EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
- et -
RELATIVEMENT à une demande de prestations par
DANIEL BÉNARD
- et -
RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par la Commission de l'assurance-emploi du Canada de la décision d'un conseil arbitral rendue le 18 décembre 2001, à Montréal, Québec
DÉCISION
L'honorable R.J. Marin
[1] Cet appel de la Commission a été entendu à Montréal le 19 mars 2003.
[2] La Commission interjette appel à l'encontre d'une décision d'un Conseil arbitral infirmant l'avis initial de la Commission à l'effet que le prestataire est inadmissible aux prestations, au sens de l'article 31 de la Loi, pour suspension en raison d'une question d'inconduite.
[3] La Commission invoque plusieurs motifs. Suite à une suspension de six mois sans salaire, l'enquête a révélé que le prestataire avait falsifié des certificats médicaux pour justifier ses absences. Ce geste reproché n'est pas contesté. Il s'agit de déterminer, pour les fins de ce litige, si, dans les circonstances, les faux certificats présentés comme constituant de l'inconduite justifiaient la conclusion, le prestataire alléguant souffrir de certaines difficultés médicales rendant sa conduite inconsciente ou non volontaire.
[4] Le Conseil arbitral a noté la preuve médicale au dossier d'appel et le témoignage du prestataire et, dans son ensemble, a rendu la décision qui apparaît aux pièces 17.2 et 17.3:
L'appelant a été suspendu pour une durée de six mois le 11 septembre 2001 pour avoir falsifié des certificats médicaux. La Commission maintient que l'appelant a été suspendu pour les gestes posés par l'appelant et que l'acte reproché constitue de l'inconduite au sens de la Loi.
L'appelant et son représentant avouent que l'appelant avait un gros problème d'absentéisme et qu'il a effectivement falsifié des certificats médicaux pour justifier ses absences. L'appelant souffre du syndrome des apnées du sommeil. Il est passé à la clinique pour confirmer cette maladie à la fin novembre 2001. L'appelant travaillait pour cet employeur depuis 15 ans comme mécanicien et n'a jamais eu d'autres problèmes avec son employeur. Il mentionne que les relations de travail étaient difficiles et qu'il avait droit à seulement un jour de congé de maladie par deux mois sans être rémunéré. Récemment, l'appelant se levait fatigué avec des maux de tête et il avait des pertes de mémoire. Il s'est trouvé dans un état de panique concernant son travail et a falsifié deux certificats médicaux pour justifier ses absences.
Le représentant de l'appelant a soumis lors de l'audience un témoignage de 1a conjointe de l'appelant confirmant son état médical (pièce 14) et un rapport technique de la maladie expliquant les symptômes de sa maladie (pièce 15). L'appelant se trouve dans un état dépressif qui est relié à sa maladie actuelle et prend des médicaments antidépresseurs (pièce 16).
Le représentant de l'appelant affirme que l'appelant s'est trouvé dans une situation de désespoir et qu'à cause de sa santé mentale son jugement a été altéré. L'appelant a déjà été suspendu une journée pour ses absences et a falsifié les certificats médicaux pour justifier ses journées d'absence à cause de sa santé. L'acte posé par l'appelant n'était pas intentionnel car l'appelant ne voulait pas perdre son emploi qu'il occupe depuis 15 ans. Le syndicat a déposé un grief auprès de l'employeur. Le représentant de l'appelant dépose des jurisprudences des cas semblables pour appuyer son argumentation (documents joints en liasse).
Le Conseil arbitral considère que les témoignages de l'appelant et de son représentant sont crédibles et que les éléments psychologiques ont causé à l'appelant d'agir d'une telle façon. L'appelant n'a pas été suspendu en raison d'inconduite car le geste posé n'était pas délibéré. Pour cette raison la décision de la Commission est rejettée (sic) et l'appel est accordé UNANIMEMENT.
[5] Le dossier d'appel constitué pour le Conseil démontre bien que le prestataire a présenté plusieurs pièces pour justifier ses absences. Il avait falsifié celles-ci. Il admet être dans une situation précaire relativement à son emploi en raison de ses absences. L'argument devant le Conseil et devant le soussigné est à l'effet que l'inconduite doit être un acte conscient et son absence rend l'inconduite non-punissable en vertu des articles de la loi. Cette défense est étalée à la pièce 10 où on allègue que le prestataire souffrait des manifestations de la maladie depuis plusieurs années sans comprendre qu'il souffrait des symptômes de l'apnée qui le laissait en état de vigilance abaissée, de fatigue chronique et un état d'esprit perturbé.
[6] La pièce 10.5 indique que le prestataire souffrait d'apnée du sommeil et qu'il devait être dirigé à un laboratoire de sommeil. Le diagnostic donné par le médecin traitant est appuyé par de nombreux articles aux pièces 10.9 à 10.13 à l'effet que ce trouble respiratoire, qui se produit pendant le sommeil, consiste à une obstruction totale des voies aériennes supérieures. Les conséquences sont que la somnolence se manifeste par des endormissements pendant le jour, à l'occasion brefs, d'autres fois plus soutenus, et des maux de tête. On conseille le traitement. Il existe au Québec une association dont la vocation est de tenter d'identifier les motifs de cette maladie.
[7] À la pièce 14, la conjointe du prestataire élabore les symptômes qu'elle a notés. À la pièce 15.1, une clinique d'apnée du sommeil témoigne des symptômes et du fait que M. Bénard est patient de la clinique. L'Association des ronfleurs et apnétiques du Québec, dans son énoncé de 1993, identifie les mêmes manifestations d'inconscience, de troubles et autres.
[8] Le Conseil est le maître des faits. Il a regardé l'ensemble du témoignage écrit et le témoignage rendu. À mon avis, sa décision est bien fondée en l'espèce et je n'ai pas l'intention d'intervenir. Je note les nombreuses décisions déposées. À l'occasion, dans la jurisprudence, il est évident que l'absence de preuve médicale avait portée atteinte au succès d'une telle défense. Dans les circonstances, toutefois, je rejette l'appel de la Commission et je fais droit à la décision du Conseil établissant les droits du prestataire aux bénéfices.
[9] L'appel de la Commission est rejeté.
R.J. Marin
JUGE-ARBITRE
OTTAWA, Ontario
Le 14 avril 2003