein gré. Le prestataire a expliqué qu'il ne se plaisait pas chez ce deuxième employeur et qu'il avait trouvé du travail ailleurs. Il a en outre affirmé qu'il s'attendait à ce que le travail pour Harbour Light Fisheries 1993 Ltd. soit un travail stable. Ce dernier employeur a confirmé que l'emploi à plein temps allait reprendre sous peu.
La Commission a déterminé que le prestataire avait montré qu'il avait quitté son emploi chez B. Reynolds Trucking Ltd. avec justification et a accepté que des prestations lui soient versées. L'employeur n'était pas de cet avis et il en appelé de la décision devant un conseil arbitral. L'employeur n'a pas comparu devant moi à l'audience mais sa lettre du 17 juin 2002, déposée au dossier, a été prise en considération.
M. Reynolds a déclaré devant le conseil arbitral que certains de ses anciens employés acceptaient du travail d'un compétiteur, s'attendant à être mis à pied peu après et à demander des prestations d'assurance-emploi. Il a indiqué qu'il n'y avait pas de ralentissement de travail dans son entreprise et que M. Goreham aurait continué à être employé à temps plein.
La majorité du conseil a formulé la conclusion suivante :
« Le conseil estime que ces abus existent dans l'industrie du camionnage mais que la loi dans ce domaine rend l'abus possible. Rien n'indique que M. Goreham a cherché activement à abuser du système.
M. Goreham avait trouvé un autre travail avant de démissionner, et la Commission a déterminé qu'il était donc parti avec « justification » au sens de la Loi.
Le conseil a déterminé que M. Goreham savait qu'il y aurait un ralentissement de travail à Harbour Light Fisheries (pièce 6), et qu'il serait mis à pied pour une partie de l'hiver. La solution raisonnable aurait été qu'il continue de travailler pour B. Reynolds Trucking jusqu'à la fin de la période creuse.
Le conseil conclut pour ce motif que M. Goreham n'a pas montré qu'il était fondé à quitter son emploi chez B. Reynolds Trucking. » [Traduction]
Le membre dissident était d'avis que la Commission avait déterminé à juste titre qu'il y avait justification et approuvé à bon droit la demande de M. Goreham.
Le prestataire en appelle maintenant de la décision majoritaire du conseil devant le juge-arbitre. Il fait valoir que le conseil a commis une erreur en permettant à son ancien employeur de revenir contre lui. Il affirme que les conditions de travail chez B. Reynolds Trucking étaient mauvaises, parce que l'employeur se livrait à de la violence verbale et à des guerres de nerfs.
Dans les observations qu'elle adresse au conseil arbitral, la Commission affirme clairement que le prestataire a agi de manière raisonnable et qu'il était fondé à quitter son emploi chez B. Reynolds Trucking. Il avait trouvé un autre poste avant de démissionner. La Commission a pris en considération le fait qu'il y aurait un bref ralentissement de travail, et le nouvel employeur a confirmé que ce ralentissement serait de courte durée.
Le prestataire était malheureux chez son employeur et il a fait ce que l'on attend d'une personne raisonnable avant de démissionner, il a trouvé un autre emploi.
À mon avis, le conseil a commis une erreur en rendant sa décision. Cette décision n'est pas raisonnable et n'est pas fondée sur des faits entourant la présente affaire. Il semble que la majorité du conseil cherche à pénaliser le prestataire parce qu'il y a abus du système, même s'il affirme clairement que rien n'indique que le prestataire même ait cherché à abuser du système. Le prestataire avait trouvé du travail avant de quitter un emploi qu'il n'aimait pas. La loi n'exige rien de plus des prestataires. Le fait qu'il a été ensuite mis à pied pendant une brève période ne change rien au fait qu'il a fait ce qui était attendu de lui.
À l'audience, le prestataire a indiqué qu'il s'était conformé aux exigences de la Loi. L'avocat de la Commission a fait valoir que la décision originale de la Commission d'accepter la demande était juste.
La décision du conseil arbitral ne peut être étayée par la preuve dont il a été saisi; la majorité du conseil a donc rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
Dans les circonstances, l'appel du prestataire doit être accueilli; la décision majoritaire du conseil arbitral est annulée, et la décision originale de la Commission est rétablie.
J.A. FORGET
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
Le 27 septembre 2002