TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande de prestations présentée par
DANIEL BRUNET
- et -
d'un appel interjeté par le prestataire devant le juge-arbitre
à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue
le 14 août 2001 à Saskatoon (Saskatchewan)
DÉCISION
Le juge-arbitre R. E. Salhany, C.R.
Cet appel a été instruit à Saskatoon, en Saskatchewan, le vendredi 29 novembre 2002. La question faisant l'objet de l'appel est de savoir si le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite et s'il a cumulé un nombre suffisant d'heures d'emploi assurable pour être admissible aux prestations.
Les éléments de preuve au dossier et les raisons du conseil arbitral indiquent que le prestataire a été congédié de son emploi chez Hillsburgh Stock Farm parce qu'il ne s'était pas présenté au travail. Le prestataire a ensuite travaillé pour deux autres employeurs et a été blessé alors qu'il travaillait pour le second employeur. Il a alors présenté une demande de prestations que la Commission a refusée parce qu'elle estimait qu'il avait perdu son emploi chez Hillsburgh Stock Farm en raison de son inconduite et n'avait accumulé que 359 heures d'emploi assurable. Le prestataire avait besoin de 665 heures d'emploi assurable après son congédiement de chez Hillsburgh.
Dans son appel, le prestataire a allégué que le conseil arbitral n'avait pas respecté un principe de justice naturelle. Il a avancé trois allégations contre le conseil. Premièrement, l'information sur laquelle le conseil s'était fondé était erronée. Il a dit qu'il s'était adressé à un superviseur de la Commission pour lui demander de verser au dossier des déclarations qu'il avait obtenues réfutant les allégations de l'employeur, dossier qui devait être examiné par les membres du conseil avant la tenue de l'audience, mais que ces documents n'avaient pas été joints au dossier. Deuxièmement, la personne présidant le conseil l'a interrompu à deux reprises pendant qu'il essayait d'expliquer aux membres les erreurs contenues dans l'information. Troisièmement, il a demandé que l'audience soit enregistrée en cas d'appel et elle ne l'a pas été.
En réponse aux objections du prestataire, il a été établi que les déclarations ont été versées au dossier et, en fait, le conseil y a fait référence dans ses raisons. L'adjointe de la Commission a vérifié son dossier et n'y a trouvé aucune preuve établissant que le prestataire a demandé que l'audience soit enregistrée. L'avis d'audience envoyé au prestataire invite ce dernier à communiquer avec elle avant l'audience afin de prendre des dispositions pour faire installer un appareil d'enregistrement.
Permettez-moi de traiter cette dernière question en premier. Depuis bon nombre d'années, la majorité (sinon la totalité) des conseils arbitraux ont pris l'habitude d'enregistrer l'audience uniquement si le prestataire en fait la demande. À mon avis, cette pratique est pleine de danger et le présent appel en est un bon exemple. En l'espèce, une allégation a été faite contre le conseil et il n'existe pas de transcription permettant de vérifier celle-ci, d'une façon ou d'une autre. J'ai peine à comprendre pourquoi les conseils arbitraux suivent cette procédure. Rien dans la législation ne les empêche d'enregistrer les audiences à moins qu'une demande à l'effet contraire ne leur soit adressée.
J'estime que chaque audience devant le conseil arbitral devrait être enregistrée et que le registraire du conseil devrait vérifier le bon fonctionnement de l'appareil. Il y a trois bonnes raisons justifiant l'enregistrement des audiences. Premièrement, l'enregistrement protège les membres du conseil contre les allégations non fondées de déni de justice naturelle. Deuxièmement, un conseil qui sait que l'audience est enregistrée accordera plus d'attention au respect du principe de justice naturelle. Et troisièmement, la Cour d'appel aura un enregistrement de l'audience dans l'éventualité où l'une des partie souhaite contester ce qui s'est dit devant le conseil pour tout motif énoncé au paragraphe 115(2) de la Loi.
Dans le cadre de cet appel, Mme Sittler a argué que les raisons invoquées par le conseil sont détaillées et inattaquables du point de vue des faits ou du droit et sont entièrement fondées sur la preuve. Au premier abord, cela semble être le cas. Cependant, en plus de la valeur probante ou de la prépondérance de la preuve, chaque partie qui comparaît devant une cour ou un tribunal au Canada doit être convaincue qu'elle a le droit de présenter ses éléments de preuve, que le tribunal va écouter son témoignage - et, à la fin de l'affaire, qu'elle a eu la possibilité de faire des présentations. Il s'agit là d'une exigence fondamentale liée au principe de justice naturelle.
En l'espèce, le prestataire a allégué un déni de justice naturelle. Même la preuve la plus accablante contre ce dernier ne peut l'emporter sur un déni de justice naturelle. Puisqu'il n'y a pas de transcription de l'audience, je ne peux déterminer si l'allégation de déni de justice naturelle est fondée ou non. Par conséquent, une nouvelle audience doit avoir lieu.
L'appel est accueilli et l'affaire est renvoyée devant un conseil arbitral composé de nouveaux membres pour y être instruite.
Fait le 11 décembre 2002.
R. E. Salhany
Juge-arbitre
2011-01-16