TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
et
d'une demande de prestations présentée par
JEAN MOSHENKO
et
d'un appel interjeté par la prestataire à
l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue
le 8 mars 2002 à Prince George (Colombie-Britannique)
DÉCISION
Le juge-arbitre David G. Riche
La question dont a été saisi le conseil porte sur l'inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi.
L'employeur a déclaré que la prestataire avait été congédiée le 22 décembre 2001 (pièce 3). Il a soutenu que la prestataire avait été prise par une caméra à jouer à la loterie pendant ses heures de travail. L'employeur n'a aucune tolérance à l'égard des employés qui jouent à leur propre loterie (pièce 4). La prestataire a déclaré qu'elle avait été accusée de vol. Elle a utilisé les appareils pendant son quart de travail pour acheter ses propres billets. Un mois auparavant, l'employeur avait dit aux employés qu'ils ne devaient pas jouer à leur propre loterie (pièce 5).
Le conseil a procédé aux constatations de faits suivantes :
l. La prestataire a été congédiée parce qu'elle avait joué à la loterie pendant ses heures de service, ce qui était contraire à la politique de l'entreprise.
2. La prestataire a déclaré que l'employeur l'avait accusée de vol, méfait dont elle n'était pas coupable puisque l'argent a été retrouvé plus tard.
3. L'employeur a déclaré qu'il avait dit à tout le personnel en novembre qu'il ne voulait pas qu'il imprime ses propres billets.
4. La prestataire a déclaré qu'elle était au courant de la politique, mais a quand même joué à la loterie.
La prestataire avait obtenu une caution et reçu une attestation de sécurité de la GRC; elle n'a jamais commis de vol. Elle n'a pas été congédiée pour vol. Elle a été avisée que toute contravention à la politique sur le jeu pouvait entraîner un renvoi. Elle a cependant décidé de jouer à la loterie tout en sachant qu'elle contrevenait aux directives de l'employeur. Le conseil a conclu qu'elle n'avait pas agi de façon délibérée, mais plutôt de façon insouciante alors qu'elle savait que ce qu'elle faisait était répréhensible. Par conséquent, le conseil a conclu que la prestataire a été congédiée uniquement pour avoir joué à la loterie et, pour cette raison, il a rejeté son appel.
Dans sa lettre d'appel adressée au juge-arbitre, la prestataire souligne qu'elle a été harcelée et rabaissée par l'employeur pendant qu'elle travaillait. Elle estimait que ce dernier essayait de l'intimider pour l'amener à quitter son emploi. L'employeur a également insinué, sans pouvoir justifier ses allégations, qu'elle avait pris un billet manquant.
Dans ses arguments présentés au juge-arbitre, la Commission soutient que la prestataire doit satisfaire aux exigences de l'article 115 de la Loi sur l'assurance-emploi qui est libellé en partie comme suit :
b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
c) le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
Le conseil arbitral a conclu que la prestataire connaissait la politique de l'entreprise au sujet des jeux de loterie; elle a quand même fait à sa tête et joué à la loterie, et a dit que d'autres personnes faisaient de même. Le fait que d'autres personnes jouaient n'apporte aucune aide à la prestataire.
La Commission s'est fondée sur la décision CUB 52968, dans laquelle un gérant de théâtre avait enfreint la politique de l'entreprise en échangeant trois laissez-passer de théâtre contre des laissez-passer de golf. Le gérant avait argué qu'il n'était pas le seul à échanger des laissez-passer, mais qu'il avait été le seul à être congédié. Dans cette affaire, le juge-arbitre s'est exprimé de la façon suivante :
La jurisprudence compte plusieurs exemples proposant que l'ignorance délibérée des règlements et des politiques d'un employeur peut être considérée comme de l'inconduite, aux fins de la Loi sur l'assurance-emploi. La présente affaire, selon moi, appartient à ce genre de cause.
J'ai examiné cette question et je ne suis pas convaincu que l'affaire citée est analogue à celle dont j'ai été saisi. Dans le CUB 52968, l'employé échangeait des articles qui lui avaient été confiés contre d'autres dont il pouvait tirer parti.
En l'espèce, la prestataire jouait à la loterie pendant ses heures de travail, mais elle utilisait son argent. Elle n'a causé aucune perte à l'employeur. La question qu'il faut trancher dans cette affaire en est une d'infraction à la politique de l'entreprise.
Par conséquent, la question est de savoir si la prestataire a agi d'une façon qui équivaut à de l'inconduite. L'inconduite a été définie comme un acte ayant un caractère volontaire ou délibéré ou qui résulte d'une insouciance ou d'une négligence telle qu'il frôle le caractère délibéré. Il doit y avoir une relation de cause à effet entre l'inconduite et le renvoi. (Voir M. Brissette (A-1342-92) Cour d'appel fédérale).
J'ai examiné la preuve dans cette affaire et je suis convaincu que la prestataire n'a pas été congédiée uniquement pour avoir joué à la loterie pendant ses heures de travail. Même si un tel comportement peut être qualifié d'insouciant ou même de négligent, il ne s'agit pas, à mon avis d'un comportement insouciant ayant un caractère délibéré. Autrement, la prestataire était une bonne employée et rien ne permet de croire que cette activité l'empêchait de remplir ses fonctions.
Je considère que le conseil arbitral a fait une erreur de droit dans cette affaire. Dans le dernier paragraphe de sa décision, le conseil a précisé que la prestataire n'avait pas agi intentionnellement, mais tout simplement de façon insouciante parce qu'elle savait, comme elle l'a dit, que ce qu'elle faisait était inadmissible. Rien dans la décision du conseil n'indique que la prestataire a agi de façon négligente. En l'espèce, je suis convaincu que la prestataire a agi de façon insouciante et non de façon délibérée en jouant à la loterie et que le conseil a commis une erreur en concluant qu'elle était coupable d'inconduite.
Pour ces raisons, j'estime que la constatation du conseil dans cette décision ne justifie pas une conclusion d'inconduite au sens établi dans la jurisprudence par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Brissette.
Pour ces raisons, la décision du conseil est annulée et l'appel de la prestataire est accueilli.
DAVID G. RICHE
Juge-arbitre
St. John's (Terre-Neuve)
Le 1er octobre 2002