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  • CUB 57123

    EN VERTU DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    et

    RELATIVEMENT à la demande de prestations faite par
    PIERRE CHAMPAGNE

    et

    RELATIVEMENT à un appel interjeté par la Commission auprès d'un juge-arbitre à l'encontre d'une décision d'un Conseil arbitral rendue le 25 juin 2002 à Montréal, Québec.

    DÉCISION

    A. GOBEIL, juge-arbitre.

    La Commission en appelle d'une décision d'un conseil arbitral qui renversait celle qu'elle avait prise à l'endroit du prestataire, le 16 avril 2002, dans les termes suivant:

    « Nous désirons vous informer que votre demande de prestations ne peut débuter le 17 décembre 2000. Il en est ainsi car vous n'avez pas prouvé que du 17 décembre 2000 au 8 mars 2002 vous aviez un motif valable justifiant le retard à présenter votre demande. »

    Il y a lieu de citer la partie suivante de la décision arbitrale puisqu'elle comporte les faits sur lesquels le conseil a basé sa décision:

    « Les faits au dossier se résument ainsi:

    Une demande de prestations a été faite par l'appelant le 15 mars 2002 (p.2.). Le 15 mars 2002 l'appelant demande d'antidater sa demande au 18 décembre 2000 (p.5.). D'après les informations fournies par l'appelant, sa dernière période de paie était le 31 décembre 2000 (p.3.) et lors de sa mise à pied, l'appelant a eu un an payé en plus il a travaillé comme consultant du 30 juillet au 2 novembre 2001 (pièces 4 et 5). La Commission a refusé l'antidatation d'après l'article 10 de la Loi.

    Lors de l'audience, l'appelant a apporté un nouvel élément que nous déposons au dossier sous le numéro de pièce 11. Il s'agit de sa dernière application pour bénéfices faite à la commission d'assurance emploi et datée du 8 mai 1992 quand il a été mis à pied de son employeur à l'époque (Samson, Bellair, Deloit & Touche) le 15 septembre 1991. Or cette demande de prestations a été acceptée par la commission à partir du 7 juin 1992 parce qu'il avait reçu une indemnité de vacances et allocation de départ au montant de $49,391.88. D'après son raisonnement, il a utilisé son expérience de 1992 pour calculer son temps avant de déposer sa demande. En effet à la pièce 8.2 l'appelant écrit ce qui suit:

    « Selon la même logique, j'étais convaincu que ces 14 semaines travaillées s'ajouteraient de façon cumulative aux 52 semaines d'attente précédentes et que cela retarderait mon admissibilité à des prestations d'autant, soit jusqu'au 15 avril 2002. J'ai donc retardé la présentation de ma demande de prestations en conséquence et me suis présenté au bureau d'assurance-emploi le 15 mars 2002. »

    Le Conseil Arbitral croit que l'appelant est de bonne foi et considère la preuve au dossier ainsi que les déclarations lors de l'audition. Le tout démontre qu'il a agi comme une personne raisonnable et prudente compte tenu de ses expérience (sic) et des circonstances.

    Pour cette raison les Membres du Conseil Arbitral accueillent l'appel d'antidatation UNANIMEMENT, conformément à l'article 10 de la Loi. »

    Il est évident que dans le cas sous étude, les membres du conseil arbitral ont particulièrement tenu compte de l'expérience semblable vécu par le prestataire en 1992. Il faut rappeler que l'article 9(4) de la Loi sur l'assurance-chômage d'alors n'est pas différent de l'article 10(4) de la Loi sur l'assurance-emploi qui s'applique ici.

    La jurisprudence est maintenant constante à l'effet que l'évaluation du motif valable justifiant un retard de soumettre une demande de prestations vise la manière d'agir du prestataire. Cette manière d'agir doit être telle qu'elle permet de considérer que le prestataire a agi ainsi que l'aurait fait une personne raisonnable, soucieuse de connaître ses droits et ses obligations dans le but de les respecter. (Albrecht, A-172-85, Smith, A-549-92, Pellerin, A-1283-92)

    Le fait de ne pas s'enquérir de ses droits et obligations ne peut être reproché à un prestataire que s'il apparaît que cette démarche est nécessaire et que son défaut illustre la négligence, l'imprudence ou l'insouciance du prestataire. Or, les membres du conseil arbitral, confrontés aux faits qui leurs sont présentés n'arrivent pas à cette constatation en raison particulièrement du fait qu'ils retiennent comme élément essentiel la situation semblable vécue par le prestataire en 1992. Ils considèrent alors que le prestataire « a agi comme une personne raisonnable et prudente compte tenu de ses expériences et des circonstances. »

    Cette interprétation des faits ne m'apparaît pas manifestement déraisonnable. Pourquoi une personne raisonnable, placée dans la situation du prestataire, aurait-elle du éprouver la nécessité de s'enquérir de ses droits et obligations, au risque de se voir taxée de négligence et d'insouciance si elle ne le faisait pas, alors qu'en 1992, placée dans une situation semblable, elle avait vu la Commission lui accorder ce qu'elle demande aujourd'hui, alors que la loi est la même qu'en 1992.

    Ainsi, c'est en quelque sorte le geste antérieur posé par la Commission qui a placé le prestataire dans une situation où une personne raisonnable n'aurait éprouvée la nécessité de s'informer de ses droits et obligations puisque les paramètres de leur exercice en avait été établis dans une situation comparable antérieure. Cette situation fait partie des circonstances retenues par le conseil arbitral.

    Dans le cas sous étude, rien ne me permet de dire que la décision des membres du conseil arbitral est fondée sur une conclusion de fait abusive ou arbitraire, où sans tenir compte des éléments portés à leur connaissance.

    Je n'ai aucun motif d'intervenir et de substituer mon opinion à celle des membres du conseil arbitral alors que la question soumise repose avant tout sur une preuve de faits auxquels ils ont donné une interprétation raisonnable. (Affaire Ash, A-115-94, affaire Guay, A-1036-96)

    EN CONSÉQUENCE, l'appel est rejeté.

    Albert Gobeil

    juge-arbitre

    Montréal, province de Québec
    Le 15 février 2003.

    2011-01-16