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  • CUB 55493

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
    L.C. 1996, ch. 23

    et

    d'une demande de prestations présentée par
    Jack D. Watson

    et

    d'un appel interjeté par le prestataire à l'encontre d'une décision
    du conseil arbitral rendue à Saint John (Nouveau-Brunswick)
    le 19 mars 2002

    L'appel a été instruit à Saint John, au Nouveau-Brunswick, le 17 septembre 2002.

    DÉCISION

    LE JUGE-ARBITRE R. C. STEVENSON

    M. Watson interjette appel de la décision du conseil arbitral qui a rejeté son appel de la décision de la Commission de l'exclure du bénéfice des prestations d'assurance-emploi parce qu'il a quitté volontairement son emploi sans justification.

    M. Watson, un tuyauteur de soixante ans qui habite ordinairement au Nouveau-Brusnwick, a travaillé pour une entreprise de construction à Fort McMurray, en Alberta, du 28 juin au 31 juillet 2001. Il a quitté son emploi et est revenu au Nouveau-Brunswick auprès de sa femme qui souffrait de graves problèmes de santé. En octobre, il est retourné en Alberta où il a été employé dans son domaine de travail par l'entreprise Fluor Construction Canada Ltd. du 10 octobre au 20 décembre.

    La demande de prestations présentée par M. Watson en juillet a été acceptée par la Commission, mais la demande qu'il a faite après son retour chez lui en décembre a été refusée parce qu'il avait volontairement quitté son emploi sans justification.

    Voici ce que M. Watson a écrit dans la lettre d'appel qu'il a présentée au conseil arbitral :

    Dans ma demande antérieure, j'ai mentionné que j'étais retourné chez moi en raison des problèmes de santé mentale et autres que ma femme et moi éprouvions. J'étais fondé à quitter mon emploi dans le sens où je n'avais d'autre solution raisonnable que de m'acquitter de mon devoir, soit d'être auprès de ma femme à la maison, à notre lieu de résidence. Ce n'est pas parce que je travaille dans une autre province que je dois faillir à mes obligations envers ma femme. Tant ma femme que la relation que j'entretiens avec elle n'auraient pas supporté de longues séparations.
    Cette question soulevait de graves problèmes sur le plan de la sécurité. Le stress que me causait l'état de ma femme compromettait mon efficacité au travail, car les inquiétudes que je me faisais pour elle menaçaient gravement ma santé et ma sécurité.
    Nous devons tous gagner notre vie, mais il est, selon moi, contraire à l'éthique d'essayer de me forcer à travailler à l'extérieur de la province en refusant ma demande de prestations, vu que mes demandes subséquentes (sic) en 1994 et en 2001 ont été acceptées pour exactement les mêmes raisons que vous invoquez aujourd'hui pour justifier votre refus.
    [Traduction]

    Voici ce que dit la Commission dans les observations écrites qu'elle a adressées au conseil arbitral :

    La Commission ne l'a pas exclu du bénéfice des prestations en juillet 2001 puisqu'elle reconnaissait l'obligation du prestataire d'entretenir son foyer conjugal. Mais se placer dans la même situation en acceptant du travail à l'extérieur et quitter de nouveau son travail ne peut, à notre avis, constituer une justification pour quitter son emploi. Le prestataire avait déjà connu cette situation; or, il s'est mis délibérément dans la même situation, ce qui fait qu'il a dû de nouveau quitter son emploi. Après avoir examiné tous les éléments de preuve, la Commission estime que la solution raisonnable à adopter dans ce cas aurait été de déménager sa famille plus près de son lieu de travail, de trouver un autre emploi avant de démissionner ou même d'essayer de trouver de l'emploi dans un autre secteur de travail dans la région.
    [Traduction]

    Mme Watson a représenté son mari au cours de l'audience devant le conseil arbitral parce que son époux était hospitalisé dans l'unité de soins coronariens de l'hôpital régional de Saint John. Elle a témoigné des problèmes de santé de son mari ainsi que des siens. Au cours des cinq dernières années, M. Watson a subi un quadruple pontage et une greffe de moelle osseuse. Mme Watson a eu de graves problèmes aux yeux pendant plusieurs années et, après avoir subi une greffe de la cornée en janvier 2001, elle a dû se rendre régulièrement chez son ophtalmologiste à Saint John et consulter à l'occasion son spécialiste à Halifax. Dans les éléments de preuve écrits qu'elle a présentés au conseil, Mme Watson dit ce qui suit :

    Mon mari a besoin de travailler et il ne veut pas devenir handicapé; il ne se sent pas handicapé. Comme il souffre d'anémie chronique depuis sa greffe de moelle osseuse, il ne peut pas toujours faire son travail.
    Lors de son dernier séjour à l'extérieur de la province, il s'est beaucoup inquiété de ma santé. J'avais souvent des irritations aux yeux que j'attribuais au stress. Mon mari s'inquiétait beaucoup à mon sujet. Il voulait revenir à la maison et essayer de trouver du travail dans la région. J'avais besoin de lui près de moi!
    À son retour de l'Alberta, mon mari était affaibli. Il avait également des engelures aux doigts, mais il voulait toujours travailler.
    Je dois me rendre régulièrement à Halifax et y passer la nuit par mauvais temps. C'est ce que mon mari et moi avons fait à de nombreuses reprises. En plus de mes visites à Halifax, je dois me rendre chez mon spécialiste à Saint John pour des consultations hebdomadaires et bihebdomadaires.
    [Traduction]

    Le conseil arbitral a déclaré ce qui suit :

    Le conseil estime que M. Watson s'inquiétait vraiment de la santé de sa femme et qu'il avait un motif valable de retourner au Nouveau-Brunswick. Cependant, d'après le conseil, le fait que M. Watson soit retourné travailler à l'extérieur et ait volontairement quitté son emploi pour une deuxième fois ne constitue pas une justification au sens où on l'entend dans les articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi. M. Watson connaissait la situation qui régnait chez lui, mais il s'est placé de nouveau dans la même situation en retournant une deuxième fois en Alberta.
    [Traduction]

    Je ne comprends pas la logique de l'argument selon lequel M. Watson n'aurait pas dû se placer dans la même situation en retournant travailler en Alberta en octobre. Aurait-il été préférable qu'il reste au Nouveau-Brunswick sans travailler?

    Selon l'article 29 de la Loi, le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi si son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstances. Treize de ces circonstances sont précisées dans la Loi dont deux d'entre elles - la nécessité d'accompagner son conjoint et celle de prendre soin de son conjoint - reconnaissent l'importance des obligations et des responsabilités conjugales et familiales.

    La question n'était pas de savoir si M. Watson aurait dû retourner en Alberta en octobre, mais de déterminer si M. Watson était fondé à quitter l'emploi qu'il y occupait en décembre.

    Le conseil arbitral a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de toutes les circonstances au moment de trancher le litige. Il a également commis une erreur de droit et de fait en concluant que M. Watson n'était pas fondé à quitter son emploi.

    J'accueille l'appel et annule l'exclusion.

    RONALD C. STEVENSON

    Juge-arbitre

    SAINT JOHN (NOUVEAU-BRUNSWICK)
    Le 17 septembre 2002

    2011-01-16