TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
et
d'une demande de prestations présentée par
TAD STAWSKI
et
d'un appel interjeté par l'employeur, Rochester Aluminum Smelting Canada Ltd., à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue le 21 décembre 2001, à Oshawa (Ontario)
DÉCISION
Le juge-arbitre GUY GOULARD
Le prestataire, Tad Stawski, a travaillé chez Rochester Aluminum Smelting du 17 mars 1999 au 28 septembre 2001. Le 1er octobre 2001, il a fait une demande de prestations d'assurance-emploi indiquant qu'il avait quitté son emploi pour des raisons de santé. Une demande initiale a été établie avec effet au 30 septembre 2001. Par la suite, la Commission a déterminé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification et que cette décision n'était pas la seule solution raisonnable qui s'offrait à lui. La Commission lui a imposé une inadmissibilité aux prestations à partir du 30 septembre 2001.
La prestataire a interjeté appel de la décision de la Commission devant le conseil arbitral qui a accueilli l'appel à l'unanimité. L'employeur a porté en appel cette décision devant le juge-arbitre. Cet appel a été instruit le 30 janvier 2003 à Toronto, en Ontario. Le prestataire était présent. L'employeur était représenté par le président de l'entreprise, M. Jerry Golden, et la Commission était représentée par M. Derek Edwards.
Le prestataire a quitté son emploi en raison de problèmes de santé et de sécurité. Ces problèmes sont décrits en détail dans la décision du conseil et peuvent se résumer comme suit. En tant que préposé au laboratoire, le prestataire devait travailler avec des fours. Il était responsable d'un four installé dans un bâtiment. Un deuxième four a été ajouté, puis déménagé à l'extérieur du bâtiment. Le prestataire, qui souffrait d'une incapacité à la colonne vertébrale et au coude droit, estimait que les tâches supplémentaires ainsi que la nécessité de passer du froid pour s'occuper du four à l'extérieur, à la chaleur pour voir au four à l'intérieur suscitaient des problèmes qui, ajoutés à la charge de travail supplémentaire, créaient un risque inacceptable à la sécurité. Il a demandé qu'on lui assigne quelqu'un pour l'aider et sa demande a été refusée.
L'employeur a soutenu que le prestataire n'avait pas une charge de travail plus lourde, qu'il n'avait jamais demandé d'aide et qu'il n'était pas au courant de l'incapacité du prestataire. Il a déclaré que le prestataire avait été un bon employé et qu'il l'embaucherait de nouveau s'il voulait reprendre le travail.
Il y a de nombreuses contradictions entre la version donnée par le prestataire et celle de l'employeur au sujet des événements ayant entraîné la démission du prestataire. Le conseil a examiné en détail ces contradictions et a conclu de la façon suivante :
« Le conseil conclut que le propriétaire et le prestataire ne s'entendent pas sur la date où le four a été déménagé à l'extérieur à côté du réservoir de mazout; le prestataire a maintenu catégoriquement que cela s'était produit pendant qu'il était en congé. À son retour, c'est la goutte qui a fait déborder le vase parce qu'il était déjà épuisé par la charge de travail.
Le conseil conclut que le prestataire a eu beaucoup de difficultés à exprimer ses préoccupations au propriétaire et qu'il cherchait une façon d'exprimer ses préoccupations sans indisposer l'employeur. Il a tenté en vain de le faire au sujet de la charge de travail.
Le conseil conclut que le prestataire a eu encore plus de difficultés à parler des questions liées à la sécurité. Il ne se rappelle pas avoir vu un inspecteur dans l'usine. Le conseil estime que bien que des inspecteurs aient pu visiter l'usine, il se peut qu'ils n'aient pas examiné l'emplacement du four à côté du réservoir de mazout. Le conseil n'est pas en mesure de faire un jugement sur l'emplacement des deux fours; il ne peut déterminer que si le prestataire a agi comme il le devait avant de décider de démissionner. Le prestataire estimait qu'il serait dans une position délicate s'il communiquait avec un inspecteur.
[Traduction]
À l'audience, M. Golden, l'employeur, a déclaré qu'il avait toujours entretenu de bonnes relations avec le prestataire et a répété que ce dernier ne lui avait jamais parlé de ses préoccupations. Il a ajouté que chaque fois que le prestataire avait demandé de l'aide, celle-ci lui avait été accordée.
Le prestataire a déclaré qu'il avait déjà expliqué sa position en détail devant le conseil arbitral et qu'elle était bien résumée dans la décision de ce dernier.
La Commission a appuyé la décision du conseil parce qu'elle était bien fondée sur les éléments de preuve qu'il avait pu apprécier. La jurisprudence établit sans équivoque que le conseil arbitral est le juge des faits dans les affaires liées à l'assurance-emploi et que les juges-arbitres doivent respecter ses conclusions de faits, à moins de circonstances exceptionnelles.
Dans l'arrêt Guay (A-1036-96), le juge Marceau de la Cour d'appel fédérale a écrit ce qui suit :
« Nous pensons, en effet, qu'en contredisant, comme il l'a fait, la décision unanime du Conseil arbitral, le juge-arbitre n'a pas respecté les limites dans lesquelles la Loi assoit son pouvoir de contrôle.
(...)
De toute façon, dans tous les cas, c'est le Conseil arbitral -- le pivot de tout le système mis en place par la Loi pour ce qui est de la vérification des faits et de leur interprétation -- qui est celui qui doit apprécier.
(...)
Le juge-arbitre, d'après nous, ne pouvait pas rejeter cette conclusion du Conseil sur la seule base d'un raisonnement qui, en somme, ne fait que donner pleine priorité aux vues de l'employeur. »
Dans l'arrêt Ash (A-115-94), la juge Desjardins de la Cour d'appel fédérale s'est exprimée dans les termes suivants au sujet de l'examen judiciaire de la décision d'un juge-arbitre au sujet d'un appel à l'encontre d'une décision majoritaire d'un conseil arbitral :
« Il ressort clairement de la décision du conseil que l'opinion majoritaire, et l'opinion minoritaire avaient toutes deux été examinées à fond. Certes, les tenants de l'opinion majoritaire auraient pu conclure autrement, mais ils ont choisi de ne pas croire la prétention de l'intimé portant qu'il avait quitté son emploi en raison de sa santé. La juge-arbitre ne pouvait substituer son opinion à celle de la majorité. Les membres du conseil étaient les mieux placés et les mieux en mesure d'apprécier la preuve et de tirer des conclusions relativement à la crédibilité [...] »
Les pouvoirs d'un juge-arbitre sont limités par les dispositions du paragraphe 115(2) de la Loi sur l'assurance-emploi. À moins que le conseil arbitral n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'il ait rendu une décision entachée d'une erreur de droit ou fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le juge-arbitre est tenu de rejeter un appel.
Je ne peux conclure que le conseil arbitral a commis une telle erreur. L'employeur n'a pas démontré que la décision du conseil a été rendue de façon abusive ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance.
Par conséquent, l'appel est rejeté.
GUY GOULARD
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
Le 7 février 2003