TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
d'une demande présentée par
DARRYL GARLEY
- et -
d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par la Commission de l'assurance-emploi du Canada à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à Winnipeg (Manitoba) le 25 juin 2002
DÉCISION DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE CORRESPONDANTE : A-254-03
DÉCISION
La juge-arbitre R. KRINDLE
La Commission porte en appel une conclusion du conseil arbitral suivant laquelle le prestataire avait démontré avoir été fondé à quitter volontairement son emploi.
Le prestataire était un employé qui était depuis longtemps au service de New Flyers Industries. En mars 2002, la compagnie a offert un forfait visant à encourager les employés à démissionner afin de sauver les emplois d'employés plus jeunes. La compagnie a fait savoir qu'elle avait l'intention de mettre à pied 400 employés membres de l'unité de négociation et 100 employés de l'extérieur de l'unité.
Le conseil a tiré les conclusions suivantes :
a) le prestataire a quitté son emploi afin de protéger un employé subalterne qui touchait le même salaire que lui;
b) il y avait un programme de réduction des effectifs qui était en vigueur à l'époque;
c) et son employeur, et le syndicat et la Commission ont fait savoir au prestataire qu'il serait admissible au bénéfice des prestations s'il saisissait l'occasion que lui offrait le programme de réduction des effectifs.
La Commission soutient que l'information que le prestataire avait reçue de son employeur, du syndicat et de la Commission était inexacte. D'après la Commission, la réduction ne s'inscrit pas dans le processus de réduction des effectifs dont il est question dans la législation et le Règlement. L'article 51 du Règlement est libellé comme suit :
51(1) Sous réserve de la Loi et des autres dispositions du présent Règlement et malgré l'article 30 de la Loi, le prestataire qui a quitté son emploi dans le cadre d'une compression du personnel effectuée par l'employeur et ayant pour effet de protéger l'emploi d'autres employés peut recevoir des prestations si :
a) d'une part, il a accepté l'offre de quitter volontairement cet emploi;
b) d'autre part, l'employeur a confirmé que ce départ a effectivement eu pour effet de protéger l'emploi d'un autre employé, lequel emploi aurait autrement cessé dans le cadre de la compression du personnel.
(2) Pour l'application du paragraphe (1), une compression du personnel est une mesure :
a) qui est instituée par l'employeur;
b) qui vise à réduire de façon permanente l'effectif global;
c) qui offre aux employés le choix de quitter volontairement leur emploi;
d) dont les caractéristiques, y compris celles visées aux alinéas a) à c), figurent dans des documents établis par l'employeur.
[mis en italique par mes soins]
La Commission a soutenu que les mises à pied n'équivalaient pas à un processus de compression du personnel parce que l'employeur n'avait pas pour objectif de réduire de façon permanente le nombre des employés. L'employeur a déclaré devant le conseil qu'il ne souhaitait pas réduire en permanence le nombre total d'employés. Il a plutôt déclaré qu'il tentait d'obtenir de l'aide gouvernementale qui, s'il pouvait l'obtenir, lui permettrait de ramener son effectif au niveau antérieur. De plus, soutient la Commission, la convention collective régissant les rapports entre la compagnie et le syndicat prévoit un droit de rappel d'une durée de deux ans pour tout employé mis à pied. Cela étant, affirme la Commission, il n'est pas possible de considérer les mises à pied comme étant permanentes.
Le représentant syndical souligne qu'il n'aurait pas été juste de parler de mise à pied « permanente » ou de compression du personnel, considérant le libellé de la convention collective, pour ce qui se passait dans la compagnie. Par ailleurs, la mise à pied telle que cette notion est comprise en l'espèce, si elle ne correspond pas parfaitement à la définition que donne le dictionnaire Oxford du mot permanent, n'était résolument pas saisonnière, non susceptible de se répéter et pas raisonnablement limitée sur le plan de sa durée anticipée. Il n'était certainement pas possible de dire de cette mise à pied qu'elle était de nature « temporaire ».
Le conseil arbitral a examiné la position adoptée par la Commission et le même syndicat dans le cas des compressions de personnel chez Bristol Aerospace, compressions qui avaient été effectuées peu de temps avant celle de New Flyers Industries, dans laquelle (la position) les parties voyaient un précédent propre à les guider dans la façon de composer avec la situation chez New Flyers Industries. Dans la situation de Bristol Aerospace, aucun passage du protocole d'entente ne qualifie la réduction de permanente. Et pourtant, les employés qui ont profité du programme ont touché des prestations. De plus, le représentant syndical a déclaré au conseil - et le conseil semble avoir tenu son affirmation pour avérée - que nulle entreprise manufacturière qui reste active sur le marché ne peut prédire que quelque chose est permanent. La situation dans laquelle se trouvait Bristol Aerospace au printemps 2002 par rapport à un petit nombre d'employés a servi au conseil d'exemple de l'impossibilité de prédire la durée d'un phénomène. Le communiqué paru le 16 mars 2002 et traitant des mises à pied qui devaient survenir le 8 avril 2002 disait ce qui suit :
Elle a déclaré que les compressions de personnel se poursuivraient jusqu'à la fin de juin, mais elle ajoutait qu'il était difficile de prévoir le nombre de travailleurs qui seraient touchés. « Nous pourrions décrocher un gros contrat qui changerait toute la donne. »
[Traduction]
Considérant le pourcentage de l'effectif qui avait été supprimé chez New Flyers Industries, la nature et les raisons des cessations d'emploi, la nature des espoirs de l'employeur pour l'avenir et ce sur quoi ces espoirs étaient fondés, le fait que la durée de la réduction anticipée du personnel n'était résolument pas « temporaire » mais illimitée comme le réalisme nous force à conclure, le conseil arbitral avait toute latitude pour tenir pour avéré que la réduction de personnel était permanente. La « permanence » est un constat de fait qui doit être déterminé dans son contexte particulier.
Il était loisible au conseil d'en arriver aux conclusions de fait auxquelles il est arrivé, en particulier au fait que la réduction de l'effectif était permanente, malgré l'espoir entretenu par l'employeur qu'il pourrait peut-être obtenir de l'aide d'un palier ou l'autre de gouvernement et malgré le fait que les dispositions de la convention collective relatives à l'ancienneté comportaient une clause de rappel dans les deux ans.
L'appel de la Commission est rejeté.
Ruth Krindle
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
Le 16 février 2003