TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE de la Loi sur l'assurance-emploi
- et -
d'une demande de prestations présentée par
JOANNE KARPPI
- et -
d'un appel interjeté par la prestataire devant le juge-arbitre à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à Sudbury (Ontario) le 29 août 2002.
DÉCISION SUR LA FOI DU DOSSIER
LE JUGE-ARBITRE W.J. HADDAD, C.R. :
La prestataire a présenté cet appel et a demandé que le juge-arbitre rende une décision sur la foi du dossier. La question en litige est de déterminer si la prestataire a volontairement quitté son emploi chez Bristol Machine Works Limited (« Bristol ») le 14 juin 2002, sans justification.
La disposition applicable de la Loi sur l'assurance-emploi est l'alinéa 29b.1) : sont assimilés à un départ volontaire le refus :
(i) d'accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
L'alinéa c) de l'article 29 énonce le critère sur lequel se fonder pour déterminer l'existence d'une justification :
29c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas
Les « circonstances énumérées ci-après » dans cet alinéa ne sont pas pertinentes.
Après la cessation de son emploi, la prestataire a présenté une demande de prestations d'assurance-chômage et une demande renouvelée a été établie le 16 juin 2002.
La prestataire a commencé à travailler chez Bristol le 4 janvier 2002 après qu'elle eut reçu une lettre d'embauche portant la même date et signée à la fois par l'employeur et l'employé. Cette lettre est rédigée comme suit :
« Joanne,
La présente tient lieu de "lettre d'embauche" pour la durée de votre emploi chez Bristol Machine Works Limited.
Vous êtes employée chez Bristol Machine Works pour la période allant du 4 janvier 2002 au 4 juin 2002, date à laquelle votre situation fera l'objet d'un examen en bonne et due forme.
Bristol Machine Works se réserve le droit de mettre fin à ce contrat plus tôt en vous donnant un préavis écrit de deux semaines ainsi que de prolonger et/ou de modifier le contrat à son expiration.
De plus, nous reconnaissons que vous avez le droit de quitter votre poste plus tôt sous réserve de nous donner un avis écrit de deux semaines.
Veuillez apposer votre signature et la date dans les espaces à cette fin afin d'indiquer que vous acceptez ces conditions. »
[Traduction]
La prestataire a été engagée pour combler un poste vacant. L'administrateur de l'employeur avait quitté son poste pour cause de maladie et il lui était impossible de revenir. L'adjoint administratif avait assuré l'intérim et a fini par obtenir le poste de façon définitive. Par conséquent, la prestataire a été engagée pour remplacer l'adjoint administratif et son salaire horaire était de 12 $. Le poste de la prestataire est décrit dans la preuve comme étant un poste d'adjointe administrative et de réceptionniste. Cependant, cette différence ne change rien à la situation.
À l'expiration de l'emploi de la prestataire le 4 juin 2002, l'employeur a offert à celle-ci de prolonger son contrat pour une période d'un an et d'augmenter son tarif horaire pour le porter à 14 $. Cependant, la prestataire a demandé d'être payée 17 $ l'heure, soit le même salaire que la personne qu'elle remplaçait. De plus, la prestataire désirait devenir une employée permanente plutôt que de se faire offrir une prolongation d'un an, ce qui lui aurait permis d'obtenir les mêmes avantages sociaux que les autres employés permanents. Cependant, l'employeur a refusé de lui verser plus de 14 $ l'heure. La prestataire a donc décliné l'offre de l'employeur - bien qu'à la demande de l'employeur elle soit demeurée en poste pendant deux semaines de plus que prévu initialement afin de former un nouvel employé.
La prestataire déclare qu'elle n'a pas quitté son emploi. Elle soutient qu'elle est partie à la fin de son contrat parce que celui-ci était venu à expiration et qu'elle a été incapable de négocier un nouveau contrat. Elle prétend qu'elle était fondée à quitter son emploi parce qu'elle a refusé les conditions que lui a imposées son employeur. Le fait de ne pas pouvoir négocier les conditions d'un nouveau contrat, ou de ne pas pouvoir renouveler un contrat à cause du refus de l'employeur de donner à la prestataire l'augmentation qu'elle désirait ne peut être interprété comme le fait que l'employeur a imposé des conditions - pas plus qu'on ne peut dire que la prestataire a imposé ses conditions. Les parties étaient simplement engagées dans une négociation salariale.
La prestataire se fonde sur la décision CUB 42956 (Thomson), où l'employeur a offert à un employé de renouveler son contrat par écrit à la condition que l'employé accepte de signer une lettre d'intention énonçant certaines conditions que le prestataire refusait. Le juge-arbitre a déclaré qu'il n'y avait pas eu refus d'emploi mais plutôt refus d'accepter un emploi à certaines conditions. Cette affaire est différente de l'affaire à l'étude. La lettre d'embauche n'énonce aucune condition ni n'est accompagnée d'un document distinct énonçant des conditions. Elle accorde simplement à l'employeur le « droit de prolonger ou de modifier le contrat à son expiration » [Traduction], ce que la prestataire a accepté en la signant. À la fin de la période initiale d'emploi, la prestataire a refusé la prolongation ou la modification du contrat offerte par l'employeur.
En l'espèce, c'est le sous-alinéa 29b.1)(i) qui s'applique. La décision de la prestataire de ne pas accepter la prolongation signifie simplement qu'elle a refusé un emploi - et qu'elle a choisi de perdre son emploi et de tomber en chômage. Elle a quitté son emploi volontairement parce que, essentiellement, l'employeur a refusé de porter son salaire à 17 $ l'heure comme elle le demandait et lui a plutôt offert de faire passer son salaire de 12 $ à 14 l'heure. Il est possible que la prestataire ait refusé les conditions de la prolongation de son emploi pour ce qui, à son avis, est un « motif valable ». Cependant, le terme « justification » n'est pas synonyme de « motif valable », de « motif » ou de « raison ». Pour établir qu'elle « était fondée à quitter son emploi », il incombait à la prestataire de montrer qu'elle n'avait d'autre choix que de quitter son emploi, ce qu'elle n'a pas fait. La prestataire aurait en effet pu conserver son emploi jusqu'à ce qu'elle en trouve un autre convenable.
À mon avis, il n'est pas déraisonnable pour un employeur de refuser d'accéder à la demande d'un employé relativement nouveau qui désire recevoir le même salaire qu'un employé expérimenté pour accomplir les mêmes tâches.
Le conseil arbitral n'a pas commis d'erreur justifiant que l'on annule sa décision.
L'appel est rejeté.
« W.J. Haddad »
W.J. Haddad, C.R. - Juge-arbitre
Edmonton (Alberta),
Le 13 mars 2003.